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mardi 16 mai 2017

Montaillou présentation d'un village au XIV siècle

Présentons en premier l'auteur qui nous permet de décrire la vie rurale tel qu'elle était à cette époque. En 1320 Jacques Fournier, évêque de Pamiers, déploie ses talents d'inquisiteur sur le village Occitan de Montaillou.

Maigret avant l'heure, ses suspects il les poursuit de manière obsessive et maniaque, il remarque tout, note tout, il finit par déterrer tous les secrets du village. Rien n'échappe à cet ecclésiastique fureteur, ni les vies intimes, ni les drames de l'existence quotidienne.

Je me propose de vous inviter dans ce village ressuscité par les soins de monsieur Emmanuel le Roy Ladurie historien, professeur au Collège de France.


Cette bourgade n'est pas une grosse paroisse,la population locale se compose de 200 à 250 habitants, après le passage de la peste noire et les atteintes directes ou indirectes de la guerre de cent ans, fin XIV siècle, le village ne compte plus qu'une centaine d'âmes réparties sur 23 feux.

Mais lors du passage de notre inquisiteur nous n'en sommes pas là. Le pays d'Aillou est un beau plateau entouré de pâturages et de forêts, Montaillou  domine ce plateau formant une construction étagée.

Au sommet de la butte sévit le château, les maisons sont souvent contiguës ou séparées de temps à autre par des jardins ou s'ébattent les porcs, l'agglomération n'est pas fortifiée, en cas de périls les habitants se réfugient derrière les remparts de la forteresse. Les maisons en contre bas du village se serrent  les unes contre les autres, formant une défense naturelle, trouée d'une entrée qu'ils nomment portail.



Les environs immédiats forment un damier de parcelles de 20 à 30 acres chacune, les terres cultivées le sont à l'araire traînée par des boeufs, vaches, mules ou ânes. Les terres sont trop en altitude pour avoir de la vigne, on produit du grain: avoine et froment qui suffisent tout juste en production à cause de la rigueur du climat.

Il y a aussi le chanvre que les femmes se chargent de teiller et de peigner en hiver. Pour le companage nous avons les raves les choux, poules et oies en basse cour, les porcs et bien sur des centaines de moutons.

Nous avons cité tout à l'heure l'araire!! et pour cause, le village ignore la roue tant comme instrument de tractation que de transport, donc pas de charrues ni de charrette. Celle ci ne roulent que dans le bas pays ou dans la vallée de l'Ariège.


La division du travail se fait selon l'âge et le sexe: L'homme laboure, coupe les grains, cueille les raves, chasse et pêche les torrents regorgent de truites et les forêts alentours grouillent d'écureuils et de coqs de bruyère. L'enfant déjà grand garde le troupeau paternel. La femme prend soin de l'eau, du feu, du jardin, des fagots et de la cuisine, mais elle doit aussi cueillir les choux, sarcler les blés, lier les gerbes, laver les pots à cuire à la fontaine et en saison participer aux moissons. Elle est surtout durement menée depuis son enfance.


L'exploitation agricole est centrée sur la maison, dont une partie séparée par une cloison est réservée à la stabulation des bêtes: moutons non transhumants, boeufs, porcs et mules viennent s'y entasser entre quatre murs l'hiver à proximité des chambres et de la cuisine.

Chez les plus riches du village (ils ne sont pas nombreux), un bâtiment du type bergerie ou étable est isolé par une cour de la maison d'habitation.

On ne trouve pas hors village, en rase campagne, de bâtisse ou de bâtiment d'exploitation, à part quelques cabanes pour les bergers transhumants et leurs troupeaux.


Les pâturages d'altitude constituent le monde de ces bergers transhumants, gouverné par ses lois propres, les idées, les hommes, la monnaie y circule de cabanes en cabanes sur de longues distances. Le contraste est énorme par rapport à l'économie de gagne petit qui règne au village. Celle ci est basée sur le troc, le prêt ou sur le don mutuel et sans grande circulation d'argent.



Pour l'Artisanat, la panne d'argent est chronique, Guillemette Clergue raconte que son mari le cordonnier du village, devait  attendre que ses clientes aient vendus leurs volailles à la pentecôte pour se faire payer les réparations des souliers qu'il avait effectuées pour leurs époux.

