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jeudi 9 mai 2019

L'émeute de l'Université de Paris en 1453

Les documents utilisés pour le présent article se rattachent à une querelle qui eut lieu entre l'Université et le Prévôt de Paris. De tout temps celle ci c'est montrée jalouse de son pouvoir et ardente à poursuivre les infractions faites à ses privilèges

Il semble que ce soit surtout au XV siècle qu'elle donne la pleine mesure de sa puissance et de sa colère. Car lorsqu'en 1404 éclate l'affaire de Charles de Savoisy, ou pour une légère insulte faite à des éscoliers, on vit un Chambellan du Roi banni, et ses protecteurs pourtant puissants, intimidés et muselés !!, et jusqu'à l'hôtel du Chambellan qui fut détruit et rasé de fond en comble par une foule en fureur

Trois ans plus tard, en 1407, c'est le premier magistrat de la ville, le Prévôt de Paris, qui pour avoir fait exécuter deux éscoliers, pourtant convaincus de crime par leurs propres aveux, se voit destitué de son office malgré la résistance du Roi, il sera obligé de demander pardon à l'université qu'il avait offensé. Ces deux exemples sont célèbres !!!

L'affaire dont nous parlerons ici n'a pas eu le même retentissement, car elle ne fut mentionnée par aucun chroniqueur. Cependant elle coïncide avec la réformation des études opérée par le Cardinal d'Estouteville en 1452, qui faillit mener à une sorte de schisme entre l'université et l'évêque de Paris

Nous allons voir ce qu'en dit Du Boulay, qui puisa son récit dans les archives de l'université. Vers le commencement de l'an 1453 quelques éscoliers, la plupart innocents, selon Du Boulay, avaient été arrêtés par ordre du Lieutenant criminel, puis incarcérés au Châtelet.

Le recteur de l'université convoque une assemblée qui se tiendra le 9 mai.Il y fut décidé que le recteur accompagné de l'orateur de l'université et d'une suite conséquente iraient trouver le prévôt de Paris afin de réclamer les prisonniers. Ce dernier leur fit bon accueil, et ordonne à un certain Nicolas de relâcher aussitôt les étudiants présumés innocents sans condition

Comme le recteur et sa suite, au nombre de 800 tant maîtres qu'écoliers s'en retournaient par la rue Saint Antoine, ils trouvèrent en chemin un commissaire et dix à douze sergents, armés et embastonnés. Les esprits étaient trop échauffés pour qu'une pareille rencontre n'amenât pas querelle !!. Aux premiers échanges verbaux, les sergents tombent à bras raccourcis sur les écoliers, bastonnant à tout va !!, pour disperser la bande. Ce faisant ils blessent quelques écoliers, mais tuent un Bachelier nommé Raymond de Mauregard. Nos sergents furent aidés dans leur tache par les bourgeois du quartier, qui n'aimaient pas ces fauteurs de troubles que sont les écoliers, et firent donc cause commune avec les sergents...!!!!!









L'affaire fut si chaude que le recteur de l'université  lui même courut de grands dangers. Mais l'université de Paris lorsqu'elle était menacée ou frappée !!, avait une arme terrible, qu'elle ne se faisait pas faute d'utiliser, elle suspendait sur le champ l'exercice des leçons, et cette espèce d'excommunication intellectuelle, dans laquelle elle plongeait la capitale, durait jusqu'à ce qu'elle obtienne satisfaction !!

Le lendemain de ce grand béhourd estudiantin, le recteur convoque une nouvelle assemblée, ou il exposa avec de grandes envolées de manches, l'outrage fait à l'université. Il fut décidé que toutes leçons et prédications seraient suspendues immédiatement, et que le corps enseignant ne songerait plus qu'à poursuivre la lutte jusqu'à réparation des griefs fait à l'université. Le même jour, tous les membres ou presque, assistèrent à l'enterrement de Raymond de Mauregard

Dès que les décisions de l'université furent connues, le président de la Chambre des Comptes, le Prévôt des Marchands et les échevins de la ville, vont se rendre à l'université pour les prier de suspendre ce décret !!

Ce qui nous amène à une nouvelle assemblée du recteur et des maîtres, mais les décisions qui en sortent feront pire que mieux. L'université demande que l'évêque de Paris jette l'interdit sur les trois quartiers de la capitale ou le crime avait été commis, et elle déposait dans le même temps une plainte au Parlement, se portant partie contre le Prévôt royal et le Lieutenant criminel, son adjoint !!

Le 12 mai le recteur et les délégués de l'université se rendent au Parlement afin d'exposer les faits, puis de conclure qu'ils demandaient l'emprisonnement du prévôt et de son adjoint, disant que la cessation des leçons durerait tant que l'emprisonnement n'aurait pas été ordonné !!

La cour va instruire l'affaire des sergents qui avaient blessés des écoliers et tué Raymond de Mauregard. Le 21 juin la cour en condamne huit à l'amende honorable, et un à avoir le poing tranché !!

Cette sentence fut jugée insuffisante par l'université, qui continua à demander l'emprisonnement du prévôt et de son adjoint, elle va donc s'adresser au Roi. Cette affaire va traîner en longueur, elle se terminera en décembre 1454 lorsque le parlement donnera satisfaction à l'université qui reprit enfin ses leçons





PS: documentation BNF et des textes de l'école des Chartes M de