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mardi 26 juillet 2022

Les Métiers au Moyen âge, ou la Réalité des Faits !

Lors de la rédaction de mon précédent article sur la cité de Bergues Saint Winoc, j'ai senti le besoin de me plonger à nouveau dans ma Doc, sur les métiers et leur organisation. Fort de ce supplément d'infos il me semblait nécessaire d'argumenter l'évolution des métiers au Bas Moyen âge, particulièrement dans les XIV et XV siècles !

La ville était un lieu d'échanges, un refuge aussi, mais avant tout c'était un lieu de production. Or donc occupons nous de l'organisation sociale de cette production, avec ses métiers, corporations et guildes, ainsi que des trois niveaux composant le personnel de l'atelier, c'est à dire l'Apprenti, le Valet (ouvrier qualifié, voir compagnon), et le Maître !

Ce système devait en théorie faire règner l'harmonie, garantissant la qualité de la production par un long apprentissage et l'obligation pour l'ouvrier qualifié ou le compagnon de réaliser un Chef d'oeuvre, réservant par ce moyen, l'accés de la Maîtrise aux meilleurs

Cela devait également supprimer la concurrence par une réglementation stricte des prix de vente et des salaires, puis éviter les conflits entre les personnes au sein d'un atelier !







Dans le principe tout Apprenti était destiné à devenir Valet (ouvrier), puis de Valet, par son travail et son chef d'oeuvre devenir Maître !. Les relations entre Maîtres et employés étaient des rapports de dépendance personnelle, qui devait dans le principe renforcer la cohésion et l'homogénéité de l'atelier, celui ci au sein d'un groupe d'artisans du même métier formant une corporation ou une guilde !

La réalité est tout autre au Bas Moyen âge !! et il est nécessaire de revoir à la baisse ce tableau idyllique morbleu !. Certes le salariat reste, mais c'est plutôt comme dit B-Geremek, une forme de location de sa propre personne, que la vente de sa force de travail, car dès le XIV siècle le système ne fonctionne plus !

La maîtrise se ferme, peu de Valets (ouvriers), disposent du temps nécessaire à la confection du fameux chef d'oeuvre pour accéder à la Maîtrise !. De plus les Guildes, dirigées par des Maîtres, exigent qu'il soit confectionné dans des matériaux coûteux !. En outre l'impétrant ayant dépensé force clicailles à la réalisation de son oeuvre, devait encore après sa réussite offrir un banquet aux autorités en charge de la guilde !








Il fallait donc être riche pour supporter ces dépenses importantes. Or donc à partir de ce moment, bien souvent seuls les fils de Maîtres pouvaient devenir maîtres eux mêmes !, puisqu'ils avaient à disposition, pour y puiser, la bourse ou l'escarcelle d'un père maître de boutique !

Sournois procédé direz vous !!!...il faut voir ???. L'hérédité de l'atelier était une réponse normale à la précarité et à l'insécurité de l'époque. Ne jettons pas la pierre et ne jugeons pas plus nos ancêtres, alors même que nous amplifions à l'envie les erreurs d'une période  que nous ne faisons qu'effleurer !

Dans ces conditions le Valet n'accéde plus à la maîtrise et de transitoire sa situation devient permanente pour devenir une main d'oeuvre salariée !. On peut y ajouter des Maîtres devenus trop pauvres en sortant de maîtrise et qui ne pouvant ouvrir un atelier sont contraints de travailler comme ouvrier chez d'autres Maîtres du métier !

De ce fait pour les Apprentis le temps d'apprentissage s'est démesurément allongé, Apprentis et Valets se trouvent donc bloqués, sans possibilité de progression au niveau de l'atelier de la boutique !








Les ouvriers vont former des alliances, comme en Flandre (Takehans), puis se mettent en grève, ou en " Trics " comme on dit à Paris. Ces conflits n'auront pas la gravité qu'ils prendront à la Renaissance, car dans l'ensemble la conjoncture reste favorable aux salariés et le niveau des salaires reste en hausse tout au long de cette période !

