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jeudi 13 février 2020

Service de Dieu, service des Princes, au bas Moyen âge

L'opposition entre le service de Dieu et celui des Princes, ou si vous préférez celui d'un état, est loin de recouvrir l'opposition entre Clercs et Laïcs. Si dans les pays méditerranéens le personnel politique et administratif employé par les cités et les princes était déjà largement laïcisé au Bas Moyen âge, il n'en allait pas de même, et loin s'en faut, dans l'Europe du Nord !!

Nous trouverons deux raisons à cet état de faits : premièrement les Laïcs lettrés y étaient encore fort peu nombreux, et en second lieu, parce qu'il était commode pour le pouvoir séculier de faire appel à des Clercs dont l'église assurait la rémunération !!!!. Beaucoup de serviteurs de l'état étaient donc des ecclésiastiques, chanoines, évêques, abbés ou moines. Mais soulignons que l'église et en particulier son premier représentant, le Pape, ne paraissait pas s'opposer à cette situation !!, bien qu'elle aille à l'encontre d'anciennes interdictions canoniques, contre la pratique par des Clercs de disciplines profanes

Il semble même que du XIII au XV siècles, nos Papes aient volontiers octroyés des bénéfices ecclésiastiques à des Clercs déjà engagés aux services de différents princes et recommandés par eux. Bien sur on peut s'interroger sur les causes de cette générosité pontificale ???. L'église y voyait elle un moyen de garder une certaine influence sur les appareils d'états, ou sur ceux en train de se constituer ???. Quoi qu'il en soit on peut admettre qu'à l'évidence, l'aide ainsi octroyée, pour ainsi dire gratuitement par l'église envers un état était généreuse

Les services rendus par ces prélats étaient de plusieurs genre, il pouvait s'agir de services de nature domestique et personnel, gardant une connotation religieuse, tel que: confesseurs, chapelains, familiers, précepteurs et secrétaires de maisons, comme Jehan Froissart, secrétaire de Philippa de Hainaut, reine d'Angleterre (voir article). Ou au contraire de services relevant clairement de la sphère publique et laïque, tel que: officiers de justice, ou de finances, voir même ambassadeurs etc !!!!

La France et Albion sont les deux états ou les Clercs ont le plus longtemps tenu une place importante dans l'appareil monarchique, surtout au niveau central. En fait cette tradition de Clercs au services d'un Prince ou d'un état ne disparaîtra totalement qu'à la révolution











En Angleterre le Chancelier était presque toujours un prélat, le plus souvent l'archevêque de Canterbury, mais les services centraux de la monarchie, chancellerie, banc du roi, tribunal suprême et échiquier étaient peuplés de Clercs au moins jusqu'à la toute fin du XIV siècle

En France à l'époque du roi de fer (1285-1314), une enquête sur les personnels qui composent un milieu social, et portant sur le personnel des organes centraux du gouvernement, à la fois dans son hôtel et ses services administratifs, a montré que 273 des 1884 officiers recensés, soit 15%, étaient chanoines, à quoi il faut ajouter les évêques et les religieux non gradés du monde ecclésiastique

En fait ils représentaient plus de la moitié des notaires, secrétaires de la chancellerie, des maîtres des comptes des conseillers du parlement. Par la suite ces pourcentages baissèrent, mais lentement. Ajoutons que les chanoines utilisés par les princes de l'Europe du nord étaient principalement ceux qui possédaient des diplômes universitaires

En Italie en revanche le personnel des chancelleries, des administrations et des tribunaux a été très tôt laïcisé, c'est sans faire appel à l'église que dès 1224, Frédéric II va fonder à Naples le studium de rhétorique et de droit, qui devait former les officiers dont il avait besoin pour gouverner le royaume de Sicile

Au XIV et XV siècles les chancelleries et les tribunaux des villes italiennes sont essentiellement peuplés de secrétaires et de juges laïcs, issus soit de Bologne, ou des autres universités juridiques de la péninsule, les Clercs étaient presque systématiquement écartés des charges politiques et administratives

Même à Saint Pierre de Rome, dans l'état pontifical, on ne peut guère distinguer service de l'église et service de l'état, 19% seulement des chanoines se virent confier des charges publiques, dont 1% à peine de charges strictement laïques !!

Ce qui pourrait laisser penser que beaucoup de ces ecclésiastiques diplômés pouvaient s'expatrier dans les différents royaumes du nord de l'Europe afin d'offrir leurs services aux différents appareils gouvernementaux, mais la le nain ne fait qu'une supposition ????











L'administration centrale du royaume de France, si nous laissons de côté le conseil (organisme politique), l'hôtel du roi ( organisme domestique), ainsi que le commandement des armées, n'employait guère vers 1350 que 250 personne en tout et pour tout.

C'est à dire qu'en détaillant, accordons une centaine de personnes au parlement, puis une soixantaine à la chancellerie, et le reste dans divers services financiers et monétaires, ce chiffre n'augmentera pratiquement pas avant la fin de la guerre de cent seize ans

Il est vrai que la plupart de ces officiers, mis à part les gens des finances, chargés des aides et du trésor, méritaient fort à l'époque la qualification " d'hommes de savoir "

La quasi totalité des conseillers du parlement et des maîtres de comptes étaient licenciés ou docteurs en droit. Beaucoup de notaires et de secrétaires l'étaient aussi, ou du moins étaient ils maîtres ès arts !!

Ces personnes possédaient tous une solide culture à la fois juridique et rhétorique. De Gervais du Bus, virulent auteur du Roman de Fauvel (voir article), qui évoluait dans la sphère gouvernementale du roi de fer, vers 1314, aux premiers humanistes du temps de Charles VI le Fou, nombreux furent ces gens de chancellerie qui jouèrent un rôle important dans le développement de la littérature et de la pensée politique française






PS: cet article est tiré du livre de Jacques Verger, historien médiéviste spécialisé dans l'étude des Universités du Moyen âge " les gens de savoir en Europe à la fin du Moyen âge "...le nain n'a presque rien ajouté M de V