Membres

vendredi 30 juin 2023

Quid des Livres de Zoologie au Moyen Age ? ( I )

Nous pourrions, à notre époque réductrice, proclamer qu'au Moyen âge la zoologie n'existait pas, si on considère, la zoologie comme l'étude véritablement scientifique de la morphologie et de la biologie des animaux !!

Mais nous allons voir que si cette science en était encore à ses balbutiements, il y eut néanmoins à cette époque, dont beaucoup ont exagérés la stérilité scientifique, toute une série d'auteurs qui firent d'excellentes observations zoologiques

Voyons la Zoologie Occidentale : le M-A chrétien est souvent divisé en trois périodes, le Haut Moyen âge du V au XI siècle, puis l'Apogée Médiévale du XI au XIII siècles et pour finir, le Bas Moyen âge des XIV et XV siècles

Celles-ci correspondent assez bien aux trois phases de l'évolution religieuse, conquête chrétienne, apogée puis déclin de l'église. Mais la fondation des grands ordres religieux allait influencer considérablement l'enseignement et le développement des sciences par l'intermédiaire des Abbayes et des Monastères, et parmi les auteurs qui s'occupèrent de zoologie, beaucoup étaient  des religieux









Bien sûr tout le monde connaît les innombrables représentations d'êtres surnaturels et de monstres dans l'Art médiéval. En outre au M-A la nature est fréquemment utilisée au service de la religion et de la poèsie, ces siècles ont vu fleurir toute une littérature ou les animaux et minéraux ne sont qu'un thème sur lequel sont bâties les variations théologiques, morales ou poétiques

Empruntons au " Physiologus ", recueil allégorique, probablement écrit à Alexandrie, au II siècle de notre ère, dont la vogue fut considérable au M-A tant en Orient qu'en Occident. Voyons quelques exemples de zoologie mystique ou les vertus chrétiennes sont évoquées par des animaux !

Tel que le Renart faisant le mort pour attraper les poules et symbolisant le démon qui se saisit des imprudents, puis le Pélican qui répand son sang sur ses petits, symbole du christ qui a versé son sang pour racheter les hommes

C'est probablement de ce Physiologus que dérivent les écrits profanes traduits en langue vernaculaire et appelés Bestiaires ( volucraires et lapidaires ), comme ceux de Philippe de Thaon au XII siècle et un Richard de Fournival au XIII siècle 









Les inepties que l'on y rencontre montrent bien la crédulité de ceux qui les écrivaient, les lisaient ou les copiaient pour les propager. En voici quelques échantillons. Or donc le Bouc a toujours la fièvre, son sang est si chaud qu'il brise le diamant....l'agilité de certaines Cavales (jument de race), provient de ce que leur mère a été fécondée par le vent....La Hyène change de sexe à volonté....et la Belette conçoit par l'oreille et enfante par la bouche , tout cela tient plus du folklore que de la science

Pourtant l'Européen du moyen âge avait l'occasion d'observer au quotidien de nombreuses espèces animales, outre les animaux domestiques ordinaires ( cheval, âne, boeuf, chèvre, mouton, porc, chiens et chats ), on voyait encore à cette époque des bêtes aujourd'hui disparues ou en voie de disparition telles que l'Aurochs (bos primigenius), le Bison (bison europaeus), ainsi que divers animaux sauvages ( cerf, loups, ours, élan et renne )

Maintenant voyons quelques uns (car la liste est longue),des principaux personnages qui ont contribué par leurs oeuvres à l'étude des animaux !
Nous les répartirons en trois catégories : les Religieux, puis les Amateurs Techniciens et pour finir les Illustrateurs








L
es Religieux : qu'ils aient vécu au Haut M-A ou au XIII siècle ces auteurs appartiennent tous à un ordre religieux, écrivent en Latin et leurs oeuvres de nature compilatoires prennent la forme d'encyclopédies. Un nom émerge Isidore évêque de Séville ( vers 570-636), on lui doit une encyclopédie nommée " Ethymologies " son livre 12 est entièrement consacré aux animaux

C'est avant tout un philologue qui préfère donner les étymologies (d'ou le titre de son recueil) des noms d'animaux que de faire des observations. les espèces fabuleuses telles que le Gryphe à corps de Lion et tête d'aigle, ou le Basilic, serpent qui tue d'un regard sont présents dans cette ménagerie littéraire. Sa classification est étonnante il classe et range avec les poissons, les éponges, les huîtres, les crocodiles, hippopotames, baleines et dauphins bref tous les animaux aquatiques. Néanmoins son oeuvre aura une grande influence jusqu'au XIII siècle

Le moine Suisse Ekkehard IV (vers 980-1060) est un zoologiste qui s'ignore, car il donne dans une prière la liste des mammifères consommés comme venaison au monastère de Saint Gall, castors, sangliers, cerfs, daims, chevreuils, bouquetins, lièvres, marmottes, ours, chamois et bisons. un bon aperçu de la faune des mammifères de cette partie de la Suisse du XI siècle









Hildegarde de Bingen
: Abesse d'un cloître de Bénédictines, probablement la seule femme du M-A qui se soit occupée de zoologie, son oeuvre comporte 4 livres consacrés aux animaux. Il s'agit la surtout d'un catalogue des principaux vertébrés connus du peuple. Son livre sur les poissons est intéressant, car de nombreuses espèces d'eau douce parmi lesquelles la Lamproie ont pû être reconnues, elle donne les noms en latin mais aussi en bas allemand

