La Rue ou Ruelle médiévale est, bien sûr, le théâtre d'activités professionnelles fort variées, qu'elles soient habituelles ou occasionnelles. Elle est à la fois un passage, un atelier, un bureau ou se traitent des affaires et un marché permanent !
Tout au long de la journée, c'est à dire quand il fait jour, car il est interdit de travailler la nuit, artisans et boutiquiers officient derrière l'ouverture de leurs échoppes ou de leurs " Boticques " et ceci à la vue des passants qui se trantolent es rues et ruelles
Les réglements des corporations en font d'ailleurs une stricte obligation, facilitant ainsi les opérations de contrôle de la Guilde, du Prévôt des Marchands et des Sergents du Prévôt Royal. Cela permettait aussi aux futurs clients, de constater de visu, la qualité du travail, bref une publicité qui ne coûtait rien !
Cela était d'ailleurs notifié dans les statuts du " Livre des Métiers " du Prévôt Royal, Etienne Boileau (voir article) écrit sous le règne de Saint Louis ( Louis IX, qui n'avait rien d'un Saint, voir Article )
Dans ce recueil de règles régissant les métiers il était précisé, selon les corporations, qu'un Maître ne peut officier qu'à la vue du peuple, un impératif que l'on retrouve dans beaucoup de professions, Tailleurs, Orfèvres, armuriers, métiers de Bouches etc !!!
Les échoppes sont généralement bordées de larges bancs de pierre ou de bois, nommés "
bansches " dans les villes du midi, de tréteaux, de dressoirs à usage commercial ou sont exposés à la vente, mais aussi à la tentation du chaland, ainsi qu'à la poussière, tous produits de consommation courante, tels que vivres, tissus, espices et objets décoratifs !
Dans certaines villes le vantail inférieur des fenêtres ou " Taulié " est abaissé pour servir de table ou de comptoir selon la " Boctique ou Bouticque ", tandis que la partie supèrieur se relève comme une fenêtre à Tabatière, un système que l'on retrouve à Paris comme à Toulouse. Les rares maisons médiévales que l'on trouve à notre époque montrent quelquefois ces " étals "
Quand on a pas la chance de croiser ce témoignage d'histoire, on peut se reporter à des miniatures qui montrent, en plus, les marchandises exposées sur ces étals ainsi que la clientèle qui les achète. Les boulangers, Charcuitiers, Pastissiers, Drapiers, Changeurs, Coutelliers, mais encore Potiers de terre ou d'étain, les Marchands de Vins ou tout autres boissons comme l'hypocras, le Citre (cidre), et tous représentés avec au dessus du présentoir des enseignes ou des écriteaux
Pour certains exceptionnellement vous pourriez même y trouver un éclairage !
Certaines professions n'hésitent pas à entreposer sur la voie publique, même si cela est bien souvent interdit, des matières premières, des outils, des baquets ou "
Calquiers " à l'usage des Tanneurs, des Claies ou des "
Pelains " pour sécher les peaux et les toiles, voir même à pratiquer certaines opérations liées à leurs professions comme le Barbier ou le Barbier chirurgien ...que voulez vous on fait sa Pub comme on peut !!!
Mais les Bouchers, le Mégissiers ( travail des peaux et du cuir ), les Teinturiers et les Ciergiers ( nommés un peu plus tard Ciriers ) fabriquants de cierges....ne pas confondre avec les chandelles qui sont faites avec du suif animal et qui empeste la maison d'une odeur désagréable ! ( voir article ), eux sont coutumiers du fait ! et ont souvent maille à partir avec les Sergents du Prévôt !
Il est fréquent de trouver dans les Auberges, donnant sur la rue, un présentoir ou l'on vendoit du vin ou l'Albergiste servait le vin aux simples passants sur la chaussée. Il n'est pas rare non plus, au moment des vendanges, de voir devant sa porte de petits pressoirs que l'on pouvait louer pour écraser le raisin de son clos afin de faire sa propre piquette
Beaucoup de gens avaient quelques pieds de vignes pour faire leurs vins. c'est le cas à Evreux ou l'on fabriquait au XIV siècle un vin qui se vendait dans toute l'Europe !!! ( voir article )
A force de s'étendre dans les ruelles les étalages finissent par nuire à la circulation, ainsi qu'aux règles élémentaires d'hygiènes. On se soucie beaucoup de ce problème dans les cités du midi, comme à
Toulouse par exemple ou les bancs obstruent trop souvent rues et ruelles malgré les mesures prises par les
Capitouls ( les élus c'est à dire le maire et ses adjoints )
Nimes va dès 1270 désigner des commissaires pour mettre fin à de semblables abus, même chose pour la ville de Narbonne en 1291. Les premiers visés par ces interdits sont les marchands de fruits et légumes et les Poisonniers
Ailleurs d'autres réglements définissent la largeur maximum des étals et des auvents mais le problème reste entier et les ordonnances pour désencombrer les voies publiques doivent être continuellement répétées, sans grand succés bien souvent !!!
On s'interroge encore maintenant pour savoir si les rues et ruelles des cités continuent d'héberger, en cette fin du moyen âge, les métiers qui leur ont légué un nom coutumier dans le passé et si un groupement topographique des professions est toujours de rigueur ???? les Savetiers rue de la Savaterie, les Drapiers rue de la Draperie etc ..
Sauf pour des nécessités techniques comme le voisinage indispensable d'un moulin à fouler ou à tanner pour Tanneurs et Foulons, ainsi que de gros besoin en eau ou la nécessité d'un port, d'une voie de passage pour d'autres professions la situation va évoluer.
On tient compte de plus en plus du facteur sécurité, mais aussi de l'odeur, et du bruit, habiter à côté d'un Tanneur n'est pas flatteur pour vos narines, ni pour vos oreilles si vous logez à côté d'un Boucher ou des abattoirs !!
Si cette spécialisation des rues et ruelles subsiste encore fin XV siècle elle n'est plus générale. Des livres rentiers Bretons nous montrent qu'il n'y a plus de Cordonniers rue de la Cordonnerie, d'ouvriers du textile rue de la draperie, ni qu'aucun marchand ou financier Italien n'habite plus rue des Lombards !
A Hennebont en 1500 il n'existe pas de rues réservées à un type de production, pas plus que de l'autre côté de la France à Cavaillon ou l'on dispose aussi d'actes notariés détaillés
PS : si vous voulez en savoir plus je vous conseille le livre de J-P Leguay sur la rue au Moyen âge M de V