Membres

dimanche 21 juillet 2019

Quelques recherches sur le repas au XV siècle

L'inventaire que nous avons donné dans l'article précédent au sujet de la cuisine, semble bien sommaire pour un cuisinier de notre époque !! Par malheur le Duc de la Tremoille ne nous a fourni aucun menu de ses ancêtres (voir article, intérieur d'un grand seigneur au XV siècle).

Essayons de combler cette lacune, et pour ce faire utilisons les données de A L Franklin, fournissant de précieux renseignements sur la vie domestique, empruntons donc gaillardement à cet auteur ce qui a rapport à l'époque qui nous occupe, c'est à dire le XV siècle !!

Toutes les cuisines étaient semblables, elles ne différaient que par le nombre d'ustensiles et de cheminées. Ainsi dans une cuisine royale, elles ne renfermeront que plus de poêles, poêlons, chaudières et chaudrons que celle de Georges de la Tremoille, si ce n'est 4 grills, 2 lèchefrites, passoires et autres mortiers

Les viandes et le poisson étaient rôtis ou bouillis, l'art du Queue de Bouche ne se manifestait que par la variété de ses sauces. Et quelles sauces !!!!!, l'amour des épices et leurs mélanges incroyables étaient poussés aux dernières limites

Mais fournissons un exemple afin de marquer les esprits en ce qui concerne les quantités en stock dans les différentes maisons










Prenons la liste de l'inventaire de la maison de Jeanne d'Evreux après sa mort, elle est significative !!. Trois balles d'amandes, 6 livres de poivre noir, 23 livres de gingembre, 13 livres de cannelle, 5 livres de graines de paradis (grande cardamome), 3 livres de girofles, 1 livre de safran, 1 livre de poivre long (beaucoup plus onéreux), 1 quarteyron de macis (coque de la muscade), 1 quarteyron de fleur de cannelle, 3 quarteyrons d'espies (fleur de la grande lavande), 5 livres de sucre commun et 20 livres de sucre fin, énorme !!! Pour info le quarteyron représentait 26 livres au poids !!!!

Parmi toutes ces épices si chères et si rares, donc si précieuses, venant de contrées reculées de l'Orient, de Ceylan, des Moluques, dont à l'époque on ignorait jusqu'au nom !!!, on ne voit pas figurer un condiment spécifique à la France, et qui se trouve être l'orgueil de la gastronomie Française actuelle ????, nous voulons parler de la Truffe, et cependant elle était déjà appréciée. Ceci fut une découverte parmi tant d'autres de Siméon Luce

Car si l'on en croit d'aucuns notre truffe n'aurait été connue qu'à la fin du XVI siècle !!!. Or en dépouillant les registres de la comptabilité de jean Duc de Berry, frère de notre monarque Charles V le Sage, il trouva de nombreuse pièces prouvant que le Duc savait apprécier ce savoureux tubercule !!. La truffe aura même un détracteur réputé en la personne du poète Eustache Deschamps (voir article), qui attaque avec acrimonie le précieux tubercule !!









Puis un Tirrel dit Taillevent, l'auteur du Viandier, qui nous donne quelques recettes !, voyons celle de son brouet d'Allemagne : prenez oeufs frits dans l'huile, puis prenez amandes que vous pelez et pilez, ensuite émincez des oignons que vous ferez frire. Prenez les ensemble et faites chauffer dans un bouillon de viandes. Pendant ce temps broyez ensemble gingembre, cannelle, girofle et un peu de safran en mortier, puis le mouiller de verjus.

Il vous faut ensuite mettre votre préparation d'épices dans votre bouillon, celui ci doit être liant et pas trop jaune. Vous me direz qu'à lire comme cela, il semble simple de réaliser cette recette ????...mais à déguster !!!!!!!!

Le Ménagier de Paris nous fourni lui d'utiles indications sur les moeurs du commencement du XV siècle, il nous dresse un menu de dîner à quatre services. Nous n'en donnerons pas la longue énumération, mais remarquons seulement l'abondance des rôtis, des poissons, et des pâtés !!!, l'absence pratiquement systématique de légumes et de fruits, sans compter la rareté des plats de desserts

Nous signalerons cependant quelques plats étranges comme le Brouet d'Allemagne dont nous avons parlé plus haut, de l'arbaloustre qui nous est totalement inconnue ???, la rosée de lapereaux et d'oiselets, le lait lardé (mélange d'oeufs de lard et de lait frits ensemble) Mais rien que pour le plaisir des papilles donnons la recette d'un met très recherché à cette époque, je veux parler du Chapon à la Doline !!










Après avoir fait cuire le chapon ( qui selon certaines sources était préalablement bouilli avant d'être rôti), faisons griller du pain blanc, que nous tremperons ensuite dans un vin fort et vermeil, puis prenons oignons que nous ferons frire dans du saindoux, nous passerons ensuite le tout à l'étamine (passoire). Ajoutons les incontournables épices chères à nos grands ancêtres, cannelle, muscade, clous de girofle, sucre et un peu de sel. Après avoir porté à ébullition notre mixture nous la verserons sur notre chapon

Je vous passe les queues de sanglier, le blanc manger, et tous les rôtis de chairs de venaison et pâtés de boeuf, puis les poissons, pâtés de poissons, tourtes et autre rissolles de brêmes ou de saumon, lamproies, tanches, plies et anguilles !!!!

Ce que mangeaient nos pères nous ne pouvons vraiment le concevoir, mais il semble que les anémiés devaient être à cette époque fort rares (du moins pour une certaine catégorie de la population). Il fallait manger pour satisfaire son appétit en premier lieu (il semble qu'il n'était pas mince), mais il fallait aussi manger en quantité parce que le savoir vivre l'exigeait !!!

J'en veux pour preuve la curieuse raison que donne l'auteur de ce fort long poème du " Castoiement ", sorte d'instruction que donne le père à son fils, le titre entier en est " Li castoiement que li pères ensaigne a son fils "








Dans le texte le fils demande à son père " quand je suis à table chez un hôte, dois je manger peu ou beaucoup ?? "...et le vieil homme de répondre "mange le plus que tu pourras, car si tu est chez un ami il en sera ravi, et si tu est chez un ennemi il en sera déconfit !!!!! "



PS: comme d'habitude la documentation provient de la BNF, et je ne remercierait jamais assez ces gens de mettre en ligne cette documentation M de V