Cependant au XV siècle l'étude de la société Urbaine révèle une série d'antagonismes et celui qui oppose Maîtres et Valets n'est pas le seul !. Il y a désormais une division du travail de plus en plus marquée dans les métiers !

Prenons un exemple : le métier de Forgeron s'est scindé, en 1437 à Munich, en trois spécialités formant trois autres métiers, le Maréchal Ferrant, les fabricants de Faux et outils du même genre, et les armuriers. Des rivalités se développent entre métiers participant à une même production, dans le cas cité en exemple la forge des métaux. Mais ils en va de même pour le Drap avec les Tsserands en Flandre, ou ailleurs en Europe, les charpentiers et les couvreurs, le travail du cuir, ou les barbiers et les barbiers chirurgiens, les fabricants de chapeaux, bref à peu près toutes les corporations sont touchées








Ces productions divisées comme le sont celles de la Draperie, par exemple, avec ses tisserands, ses fileurs de laine, ses foulons et ses teinturiers sur laines, fils et soie, sont en fait contrôlés par de riches marchands entrepreneurs. L'enjeu de ce contrôle est le gouvernement de la ville, y accéder permet de protéger la production locale et de se débarrasser de concurrents dangereux !

Les villes luttent entre elles, et bien plus férocement dans les pays possédants des cités états, comme en Flandre, ou dans les cités états d'Allemagne et d'Italie !!. Rassurez vous, même si nous avons des Roys, en France et en Angleterre nous ne sommes pas en reste dans ce domaine!, et les grandes cités feront tout pour réduire également la production de l'industrie rurale de proximité



PS: article écrit après lecture du livre " Le Moyen âge en Occident " de Messieurs M-Balard, JP-Genet et M-Roche...ce livre me fut offert par " Mots d'Hyppo " mon bouquiniste, restaurateur et relieur de livres anciens ...M de V

vendredi 22 juillet 2022

Il était une Fois Bergues Saint Winoc

Petite ville du Nord de la France qui a appartenu pendant 522 ans aux Comtes de Flandres, 93 ans aux Ducs de Bourgogne, 79 ans à la Maison d'Autriche et 111 ans aux Espagnols avant de devenir Française en 1668 

Vous allez me dire " jamais entendu parlé " ...et pourtant cette cité a son titre de gloire à notre époque contemporaine, en ce XXI siècle !, celui d'avoir accueilli le tournage de " bienvenue chez les Ch'tis "

Cependant elle fut bien autre chose pendant la période médiévale, c'était une petite cité de l'industrie Drapière qui voulait et devait, pour exister, vivre de l'exportation. Malgré ses échecs chroniques son industrie fut exclusivement urbaine puisqu'elle ne fonctionna que grâce à l'aide des Magistrats Municipaux

La Draperie était au moyen âge comme un produit naturel du sol Flamand (voir article). En même temps que cette industrie donnait aux grandes métropoles la fortune et la gloire, ce métier s'était développé plus modestement dans la Westflandre. Cependant la campagne était saturée de Tisserands et les petites cités y affirmaient leurs prérogatives industrielles Bergues, Furnes, Cassel, Bourbourg, Nieuport etc..!  

Le plus souvent grâce à la laine Anglaise, Albion étant le plus gros producteur de laines ( voir article)







La tradition attribue des Tisserands à Bergues dès le XI siècle, et dès le XIII siècle, un marché de la laine s'y tenait, à cette époque les Bourgeois de Bergue appartenaient à la Hanse de Londres et vendaient déjà des draps locaux. Toutefois l'industrie, avec un grand "I "n'y apparaît en pleine lumière qu'au début du XIV siècle

En 1310 on distingue à Bergues, parmi les Drapiers, deux catégories, ceux qui font de la grande draperie travaillant la laine Anglaise et fabricant du drap de grandes dimensions, pendant que les seconds produisaient de la draperie dîte " sèche ", et en particulier la " Sayetterie ", destinée à prendre plus tard à Bergues une place importante dans le commerce de la cité

La Sayetterie en tant qu'industrie se développe au XV siècle. C'est une nouvelle sorte de Draperie composite, d'étoffes légères, ou l'on utilise de la Laine d'Espagne, avec addition d'un fil de soie à chaque brin de laine. les " Sayteurs " étaient des Tisserands qui travaillaient sur des métiers à tisser nommés " Estilles "

A cette époque on considérait, bien sûr, qu'il fallait travailler avec le matériau le plus noble, c'est à dire la Laine Anglaise, les règles étaient fort strictes en matière de traitement et de travail de la laine !








