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mercredi 26 octobre 2022

Les Moines de Schöntal 2/3

De la quarantaine de moines qui habitent, respirent et se déplacent dans les lieux que nous avons décris dans le précédent article, nous savons qu'ils formaient un groupe indistinct et uniforme, de part l'habit et le comportement collectif. Ce sont les anonymes de l'Abbaye !

Dans ce groupe on distingue d'abord des fonctions ou des offices, en premier l'Abbé, le Prieur et le sous Prieur, puis le Cellerier chargé de l'intendance, le Portier surveillant entrées et sorties, l'Hospitalier chargé de d'héberger visiteurs, voyageurs de passage, pèlerins. Ensuite l'Infirmier, le Maître des Novices s'occupant des plus jeunes, Le Chantre chargé du chant et du choeur des moines, le Lecteur chargé des lectures quotidiennes au réfectoire, et pour finir le Sacristain chargé de préparer l'autel avant la messe !. Bien sûr suivant le codex ces piliers de la communauté seront assaillis par les démons

Dans cette communauté l'anonymat est de règle, par l'uniformité du vêtement, la coule dont la capuche dissimule le visage et les manches qui enferment les mains, ces religieux, par choix, n'ont plus de volonté propre, ils obeissent à la règle et à l'Abbé. Eux aussi seront assaillis par les démons et feront remonter l'information soit au chapitre soit au parloir vers leur Abbé, mais aussi en confession ( à savoir que tous les moines ne sont pas prêtres)






Cependant l'anonymat n'est pas total puisque beaucoup d'entre eux sont désignés dans le codex par une initiale et à l'instar de frère "N", rédacteur du texte, certains seront aussi signalés par la lettre " N ", on trouve un frère "N " qui a bien chanté lors de la fête de la nativité de la vierge, puis un autre frère "N ", celui ci ami de Richalm, dont les démons font enfler le ventre tout un été, jusqu'à son trépas !

D'autres moines font l'objet de descriptions, deux d'entre eux bien connus du copiste " N " et de Richalm sont cités, Adelhard et Adelhold, deux personnalités aussi opposées que possible !!. Du premier Richalm observe les habitudes vertueuses, Adelhard aime son prochain, alors que cet aveugle de Abelhold, en proie aux démons refuse de pardonner à des adversaires qui sont, bien sûr, d'autres moines !. Richalm ira même jusqu'à lui refuser la communion pour le punir !

D'un autre côté si la cloture monastique est réelle elle n'est pas étanche pour tout le monde, l'Abbé est en contact avec le monde extérieur, source d'autres tentations des démons. Discutant de ses problèmes de santé avec Rüdiger, le valet d'écurie il lui fut proposé de soigner ses maux grâce à une sorcière du village voisin, celui ci refuse ce procédé illicite, selon les écrits du codex, et s'en remet aux bénédictions de l'église 









S
elon la règle la vie du monastère s'organise autour de la prière et du travail, cette activité pour le moins physique a une finalité matérielle qui est avant tout de fournir la nourriture de la communauté. Pourtant selon les écrits, les moines de Schöntal ne semblent pas réceptifs au caractère rédempteur du " Labor " (labeur), ils ne cessent de protester contre la fatigue et les douleurs que leurs valent le travail des champs, bêcher, faucher, faner, moisonner et tailler la vigne

Les démons les font murmurer contre ces contraintes, dit le codex, ils comparent leur labeur au travail forcé imposé par les Sarrasins aux captifs chrétiens des croisades !. L'Abbé Richalm lui même n'évite pas les conseils d'un démon qui désire le voir redoubler d'efforts, de sorte qu'il aura deux fois plus de raisons de se plaindre, tout en se sentant coupable de ne jamais en faire assez.....sournois le démon !!!

Or donc les moines ruminent et si la voix ne doit être utilisée que pour la louange de Dieu, il n'en demeure pas moins qu'ils ronchonnent dans leurs capuchons. Ils n'ont pour s'exprimer que le Parloir, la Confession et le Chapitre dans une certaine mesure !..ils se doivent de garder le silence !








Pour communiquer entre frères ils utilisent un langage gestuel, mis au point au XI siècle à Cluny, permettant de dire l'essentiel avec ses doigts, dans un style laconique et frustrant, du genre " passe moi le pain " ou " donne moi à boire ",cependant au XIII siècle ce langage avait considérablement évolué et ces moines pouvaient avoir des conversations bien plus élaborées !

Mais selon les écrits du codex de Richalm si un son s'échappait de la bouche d'un moine à son corps défendant, ce dernier va de suite incriminer un démon qui lui fait enfreindre la règle du silence. Si l'on se réfère pour simplifier au film " le nom de la Rose " tout est prétexte pour justifier les assauts du Malin !!

Je voudrais aborder un sujet qui m'est cher. Le travail des Copistes dans un Scriptorium comme celui de Schöntal, il est lui aussi silencieux et appliqué, lieu ou bruissent seulement les murmures des moines épelant les mots qu'ils sont en train de caligraphier ainsi que le raclement de la plume sur le parchemin. On trouve le plus souvent dans cet endroit ceux qui savent lire et écrire et ils sont bien souvent à l'origine de cette évolution de la langue par gestes










C'est une ascèse également très dure, souvent épuisante pour le dos et les yeux, travail exécuté toujours dans le froid et le manque de luminosité. Ces moines copistes peinent à la tâche, s'en plaignent entre eux par gestes et font remonter leurs récriminations au chapitre de la salle Capitulaire 

Le tracé des lettres en calligraphie requiert une telle attention des copistes, que selon le codex, ce tracé continue de les poursuivre jusqu'aux portes du sommeil. et l'Abbé Richalm et frère " N "ne se privent  pas d'adjurer les copistes  d'êtres fidèles au texte dans leur travail sur le Liber revelationum !!!



PS: toutes les activités pieuses des moines de Schöntal ne se déroulent pas sans dérives et transgressions; ils aspirent à une vie Angélique, mais néanmoins restent humains, succombant aux péchés susurrés par les DEMONS....dans le troisième volet nous les évoquerons M de V