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mardi 9 janvier 2024

Un Clerc écrivain, Pierre de Saint Cloud

C'est dans la second moitié du XII siècle, que notre écrivain, " Perrot " pour ses amis, écrit un grand poème racontant les disputes continuelles d'un Loup nommé Ysengrin et d'un Goupil appelé " Renart "

Tout de suite c'est le succès, bien qu'il n'y ait pas encore de livres (l'imprimerie de Gutenberg ne verra le jour que trois siècles plus tard), mais des Menestrels (jongleurs, comédiens et chanteurs), en récitent les épisodes partout dans les châteaux, dans les grandes salles des fermes ou se réunissent les Vilains (paysans) pendant les longues soirées d'hiver.

Ils se produisent sur les lieux des foires annuelles, dans les auberges sur les chemins du royaume de France et sur les estrades des places publiques des cités. il ne faut point oublier que l'immense majorité des gens du Moyen-Age ne lisent pas les textes, elle les entend, la littérature est une littérature Orale

Quid de Pierre de Saint Cloud ?_Un Clerc Laïc, ayant étudié au sein du Clergé, mais qui n'avait pas prononcé ses voeux (à peu près les seuls gens de l'époque ayant reçu une réelle instruction)









Il faut savoir qu'un homme comme Charlemagne, par exemple, ne va apprendre à lire qu'à un âge très avancé (nous parlons ici que de lecture, pas d'écriture, exercice bien plus ardu avec une plume). Les Clercs eux, ont beaucoup lu et écrit, surtout du Latin, et ils ont, cet immense avantage, de venir de tous les milieux sociaux, fils de noblesse, ou de paysans, fils d'artisans, ou de la bourgeoisie du commerce, ils connaissent bien la société dans la globalité de leur époque !

Pierre de Saint Cloud n'a pas inventé son sujet de toutes pièces, il a travaillé avec des vilains, il a entendu les femmes et les hommes raconter à la veillée de très anciens contes d'animaux, tout en ayant lu et transcrit un certain nombre de poèmes Latins et Germaniques qui incarnent déjà plusieurs personnages de roman

On a même retrouvé un " Ysengrinus " d'un poète Flamand racontant l'histoire d'un Loup pas tout à fait aussi intelligent qu'il aurait fallu !!. Notre Perrot (pour les intimes), se trouve au point de rencontre d'une tradition orale populaire et d'une tradition écrite littéraire. Il ne va pas rester dans l'imitation, il inove, met son grain de sel (cum grano salis), donnant ainsi à ses histoires une saveur nouvelle, faisant rire et réfléchir !









Bref notre Perrot lance une mode !!. Tout de suite, partout, c'est lui qu'on imite, en moins de trente ans, quinze grands récits apparaissent. Bien sûr selon leurs auteurs elles sont différentes les unes des autres et ne s'accordent pas toujours entre elles

On les appelle des branches, probablement parce qu'elles ont poussé en somme, sur le tronc primitif des histoire de notre Perrot. Alors au tout début du XIII siècle, on a eut l'idée de rassembler les meilleurs épisodes dans une histoire suivie plus cohérente, et comme elle est écrite en Roman, en écriture vernaculaire, c'est à dire ce que nous nommons aujourd'hui le Vieux Français, on appelle ce récit le " Roman de Renart "

Le nom propre " Renart ", déjà à ce moment, tend à devenir un nom commun, celui de tous les Goupils !!. Le Renart de notre Perrot figure maintenant dans les deux parties de notre dictionnaire. Avec un " T ", c'est le seigneur du terrier Maupertuis, un Hobereau (châtelain campagnard), sans scrupule du Moyen-Age, mais avec un " D " c'est le Renard dont se méfient encore tous nos fermiers contemporains, un animal très malin. Cependant les deux personnages n'en feront toujours qu'un seul !









La société animale du Roman de Renart est l'image de cette société médiévale, ce sont des animaux humains, mais pourquoi ce passage d'un monde dans l'autre !!!

Les différents auteurs du roman ( on en compte 25 au total), se moquent des institutions de leur temps, des puissants dont ils soulignent les abus d'une plume railleuse !

Faire de " Cope " (la poule), une martyre qui accomplit des miracles, et de " Brun " (l'Ours), un prêtre qui chante la messe des défunts, c'est parodier la religion, ses rites et les superstitions qu'elle provoque !

Montrer le jugement inique de " Noble " (le Lion), qui accapare tout le butin au cours d'un faux partage, c'est critiquer la justice et le pouvoir abusif des Suzerains !

Le petit peuple des XII et XIII siècles s'amuse et prend une revanche lorsque Renart, ce Hobereau vivant d'expédients, trompe les puissants bornés et triomphe grâce à sa seule malice, dénonçant l'injustice sociale et la corruption des dirigeants toujours plus avides d'honneurs et d'argent ! 









Le mélange du monde animal et humain prête donc à sourire, mais aussi à réfléchir_ sous la fourrure de l'Ours, sous les plumes du Corbeau, c'est l'homme qui est critiqué et moqué !

Les aventures de Goupil n'ont donc pas seulement pour vocation de distraire enfants et adultes elles présentent un tableau, voir une caricature, fort vivante de la société féodale. Elles ne prennent toute leur valeur que si l'on saisit les allusions aus habitudes, aux moeurs, à l'histoire, à la littérature de cette époque, et ce afin de distinguer, mieux encore, la vie souvent difficile et précaire des gens du Moyen âge !

Nota: ne pas confondre Menestrel (jongleur,comédien, musicien), avec un Troubadour (auteur compositeur du Sud de la Loire), ou un Trouvere (auteur compositeur du Nord de la Loire)

PS: pour ce qui est de notre société, en cette aube de l'an de grâce 2024, il vous suffira sans doute d'ouvrir vos yeux et vos oreilles. Le Nain vous conseille donc de regarder et d'écouter, afin de constater que le " Roman de Renart " est toujours d'actualité. Nous avons remplacé " Noble " (le Lion), par Mac-Sauron du Mordor, bien installé à l'Elysée M de V