La vente des tissus a lieu à la Halle aux Toiles, et au Marché, ce dernier est réservé au trafic des étoffes fabriquées dans la Châtellenie, la vente en gros se passe à la Halle aux toiles une fois par semaine. Cependant les détaillants Berguois, à l'inverse des gens qui venaient vendre dans la cité, n'étaient pas astreints à la vente au marché ils vendaient ou et quand il le désirait

Dès le X et XI siècles la cité a eu un atelier Monétaire. Au XIII siècle des marchands de Bergues ont à la mer des chargements venant de la Rochelle, Saint Jean d'Angely et Saintes. A la même époque ils fréquentent, comme ceux de Furnes, les Foires de Messines









Très tôt des villes comme Bergues et Furnes auront des activités financières nécessitants des emprunts sur des places plus importantes comme Arras au XIII siècle, mais bientôt des Lombards ( voir article), se font autoriser par les Princes à s'établir dans leurs murs, du XIV au XVI siècles nos Lombards ou Piemontoys tiennent des tables de change qui révéle un mouvement commercial important

Bergues en particulier aura été au Moyen âge un lieu de passage très fréquenté des marchands d'Artois et du Vermandois, ils y passaient pour se rendre à Dunkerque et sans doute prendre passage sur des navires pour Londres. Cette petite cité que certains de nos contemporains nomme " la Bruges du Nord " garde un marché dont l'importance régionale perdurera pendant des siècles !

Du XI au XIII siècles plusieurs incendies range la cité dans la catégorie des villes importantes à qui sont attribuées couramment de semblables malheurs. Elle sera citée à chaque instant lors du conflit entre Gui de Dampierre et Philippe IV le Bel, elle sera aussi au fil des siècles attaquée et pillée, aussi bien par les Français, les Anglais ou les hommes d'armes Gantois. De ce fait à la fin du XIV siècle la cité est complètement ruinée !!!!









Au XV siècle on relève ses remparts, elle reste une ville forte, mais les Ducs de Bourgogne réunissent désormais sous leur gouvernement tous les Pays Bas. Le Westland n'est plus que le Canton écarté d'un grand pays et Bergues n'a plus qu'une importance limitée !

Nota I: En Albion l'activité commerciale était intense, même si le commerce des produits de luxe restait aux mains des Hanséates et des Italiens, les Anglais étaient actifs dans d'autres domaines, celui du Sel, celui du Vin car ce sont eux qui assurent le commerce des vins de Bordeaux. Mais plus particulièrement c'est le textile leur grande affaire !, la laine brute, les membres de la " Fellowship of the Staple of Calais " ont le monopole de l'exportation et transportent la laine à Calais d'ou elle est redistribuée vers la Flandre

Nota II: Thomas Diaconus, moine de l'Abbaye de St Winoc, à laissé une description des événement désastreux, qui ruinèrent la cité de Bergues en 1388, le malheureux moine échappe à l'incendie et au sac de son cloître, mais mêlé et confondu avec les prisonniers il partage les mauvais traitements qu'on leur fit subir. De retour à Bergues il ajoute au récit de ses déboires, celui de deux autres sacs et incendies que Normands et Bourguignons firent subir à cette cité à des époques antérieures  

PS: l'article est tiré, pour une part, des recherches du Docteur ès lettres E Coornaert..( sauf pour les tribulations de Dany Boon din ch'Nord, ainsi que les différentes notes des chroniqueurs de la Flandre )   M de V

dimanche 17 juillet 2022

la Cité de Londres au XIV siècle

Nous devons à Chaucer ( article 57 ), un tableau  détaillé de Londres à la fin du XIV siècle. les maisons tantôt de pierres, tantôt de bois, souvent peintes de couleurs voyantes, s'élevaient sur deux ou trois étages. Les rues et ruelles étaient toujours aussi étroites et mal alignées que dans les siècles précédents, mais elles étaient maintenant pavées 

Ces rues auraient été propres si les Londoniens, malgré les efforts des autorités ne s'étaient obstinés à y jeter leurs ordures !!!. Ces citadins,comme nos parisiens, étaient réfractaires à toutes ordonnances qui pouvaient les déranger, ne leurs jetons pas la pierre car nous ne faisons guère mieux à notre époque !!!

