Les pèlerinages étaient incessants, on s'y rendait pour un vœu, guérir une maladie, une infirmité ou pour expier ses péchés, on allait prier Saint Thomas de Cantorbery ou Notre Dame de Walsingham et même la tombe de cet ermite qui ne fut jamais canonisé, Richard Rolle d'Hampole mort en 1349.
Ces deux sanctuaires avaient une renommée Européenne, riches et pauvres s'y présentaient en foule, la grande majorité accomplissaient avec une dévotion sincère le chemin les menant vers ce but. Dans cet état d'esprit si un chevalier trouvait sur son chemin un pèlerin comme lui, mais ouvrier ou marchand, il ne le traitait pas avec hauteur, faisant même montre à l'occasion d'une certaine jovialité ou de camaraderie
Arrivé au but de leur voyage ils priaient avec ferveur dans la posture la plus humble qui soit, un émoi religieux leur emplissait l'âme quand ils se trouvaient enfin devant ces mystères de la foi, qu'ils étaient venus vénérer de si loin, et ce au prix de tant de fatigues.
Soyons logiques on trouvait aussi l'homme pratique, venu rapidement à cheval, pour marchander une faveur divine, avec le Saint ou la relique, voir même pour juste se donner bonne conscience, ou l'émissaire d'un haut personnage envoyé pour faire une offrande, ce qui se faisait bien sur au moment de grande affluence !!! Mais pour la grande majorité de nos pèlerins, l'émotion était pieuse, ils repartaient soulagés ou consolés.
La prière et le recueillement achevé, chacun fait une offrande en proportion de sa fortune, puis on achetait une médaille commémorative, en plomb ou en étain, en souvenir de ce lieu de pèlerinage.
On portait ces souvenirs bien apparents, cousus sur les vêtements ou sur le chapeau. chaque lieu possédait sa propre médaille, attestant par le fait le passage de notre pèlerin.
Nous venons de décrire le pèlerin de circonstance, qui après avoir réalisé son vœu, retourne chez lui pour reprendre le cours de sa vie, retrouver sa famille et son travail, mais il n'en est pas de même avec le pèlerin de profession, que l'on nomme Palmer ou Paumier, dont l'existence entière se passait à voyager de sanctuaires en sanctuaires, et de pays en pays.
Toujours en route, toujours mendiant c'est l'un des plus curieux exemple de la race religieuse nomade. Le Palmer changeait constamment de pays, il avait une grande expérience des choses et des hommes.
Ce genre de personnage avait beaucoup vu, mais à cette longue expérience se mêlait une foule de détails et d'aventures ou d'anecdotes nées de son imagination, lui servant à édifier la moutonnière multitude, à qui il tendait la main.
Ces belles histoires, qu'il enluminait de ses pieux mensonges, et dont il était le héros lui permettaient de gagner son pain, et l'habitude aidant il finissait par avoir dans sa voix cet accent de conviction qui captive un auditoire.
La foule écoutait attentive, voir, recueillie et le grand nombre de médailles cousues à son vêtement et sur son chapeau parlaient en sa faveur. Pour compléter sa panoplie, il possédait un grand sac à provisions et un bâton de pèlerin (nommé aussi bourdon), qu'il tenait avec ostentation, sorte de viatique vers l'au delà. Au sommet de ce symbole du pèlerin on trouvait le plus souvent une plaque métallique avec la devise " Haec in tute dirigat iter " qui au sens littéral voulait dire qu'il te conduise et te protège sur ta route.
Il fallait des lettres testimoniales afin de pèleriner, mais aussi un passeport en règle pour traverser la mer, ce document ne se délivrait que dans certains ports fixés par avance par les lois du royaume, tel que Londres, Sandwich, Douvres, Southampton, Plymouth, Dartmouth, Bristol etc.
Des peines très sévères sont prescrites, pour les gardiens de ports, inspecteurs et capitaines de navires qui transgressaient la loi en se montrant négligents ou en favorisant ces nomades.
Mais l'attrait des pèlerinages lointains était grand, avec ou sans lettre ou passeport, on traversait la Manche, on arrivait à Calais, ou en Aquitaine voir même directement en Espagne, en fonction du lieu de son pèlerinage. On s'arrêtait quelques temps dans une " maison Dieu ". Celles ci étaient construites avec les dons des âmes pieuses qui les avaient dotées de revenus.
Puis on partait pour Boulogne implorer une vierge miraculeuse, Amiens vénérer une tête de Saint jean Baptiste, Rocamadour pour sa célèbre Madone et bien sur Saint jacques de Compostelle.
A en juger par les complaintes de certains pèlerins, nul ne devait s'attendre à un grand confort sur les Bateaux, il faut dire que ces cogghes n'avaient rien qui puisse faire penser à une croisière d'agrément, le pèlerin était le souffre douleur du marin tout au long de la traversée, soit il était malade, soit il gênait ou se plaignait trop du mal de mer.
En règle générale il ne fallait pas penser à rire quand on allait à Saint jacques par mer, bousculé par les marins, et les remarques railleuses de ces gens de mer sont pénibles à entendre, disent certains pèlerins
Le voyageur au retour racontait ses souvenirs en ajoutant lui aussi mille et un pieux mensonges à ses compatriotes, et l'envie leurs venaient d'en faire autant.
Ceux qui restaient au village s'associaient de tout cœur à l'œuvre du pèlerin, en ville beaucoup de guildes et de confréries prévoyaient dans leurs règlements le possible départ d'un de leurs membre pour un pèlerinage, dans ce cas tous les frères et sœurs de la corporation accompagnaient hors la ville le pèlerin pour lui faire ses adieux.
Souvent lui était remis de l'argent pour faire face à ses dépenses, puis on le laissait partir de son pas mesuré, commencer un voyage de plusieurs mois à travers maints pays.
Il y avait aussi des guildes qui tenaient maison ouverte pour recevoir les pèlerins de passage, sans être cependant une maison Dieu, mais afin de s'associer par une bonne œuvre à celle des voyageurs. Ce lieu était tenu généralement par un homme et une femme, qui lavaient rituellement les pieds des voyageurs et qui prenaient soin d'eux.
Mais en ce XIV siècle la foi disparaît, ou se transforme, on devient à la fois sceptique et intolérant, il y a dans cette période le doute qui s'insinue provocant des accès de désespoirs et un déchirement profond dans la société de l'homme du XIVeme siècle
Il faut noter que ce sentiment, ce mal être pouvait provoquer un retour vers la foi entraînant de nouveaux vœux de pèlerinages, cette période qui fut riche en guerres, famines et épidémies de peste ne marque aucunement un ralentissement des pèlerins vers les lieux saints ou les saintes reliques.
PS: ces voyages pouvaient aller de plusieurs mois à plusieurs années selon l'endroit et les conditions de voyage du pèlerin, et encore je ne parle pas du pèlerinage pour faute, sur décision de justice. M de V
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