Le Tisserand, Raymond Maury, exerce son métier dans une chambre de bois profonde, sorte de cave humide et ronde demi souterraine aménagée à cet effet, mais il est aussi éleveur de brebis, pour améliorer l'ordinaire.



On trouve la Tavernière Fabrisse Rives, les clients ne viennent pas chez elle boire un coup, ni pour bavarder, elle se borne à vendre du  vin qu'elle fait monter à dos de mules depuis le bas pays, elle livre aussi de temps à autres le domicile des particuliers. Il faut reconnaître que le commerce local est moribond du fait du manque de liquidités des habitants, Ceux ci par obligation sont bricoleurs,  voire même bon bricoleurs, utilisant de nombreux tours de mains de divers métiers.



En temps normal on mange à peu près correctement au village, le pain de froment et le pain de millet forment le fond de la nourriture, comme il n'y a pas de moyen de moudre le grain on descend avec ânes ou mules au moulin Comtal, puis dans l'autre sens on remonte la farine pour la bluter à domicile dans le tamis domestique.

On cuit le pain chez soi, car il n'y a pas de four commun ou seigneurial dans cette petite bourgade, ce qui ne veut pas dire que tout le monde possédait son four au logis!! loin s'en faut.



C'était un signe de richesse, or donc ceux qui n'en avaient pas pétrissaient chez eux puis vont chez le voisin plus fortuné pour cuire son pain, ainsi fait Brune Pourcel, la pauvresse bâtarde qui utilise les facilités de cuisande que lui offre Alazaïs Rives.

Pour la viande on mange le mouton de réforme ( vieux ) quelques fois du cochon salé, mais surtout fumé, la consommation du porc semble courante et le fumage du lard après la tuerie des bêtes à l'hivernage, fait l'objet d'une entraide de voisinage comme pour le pain.

Dans tel foyer l'âtre et plus grand ou le feu plus nourri, permettant de traiter plus de chair, le propriétaire accueille donc telle famille plus indigente pour qu'ils fument leurs viandes. Ainsi fait Raymonde Belot à l'époque du carême, qui vers l'heur de vêpres portait chez Guillaume Benet, deux côtés de porcs pour les faire sécher.


La soupe implique toujours le lard et le pain, auxquels on ajoute selon le moment et la production, choux, poireaux, fèves et raves, les deux dernières sont cultivées en plein champ et non pas au potager, mais complètent l'herberie de celui ci.



La cueillette des noix, noisettes, châtaignes, champignons et escargots fournissent les ressources d'appoint, et comme cité plus haut divers gibiers et truites sont offerts par dame nature. On consomme parfois mais fort peu du poisson de bord de mer salé, il est monté à dos de mules dans des tonneaux.

Quand au vin il n'abonde guère, il n'y a pas de vigne à Montaillou, on en boit pour les grandes occasions et le soir à la veillée au coin du feu circulent deux ou trois coupes.

Le sucre enfin est la denrée la plus rare, que l'on peut si on en a les moyens acheter pour offrir à la dame de ses pensées, ce produit est généralement importé du monde islamique, pour les autres il reste le miel des abeilles et le sucre d'érable ou de bouleau que l'on récolte en forêt.






Nota: Nous avons parlé de l'Araire et de la Charrue, il me semble nécessaire de préciser les différences notables de ces deux outils:

Premièrement, la charrue a des roues l'araire n'en a pas, deuxièmement l'araire n'a qu'un seul outil la charrue en a trois, troisièmement l'araire est totalement en bois, même le soc, sur lequel on place une coiffe métallique, la charrue elle possède un coutre un soc et un versoir en métal

Particularités: si l'araire creuse des sillons, elle ne retourne pas la terre, donc ne l'aère pas !! elle est donc efficace sur des sols légers, mais pas sur les terres grasses ou argileuses.

La charrue avec ses trois outils apporte l'oxygène au terrain, son coutre coupe la terre verticalement, puis son soc coupe horizontalement, et enfin son versoir retourne la terre coupée sur le côté, elle est adaptée à tous les types de terrain, mais nécessite une force de traction supérieure

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PS: la nourriture principale reste le pain et tout ce qui l'accompagne se nomme companage, pour ce qui est de notre évêque inquisiteur de Pamiers, si ses écrits sont parvenus jusqu'à nous c'est qu'il fut plus tard Pape et que ses écrits se trouvaient au Vatican bien à l'abri   M de V