Le centre de la vie était Cheapside, alors appelé " Cheap " ou se trouvait un marché permanent, fournissant le ravitaillement nécessaire aux Londoniens ( environ 80 000 personnes ). Les marchands y avaient des stands fixes groupés selon la catégorie de marchandise proposée, d'ou de nos jours encore, les ruelles portent le nom Wood street, Milk Street, Honey Lane, Bread Street, quand au Blé il était vendu à Cornhill

Nota: pour les personnes passionnées je conseille la série policière de " Frère Athelstan " écrite par l'historien Anglais Paul Doherthy, très documentéé ( vingt volumes ), grande classe !!










D
ans le secteur de Smithfield se trouvait le marché aux bestiaux. Londres était ravitaillé en " eau potable ", par plusieurs réservoirs et châteaux d'eau, le plus important était le grand conduit à l'extrémité de Cheapside. Quand aux porteurs d'eau qui ravitaillaient les foyers des londoniens en " eau courante  ", ils s'approvisionnaient généralement à la Tamise, il va s'en dire que cette eau n'était pas buvable, toutes les déjections de la ville allant à la Tamise !!

Les bords de la Tamise à Londres étaient particulièrement dangereux à cause de la marée et d'un très fort courant, cependant sur les rives se multipliaient quais et débarcadères. Dongate Wharf réservé aux grosses Cogghes et navires de type Roundship des marchands sidérurgistes, puis Three Cranes Wharf pour le vin et Greenhithe pour le poisson !

La Tamise bien que dangereuse servait aussi aux laveurs et blanchisseurs pour lesquels une jetée spéciale avait été construite, Lavenders Bridge. Des passeurs avec leurs barques faisaient traverser les citadins, et il lui fallait avoir le coeur bien accroché, à notre citadin, pour qu'il ne ferme pas les yeux en passant entre les piles des arches du pont de Londres ! le courant y était si fort que cela faisait un bruit infernal sous le pont !










Londres
était le poumon d'Albion, on y trouvait le rassemblement de toutes les corporations ou Guildes. la plus ancienne étant celle des Tisserands dont la Charte remonte à 1164. A la fin du XIII siècle il en existait quatre vingt onze !!, possédant chacune ses privilèges et immunités établis en Chartes spéciales

Chacune avait un grand Maître, et aussi un saint patron, dont la fête annuelle servait ( comme en France ) de pretexte à de bruyantes réjouissances. Les Guildes possédaient une cour de justice pour régler les différents entre membres. Parmi les plus puissantes citons les Merciers, les Epiciers, les Drapiers, les Poissonniers et les Tanneurs. Pour les Orfèvres ils tenaient boutique dans le voisinage de Sheapside et deviendront au fil du temps les Banquiers des Citadins, mais sans commune mesure avec les Compagnies financières Italiennes ( lombards voir article 445 ),comme les Bardi, ou encore les Juifs !

Dans le domaine du commerce la repression était sévère pour tout fraudeur, tout cabaretier surpris à servir du vin frelaté ou de la bière coupée était condamné à la boire en place publique, le Boucher vendant de la viande avariée subissait le pilori et l'on brûlait sous son nez sa viande pourrie !








