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mercredi 8 juillet 2020

1/3) Les Alchimistes dans la Société Médiévale

On ne peut aborder ce sujet sans se poser bien des questions !!!....Comment pouvait on devenir Alchimiste à cette époque ?, y avait il pour ce faire, une filière réputée normale ?, et aussi des itinéraires plus détournés ?

Un point semble devoir être noté avec certitude: si tout un chacun pouvait décider de se mettre à pratiquer l'alchimie il devait se procurer plusieurs manuscrits traitant du sujet, et ils ne devaient pas être facile à trouver, car il ne faut pas oublier que l'imprimerie ne fut inventée qu'à la toute fin du Moyen âge !!. Puis notre étudiant devait se constituer un laboratoire, acheter ustensiles et ingrédients afin de passer à la pratique !!

Il semble loisible de croire qu'il n'avait aucune chance de réussir " le Grand Oeuvre " tant qu'il n'aurait pas rencontré un Maître, qui l'instruirait des secrets décisifs pour ces opérations. Car aussi complet que puisse être un Traité, qui bien souvent était semé de pièges en écritures afin d'égarer les curieux, il restait toujours une pierre d'achoppement pour l'autodidacte médiéval, qui ne serait pas guidé par un Mentor !!

Or donc comme le dit le vieil adage, l'union fait la force !!, d'ou la compréhensible tendance chez nombre d'alchimistes à cette époque de vouloir se rencontrer et se concerter sur les problèmes pratiques, mais également à confronter expériences et résultats. Bien sur nous sommes encore dans le cas des hypothèses plausibles, mais tout le moyen âge en est pavé !








Paris comptait au XIV et XV siècles, deux lieux de rencontre ou nos spécialistes, qu'ils viennenr de la Capitale, des Provinces, ou de Pays étrangers étaient toujours assurés de nouer contacts avec leur pairs en alchimie !!

L'un de ces lieux était le portail de l'église Saint Jacques-la-Boucherie, point de départ parisien du pèlerinage de Compostelle, l'autre étant la façade de Notre Dame de Paris avec ses trois portails. Nicolas Flamel relatait ainsi ses rapports avec des confrères lors de maintes discussions....Je cite: de sorte qu'il ne se passoit pas jour, mesmement ( même) les festes et dimanches que nous nous assemblions au logis de quelqu'ung, et fort souvent le mien, ou à notre Dame la grande, qui est l'église la plus fréquentée de Paris, afin de parlementer des besoignes (travaux alchimiques) passées aux jours précédents !!!

Parfois des alchimistes décidaient d'associer leurs recherches et donc de travailler de concert à la poursuite du Grand Oeuvre. Le cas le plus exceptionnel sera l'association de trois compères Normands qui seraient parvenus au but final, si l'on en croit la tradition ??. Ce fut au château de Flers que ce trio d'adeptes labourèrent ensemble, Nicolas Valois, Nicolas  Grosparmy et le curé Vicot. Ce ne sera qu'en 1975 que fut édité deux des Traités les plus importants du trio "les cinq livres ou la clef des secrets" et "le secret des secrets", mais des copies amoureusement caligraphiées de ces manuscrits passérent d'alchimiste en alchimiste jusqu'à la fin du XVIII siècle !!!










On pouvait aussi trouver de véritables sociétés d'alchimistes. C'est près de Naples, devant les membres d'un groupement de ce genre que Raymond Lulle (docteur illuminatus) aurait selon la tradition "teint" du mercure vulgaire ?

Vers 1450 deux alchimistes, l'un Français (jean Casnier), l'autre Italien (Jean de Pavie) s'éléveront avec force contre une société qui faisait circuler des livres réservés normalement à leurs seuls membres

A la même époque, milieu XV siècle, une société Anglaise d'alchimistes se réunissait dans l'église de l'Abbaye de Westminster. Il nous faut rappeler qu'au Moyen âge les lieux de culte servaient volontiers, en dehors des services religieux, à différentes sortes de réunions. Que ce soit des particuliers, des marchands des corporations ou des guildes. Il n'existait alors aucune structure ressemblant à une salle de conférence, un lieu de réunion, ou un foyer culturel

Si l'église était avant tout pour l'homme médiéval la "Maison de Dieu", c'était aussi en grande partie une maison commune. La loi en Droit Canon, précise que si le coeur de l'édifice appartient à Dieu et au Clergé qui y officie, le lieu de prière, lui, appartient au peuple des fidèles !!










C'était en fait le principal, voir même l'unique lieu possible pour des rencontres nombreuses, à cette époque une église grouillait de monde et pas seulement aux offices religieux

Pour terminer cet article, l'un des principaux alchimistes du XIII siècle, Saint Albert le Grand, donnait au début de son Traité "De Alchimia", une série de conseils destinés à ceux qui souhaiteraient travailler à la réalisation du Grand Oeuvre, il y mêlait étroitement les conseils de prudence aux impératifs financiers !!

Je cite: un alchimiste doit habiter loin des hommes, une maison particulière, l'alchimiste doit être silencieux et discret et ne doit révéler à personne le résultat de ses opérations. Il devra vivre dans la solitude à l'écart des hommes. Il choisira l'heure propice à ses travaux et devra attendre que les Constellations soient favorables

Il devra être patient et persévérant en opérant selon les régles ; la Trituration, la Sublimation, la Fixation, la Calcination, la Solution, la Distillation et la Coagulation. Il n'utilisera que des vases de verres ou des poteries vernissées. Il doit être assez riche pour supporter la dépense éxigée par ses travaux, et il évitera tout contact avec les Princes et les Gouvernants !!!





PS: article tiré du livre de Serge Hutin, Docteur ès Lettres, attaché de recherche au CNRS (la vie des Alchimistes au Moyen âge M de V