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mercredi 11 septembre 2024

les Evangiles des Quenouilles XV siècle

Voila un petit recueil amusant, que je voulais vous présenter . Le texte traduit est celui de l'édition de P-Jannet paru en 1855 et qui reprend l'édition qui fut imprimée à Bruges en 1479-1480. Ce texte fut repris dans des publications ultérieurs, notamment dans le manuscrit que possède la BNF. De l'accord de tous les spécialistes la version publiée par Colard Mansion en 1479-1480 est considérée comme la plus ancienne des " Evangiles des Quenouilles " et elle ne comporte aucune indication d'auteur, au même titre que le " livre du Trois " datant du XIV siècle, écrit par un anonyme Catalan, déjà présenté sur ce Blog (voir article)

Il existe un autre manuscrit contenant d'importantes différences avec le premier, il est conservé au musée Condé de Chantilly. Il est signé de trois auteurs supposés ???, Fouquart de Cambrai, Anthoine du Val et Jehan d'Arras, tous inconnus, mais qui confirment bien la provenance Nordique, Picarde en fait, de ces évangiles

Jacques Lacarrière, auteur de ce bouquin n'est pas, comme votre serviteur copiste d'ailleurs, un médiéviste. Il a éprouvé beaucoup de difficultés à lire le texte original en " vieux François " du XV siècle

A son grand étonnement il constate que ces Evangiles des Quenouilles n'ont jamais été traduit depuis leur première édition, mais la langue de ce siècle et son lexique Picard sont très éloignés du Français classique il nous offre ici une traduction accessible aux lecteurs non spécialisés !





Le recueil évoque six sages " doctoresses et inventeresses " qui se réunissent au cours de six veillées pour disserter à tout de rôle sur les maladies, remèdes, recettes, dictons, conseils et interdits de leur vie quotidienne 

Ces évangiles recueillent un grand nombre de croyances et de superstitions concernant les femmes. Croyances qui ne sont nullement mortes avec le Moyen âge et dont beaucoup survivent encore aujourd'hui dans nos campagnes. Ce document nous apporte aussi un éclairage nouveau sur l'univers quotidien des femmes du XV siècle, reflet d'une certaine société médiévale

Je me propose donc, sans autre forme de procès, de vous offrir quelques une de ces perles d'un autre âge, qui je l'espère vous donnerons l'envie de vous procurer ce bouquin

Ci commence le traité intitulé : 

Les Evangiles des Quenouilles fait en l'honneur et exaucement (élévation ou glorification) des Dames





Maintes gens aujourd' hui allèguent et autorise leurs paroles et raisons par les évangilles des quenouilles, qui pourtant n'en savent guère l'importance et l'autorité, ni qui en furent les sages doctoresses et premières inventeressesQui pis est, ils allèguent plus par dérision et moquerie qu'ils ne le font par estime pour la grande substance qu'ils contiennent. Et ils le font toujours pour l'amoindrissement et le reboutement (rejet) des Dames, ce qui est pêché et grande honte pour ceux qui ainsi le font

Car ils ignorent la grande noblesse des Dames et les grands biens qui d'elles procèdent.Car la première femme ayant été faite et créée en lieu haut et noble, plein d'air net et pur (il parle ici de l'eden)

Toutes femmes sont naturellement nobles, nettes, douces, courtoises et pleine d'esprit léger et inventif, et si subtil qu'elles savent sans effort plusieurs choses à venir, car elles connaissent les choses passées et présentes de leur propre nature selon les conjonctures et dispositions des temps, des personnes et des augurements (présages), des oiseaux, des bêtes et de toutes les autres créatures comme il apparaîtra dans le cours de ce livre !






Or donc pour obvier (faire obstacle) à de telles injures, mettre à néant de telles moqueries j'ai à la requette de quelques unes d'entre elles, comme vous le verrez ci-après, mis par écrit et en ordre ce petit traité qui contient en soi le texte des Evangiles des Quenouilles, ainsi que plusieurs gloses et postilles (explications), ajoutées et dévoilées par quelques unes de ces sages dames !

Citons en premier un chapitre de Dame Ysengrine du Glay :

Je dis pour vrai et certain qu'évangile que, lorsqu'un homme couche avec sa femme ou son amie en ayant les pieds sales et puants, s'il advient qu'il engendre un fils, ce fils aura puante et mauvaise haleine et si c'est une fille, elle l'aura puante par la porte de derrière !

Mes voisines et compagnes, je vous dis pour évangile que si l'on donne à manger une pomme cuite à un enfant nouveau né avant qu'il ne suce la mamelle, jamais après de toute sa vie il ne sera ni glouton ni gourmand à table pour boire ou pour manger 
Glose : dame Marie Morele dit à  ce propos que lorsqu'un enfant naît avec le petit boyau (cordon ombilical) jusqu'à la tête, cela veut dire longue vie, douce haleine, bonne voix et gracieuse éloquence








V
ous toutes qui êtes présentes, écoutez bien, je vous avertis que jamais on ne doit tirer une épée ou un objet long et tranchant devant une femme grosse (enceinte) sans d'abord lui toucher doucement du plat de la lame le sommet de la tête, afin qu'elle soit assurée que son fruit soit toute sa vie hardi
Glose : dame Péronne Bevette dit que, comme on ne le fit point à sa mère lorsqu'elle la portait elle est toujours peureuse au point qu'elle n'oserait coucher seule sans avoir la compagnie d'un homme !!!

Quand on voit des petits enfants courir parmi les rues sur des chevaux de bois en tenant des lances ou déguisés en gens de guerre, c'est signe certain de conflit prochain ou de dissension dans le pays
Glose : dame Perrine Hulottote dit à ce propos que lorsque les petits enfants portent Bannières et Gonfanons en chantant es rues et ruelles c'est signe de mort prochaine !


PS: je vous laisse sur vôtre faim et vous engage à trouver ce livre ....Les Evangiles des Quenouilles de Jacques Lacarrière, collection espaces libre chez Albin Michel...en format poche édition 1998...Ahaaa les z'harpies j'vous jure !!...M de V