Il en allait de même pour le boulanger trafiquant le poids du pain ou le poissonnier qui rougissait avec du sang les ouies de ses poissons pour les faire paraîtres plus frais. En 1319 les corporations obtinrent une nouvelle charte, qui stipulait que " nul ne serait considéré  citoyen de Londres et ne pourrait y travailler, s'il n'avait la garantie de six honnêtes Bourgeois maîtres dans le métier qu'il désirait exercer "

Si Chaucer dans son oeuvre nous parle des Pèlerins c'est qu'ils étaient moult nombreux sur les chemins, partants ou se rendant à Londres ( voir article 66 ), on y croisait marchands itinérants, artisans, Troubadours et Menestrels et bien sûr bandits de grands chemins ( voir articles 58, 59, 60, 61, 62, puis 64 et 65 ). Il nous reste un cas particulier de personnage itinérant à considérer " l'Estudiant "








Il naviguait de cités en cités pour ses études, qu'il soit d'Albion, de France, des états d'Allemagne ou d'Italie ! les estudiants n'avaient pas de frontières !. Prenons comme exemple le domaine des gens de Loi et nos estudiants en Droit. A l'usage de ces derniers existaient deux sortes d'écoles à Londres " les Inns of Chancery " ou ils commençaient leurs études, pour les terminer dans " les Inns of Court ", pour ceux qui désiraient embrasser la profession de Juge ou d'Avocat

Seuls les gens de familles aisées pouvaient fréquenter ou intégrer " les Inns of Court ", car outre des droits d'inscription élevés les estudiants étaient tenus d'entretenir un domestique !

Il faut bien avouer, que comme en France, entre Bourgeois et estudiants les relations étaient déplorables !! car nos escoliers estoient turbulents, buveurs et ripailleurs, faisant tourner chèvre tout citadin par les coups pendables qu'ils faisaient lors de leurs sorties !!!. les rixes étaient fort nombreuses et le Lord Maire s'arrachait les cheveux !






PS: Les articles de mon Blog sont numérotés de 5 en 5 et d'année en année. pour vous orienter suivez la chronologie en bas du cartouche qui se trouve à droite de l'article ..Bonne lecture les gens M de V

mercredi 13 juillet 2022

N°445) Florence et la Famille Bardi

De toutes les cités Italiennes c'est sans doute Florence qui présente durant la période de civilisation commerciale du Moyen âge, le type le plus achevé de Place Commerciale !

Alors que Gênes et Venise restent fidèles au grand commerce maritime, qui a fait leur fortune dès le début de l'époque féodale, Florence, elle, est commerçante au sens le plus moderne du terme. Elle est la seule à fournir l'exemple de " Sociétés Commerciales " à proprement parler !

Car les contrats que lient divers associés dans les villes d'Europe comme Bruges, Gand en Flandres, Gênes ou Pise en Italie, ou des villes de la Hanse Teutonique, sont des contrats par lesquels, quelques associés, fort peu nombreux, mettent en commun un capital et un travail pour les faire fructifier dans une place commerciale !

Mais dans un cas comme dans l'autre, on s'engage, dans ces cités européennes, pour un nombre restreint d'opérations, et le nombre d'associés ne dépasse guère trois ou quatre commerçants et artisans





A Florence, au contraire, nous trouvons de véritables firmes commerciales agissant en leur nom personnel, comme " les Bardi " réalisant à elles seules des affaires de vaste envergure. On y voit de puissants groupes de famille. Chaque famille constitue une firme capable d'agir au loin et de se prolonger dans le temps. En 1318, la famille Bardi réalise un chiffre d'affaire évalué à 3 tonnes d'Or !!!

Entre 1250 et 1345, la famille Bardi de Florence a constitué une compagnie bancaire et commerciale avec des comptoirs dans toute l'europe ainsi qu'au Levant et en Afrique du Nord, ce sont eux qui financeront les Roys de France et d'Angleterre !

Les sociétés florentines sont à base familiale, leur raison sociale est donc la famille dont elles portent le nom, environ une vingtaine de compagnies à Florence, les Peruzzi, les Acciainoli, les Bonaccorsi, les Alberti, les Bardi etc.....!. Si bien que l'on a le spectacle d'un vaste réseau de gens presque toujours unis par le sang, dans l'industrie, le commerce de distribution et la banque !