Dans celui sur les oiseaux elle mentionne les insectes et les chauves souris. Parmi les mammifères sur les 43 espèces citées, 33 appartiennent à la faune locale (loir, hérisson, castor, martre, loutre etc), mais on y rencontre l'inévitable Licorne qui hante tous les ouvrages zoologiques du Moyen âge

Le livre sur les bêtes rampantes est un patchwork zoologique on y retrouve pêle mêle, le ver de terre, les arachnides, reptiles et amphibiens. Mais l'intérêt de son recueil réside dans les détails qu'elle laisse sur des espèces actuellement disparues d'Allemagne (loutre, bison,lynx)

Mais la science du XIII siècle Occidental allait subir l'influence de trois facteurs nouveaux: la fondation des Universités, la redécouverte d'Aristote et l'activité enseignante des ordres mendiants









Un Dominicain, Thomas de Cantimpré (1186-1263), rédige une monumentale encyclopédie " de naturis rerum ", ne comprenant pas moins de 20 livres, dont 4 sont consacrés aux animaux. On y trouve toute une galerie de monstres ou d'animaux imaginaires phénix, dragons, sirènes ou onocentaures (buste humain et corps d'âne). Mais l'on y trouve aussi l'oie bernache arborigène, que l'on croyait naîvement issues du fruit de certains arbres, ce ne sont en fait que des débris d'épaves sur lesquels se sont fixés des crustacés cirripèdes 

D'une crédulité à toute épreuve il rapporte sérieusement l'existence de l'arbre à bernaches, puis du pélican qui s'ouvre la gorge pour nourrir ses petits, sans oublier son invaisemblable agneau de Russie, défi aux lois de la nature étant à moitié animal et moitié végétal 

Un autre Dominicain, Albert le Grand (1193-1280) est une des grandes figures de la science et de la pensée médiévale. Il naquit en Souabe, étudia en Allemagne, en France et en Italie, il enseignera même à Paris ou il était connu sous le nom de " Maître Albert ", d'ou la contraction de " place Maubert ", nom donné à l'endroit ou il enseignait. Auteur d'une soixantaine de Traités et opuscules dont celui concernant la zoologie. Son " de Animalibus " comporte 26 livres dont les 19 premiers sont pompés sur Aristote !!!









Il signale les constructions du castors d'Europe, qui aujourd'hui semble avoir perdu cette faculté à l'opposé de son congénère du continent Américain. Il réfute vivement l'absurde croyance suivant laquelle ce rongeur se mutilait avec ses dents (d'ou le nom de castor) et lançait ses poches à musc sur ses poursuivants !. Il est en outre le premier à considérer l'ours blanc comme une espèce distincte de l'Ours Brun et à noter les variations de pelage de l'écureuil d'Europe, brun-rougeâtre en Allemagne, Rouge-Gris en Pologne et Gris en Russie 

On peut encore citer, parmi les religieux le Franciscain Barthélémy de Glanvil nommé le plus souvent Barthélémy l'Anglois, qui écrivit entre 1250 et 1260 une encyclopédie intitulée " de proprietatibus rerum " dont un livre entier est consacré  aux animaux. Cet ouvrage de zoologie populaire eut un succès considérable au XIV et XV siècles
                              _______________________________

Les Amateurs Techniciens :A l'opposé de ces savants de cloîtres qui demeuraient tous plus ou moins livresques, il existe des auteurs qui dégagés des préocupations scolastiques et religieuses ont fait preuve d'un indiscutable esprit d'observation 









Je n'en citerais que deux, en premier, l'Empereur Frédéric II de Hohenstaufen (1194-1250), souverain anticlérical et despotique qui cultivait avec amour les sciences, la philosophie et les arts, manifestant une tolérance aux religions étonnante pour cette époque et s'entourant de savants juifs et Arabes

Excellent zoologiste, peut être le plus grand du M-A comme en témoigne son superbe Traité de Fauconnerie, en latin, le " de arte venandi cum avibus " qui eut une vogue considérable pendant plusieurs siècles. Dans ses 6 livres il fait de nombreuses et pertinentes observations. Frédéric fera même la synthèse entre les données classiques, en particulier celles d'Aristote, et ses observations personnelles, il écrira notamment : nous ne suivons pas en tout point le prince des philosophes, Aristote parle par oui dire, mais la certitude ne saurait naître des racontars !

Ce que Frédéric II a fait pour la Fauconnerie, un autre l'a fait pour la chasse en général. Gaston III de Foix Béarn dit Phébus (1331-1391), vers la fin de sa vie il entreprend d'écrire une encyclopédie sur sa passion. Son livre de la chasse et les miniatures qui l'ornent sont remarquables 









Les Illustrateurs : Autre apport tout aussi intéressant est représenté par les illustrations de manuscrits. Souvent en zoologie, et ceci reste vrai de nos jours, un bon dessin vaut mieux qu'une longue description et certaines figurations médiévales d'animaux sont remarquables

L'architecte Français Villard de Honnecourt, XIII siècle, intercale entre ses croquis techniques d'admirables dessins d'invertébrés langoustes, mouches libellule et sauterelles, puis des vertébrés perroquets, autruches, lapins, moutons, chats et chiens etc

Un moine du XIV siècle Sybo de Hyères fera de remarquables miniatures présentant arachnides, crustacés, insectes, mollusques, reptiles, oiseaux et mammifères



PS: Toutes ces oeuvres d'art, souvent anonymes, sont plus intéressantes pour l'avancement de la zoologie que les vastes compilations soporifiques d'auteurs scolastiques....surtout si c'est en latin putentrailles !!!..M de V