L
es Bardi ont 16 succursales à l'étranger, à cette époque on avait l'habitude d'employer le terme de " Lombard " pour désigner tout commerçant ou personne venant d'Italie, le terme était bien souvent utilisé dans le sens péjoratif, bien que les puissants ne puissent se passer d'eux !!. Or donc les Bardi en dehors de leur ville étaient des Lombards...soulignons qu'à cette époque l'Italie n'existait pas !!!!

Les personnes qui dirigeaient leurs succursales étaient en général associés aux bénéfices et bien souvent membres de la famille Bardi, mais à côté d'eux s'agitait et travaillait tout un personnel de " Facteurs ", de courriers, qui étaient, eux, de simples employés. Ce sont des spécialistes en confection, teinture, drap, fourrures etc...puis des Notaires, des caissiers ou comptables !

La seule compagnie Bardi, entre 1318 et 1345, compte un personnel d'au moins trois cent soixante dix huit employés d'après les sources existantes. En dehors des cadres réguliers des maisons de commerce de la famille Bardi, il faut mentionner le rôle joué par " les Hôtes ", ce sont des personnages qui appartenaient, de préférence, à la même nationalité que la compagnie commerçante, et qui dans la ville ou se situe le comptoir ont la charge de recevoir " Facteurs " ou associés de passage !.







Ils étaient également appelés à surveiller les transports de marchandises passant par leur ville, ainsi que louer chariots et bâteaux de transport si nécessaire 

On trouve à la fin du XIV siècle dans ces compagnies commerciales florentines, un type d'homme d'affaires qui dépasse de la tête et des épaules les autres commerçants, les reléguant à l'état de boutiquier !. Prenons en exemple un certain Balduccio Pegolotti, lui même facteur de la compagnie Bardi, qui écrira un ouvrage entre 1335 et 1340 " patrica della mercatura ", destiné à l'usage des facteurs d'autres compagnies

PS: Les Bardi touchaient à tous les domaines du commerce, en plus de la Banque, ils commerçaient les Soieries de Perse et de Chine, les Perles, l'Or, le Drap, les Epices, l'Huile et le Vin, puis ils pratiquaient le commerce des métaux, Cuivre de Pologne, Etain de Cornouailles, sans oublier bien sûr le commerce des Armes et Armures !. Mais surtout ils achetaient du drap grossier de Flandres et d'Albion, et après diverses opérations de foulage et teinture en faisaient un nouveau produit très apprécié en Orient et en Occident. Les florentins possédaient surtout le secret des teintures fines, le Rouge en particulier !!! ...Article écrit après lecture du livre de Régine Pernoud " les villes Marchandes "....M de V

lundi 11 juillet 2022

Travailleurs Immigrés en Italie XIV et XV siècles

La population dans la péninsule Balkanique et ses comptoirs est en évidente décroissance démographique à cause des crises et épidémies du XIV siècle ( guerres, pestes, famines etc..)

Les états Italiens, la République de Venise, la Principauté des Malatesta (famille noble régnant sur Rimini et une partie de la Romagne), ainsi que les Communes indépendantes comme Ancône, ont su utiliser l'afflux potentiel de travailleurs peu exigeants pour reconstruire une société et une économie perturbées au bas Moyen âge

Peut on dire pour autant que l'arrivée de ces travailleurs immigrés fut favorisée par ces états d'Italie du Nord Est, afin de tempérer les prétentions d'une main d'oeuvre locale, devenue plus rare, et par conséquent moins docile ???..je ne pense pas !

Il faut s'appuyer sur des sources citadines, car on est rarement en mesure d'apprécier les changements dans les campagnes des XIV et XV siècles. Penchons nous sur Venise ou le dépouillement des archives notariales dites " de terre ferme " a été entrepris, alors que les " Minutiers " de Romagne et des Marches viennent de régions sans aucune grande Métropole !









O
n trouve cependant un fait commun à Venise et aux Provinces de ce secteur géographique, une crise démographique en constante aggravation au XIV siècle. Pour la Sérénissime les manifestations en sont bien connues, dès l'aube de ce siècle il devient difficile pour eux de rassembler des équipages suffisants pour leurs navires...et sans bâtiments à la mer...plus de commerce !!!

D'autant que les progrès en matière de technique navale font diminuer la demande en marins spécialisés, tout en exigeant des " Chiourmes " de rameurs de plus en plus nombreuses !. Nous ne parlerons pas d'esclaves dans ce domaine, car la quantité est dérisoire par rapport aux travailleurs immigrés  !

Leurs Galères, selon l'époque et leur emploi, faisaient de 20 à 40 mètres de long, de 4 à 6 mètres de large et possédaient de 10 à 25 rangs de nage sur chaque bord, avec de 2 à 6 rameurs par banc de nage, selon la taille du vaisseau...ce qui faisait pour les plus grosses 300 rameurs au bas mot mordious !!!!!

C'est pas pour dire, ni pour faire ma mijaurée, mais cela devait pas sentir la rose sous le pont principal de la galère vénitienne hein !!!!!








L
a désafection des " Vénitiens naturels " pour les métiers de la mer va de pair avec la rigueur de la politique du Patriciat, qui, après avoir réduit la ration alimentaire des gens de mer, n'hésite pas en 1312, à restreindre le privilège permettant à des débiteurs d'échapper à leurs créanciers en s'engageant dans la marine !. Ce qui donne une triste image du niveau de vie des rameurs Vénitiens !

Soulignons que si le Patriciat se permet une politique aussi rigoureuse c'est que la domination de Venise sur l'Adriatique et la Dalmatie attire vers leurs lagunes un nombre croissant d'étrangers peu qualifiés, qui viennent completer les Chiourmes de leurs navires, surtout après la grande peste ou les rangs de nage de la marine sont fort éclaircis !!

Le flux d'étrangers ne suffit d'ailleurs pas à combler les vides d'une marine qui manque de main d'oeuvre de manière endémique au tournant des XIV et XV siècles. En 1375 le Sénat va même préconiser la construction de navires plus petits (moins de cent tonnes), afin de s'adapter aux difficultés croissantes de rassembler des équipages de rameurs pour leur flotte, mais qui fournissait aussi un autre avantage, celui de posséder des embarcations ayant une plus grande maniabilité ! 








L
es problèmes de la marine Vénitienne rendent bien compte d'une situation sociale très paradoxale. C'est l'abstention préalable du " Prolétariat " Vénitien, qui explique le recours à l'immigration et non l'inverse !!. De sorte que l'utilisation accrue d'étrangers dans la marine, ne peut être interprétée comme la volonte du Patriciat qui viserait à  casser les salaires du prolétariat Vénitien !

Sans nul doute ce prolétariat vénitien préférait d'autres activités, artisanat et commerce par exemple, activités moins pénibles et contraignantes !. D'ailleurs sur mer ce sont les Galées de guerre que fuit le peuple, car il ne semble jamais y avoir défaut de rameurs sur les navires désarmés du commerce...pas fou le vénitien de base !!!!

A venise comme dans les Marches tous les immigrés ne deviennent pas rameurs sur des navires, ils sont aussi domestiques, paysans, mercenaires, marins spécialisés, ou accomplissent des tâches occasionnelles auxquelles les citoyens originels de Venise répugnent

Bin quoi !!!...ne leur jetons pas la pierre hein !!!...c'est encore comme ça chez nous...faut pas être hypocrite m'enfin !!!!





Nota: le Patron d'une Galère (ou Galée), son Armateur et ses Actionnaires passifs, qui pouvaient être d'autres patrons de galères partis en voyage, partagent les risques en prenant une participation aux coûts d'une expédition, sous forme de " Carats ", qui leur donnent droit à une partie de la cargaison au retour de la galère. Cette part est proportionnelle au nombre de Carats qu'ils ont payés, la durée de l'investissement est toujours limité à un seul voyage ( lucratif mais à hauts risques!)


PS: Si vivre de la mer pouvait aussi signifier un passage au service de l'état, ce ne devait guère être un privilège prisé par le peuple vénitien, quand on songe au peu d'enthousiasme des citoyens de Venise pour ce genre d'emploi ???....cet article est tiré d'une étude de Alain Ducellier...M de V