C'est dans les légendes que l'on trouve la véritable histoire du moyen âge, donc celle d'Aquitaine, de la Guyenne et de la Gascogne: car il s'agit d'une tradition vivante, plus vraie que nature S Pacaud
Je me ferais ici, humblement, le copiste de cet auteur, espérant que vous aurez l'envie de vous procurer ce livre des légendes et chimères de l'aquitaine médiévale!
La bague du serpent de l'Adour: Tapi dans le lit du fleuve gascon, un énorme reptile terrorisait les riverains, on le savait goulu de proies diverses, aussi bien les jeunes filles vierges que les garçons immatures.
Lorsque les chaires tendres venaient à manquer, il ne dédaignait pas s'en prendre à des femmes mûres dont l'âge avancé ne pouvait les faire confondre à de jeunes tendrons. Nul ne se risquait sur le bord des saulées sans appréhension afin de ramasser les herbes aquatiques dont on se montrait jadis si friand
On connaissait des gouffres formés par le courant de l'Adour buttant sur les méandres dont il fallait éviter de s'approcher trop. Pourtant, de manière régulière, le monstre prélevait son dû !
Les familles de la région procréaient beaucoup. Non pas que le stupre entrât plus qu'ailleurs dans les préoccupations intimes des foyers, mais la perte régulière de pucelles conduisait à les fréquemment renouveler. on s'ébattit avec grand renfort de volupté à cette époque dans les lits de l'Aquitaine, dans celui de l'Adour le serpent vivait lui une existence de patachon, bien que cette expression ne fût point encore usitée.
L'animal monstrueux, qui faisait plusieurs pieds de long, possédait une livrée étrange que ses congénères ne présentent jamais: une peau splendide et multicolore striée de rouge, d'orange, de jaune, de vert, de bleu, d'indigo et de violet, un chatoiement de coloris, une pigmentation rutilante mélangée à des camaïeux vermeils, pourpres, rubiconds, mauves, vermillons, céruléens ou lapis lazulis, toutes les nuances que peut saisir un oeil humain en bonne santé. Cela ne l'empêchait point d'être fort dangereux
Les hommes de la région, pas plus braves que d'autres malgré leur caractère gascon, impétueux par essence, évitaient de débusquer le reptile lorsqu'ils allaient à la pêche, pour tout dire ils effectuaient un détour afin de contourner les abysses ou ils le savaient se dissimuler. Un certain consensus tacite régnait entre eux et lui, ils ne s'en approchait pas même s'ils s'égaraient, le monstre omettait de les croquer même par inadvertance
La disparition régulière d'une pucelle pour satisfaire l'appétit du serpent entrait dans l'ordre courant des choses, sur cette terre, il fallait bien que toutes les bêtes de la création trouvent leur place et puissent se sustenter....!!
Les Aquitains qui connurent tant de peuples barbares venus les détruire ou les soumettre, en absorbèrent tant, en assimilèrent tant, qu'un tel sujet fut appréhendé comme un mal nécessaire consenti par le seigneur tout puissant pour soulager les péchés du monde.
Et puis si les filles voulaient se soustraire à ses crocs assassins et à sa gueule avide tapissée d'une langue bifide, il leur fallait courir à perdre haleine hors de sa portée et de sa voracité !!
Seules les plus résistantes parvenaient à se sauver, les autres mourraient irrémédiablement. Les survivantes devenaient des femmes robustes nécessaires à la bonne santé de la race afin de mieux procréer.
Un jour semblable à un autre, une pierre précieuse se détacha des nuages et, comme par magie, chut dans le fleuve à proximité de l'endroit favori ou rôdait la bête. Il s'agissait d'une énorme émeraude d'un vert profond, irisée de multiples lames de lumières olivâtres qui dardaient dans toutes les directions des éclats inquiétants
On sait la légende liée à la bataille que se livrèrent dans les cieux saint Michel et Satan à la descente aux enfers de ce dernier, une escarboucle sinople se détacha de son front et tomba sur terre, plutôt dans les profondeurs des océans. Il y eut une mauvaise traduction des saintes écritures !! En effet, en guise d'ondes marines, la pierre tomba dans les eaux de l'Adour. Le serpent s'en saisit. Il le plaça sur sa redingote polychrome, cela fut du plus bel effet !!
Nonobstant ces péripéties, une colombe venue on ne sait d'ou apporta au seigneur du lieu une cloche de taille moyenne. Il lui fallait une force peu commune. Elle murmura à l'oreille du chevalier d'étranges et mystérieuses recommandations, puis s'en retourna vers les nuées. On ne la revit jamais
Les charpentiers dressèrent un mât pourvu d'une poterne, ils y installèrent la sonnaille, la munirent d'une lanière de corde. Le maître du domaine fit savoir que quiconque ferait carillonner le bourdon, verrait son voeu exaucé. Les manants et les vilains s'empressèrent, bientôt une file d'attente réunit la presque totalité de la population à l'exception notable des fous et des sorcières !! A l'heure dite la procession débutait. Curieusement, seuls quelque uns des prétendants réussirent à se saisir de la bride, elle se refusait obstinément à la plupart, tressautait, se raccourcissait, s'allongeait, soubresautait. Ils avaient beau bondir en tous sens, ils ne parvenaient pas à empoigner la longe !!
On sut, plus tard, que ceux dont les prétentions étaient insensées, furent écartés par la divine providence, il ne fallait pas présenter de trop grandes exigences ni déplaire à Dieu pour ambitionner à les satisfaire !!
Tel quidam désirait se séparer de sa vieille femme pour en épouser une plus jeune, une fille disgracieuse voulait acquérir la beauté, un couple convoitait les richesses d'autrui, ou une dévergondée qui implorait de recouvrer sa virginité ou un vieillard lubrique convoitant une innocente. Ils furent pourtant nombreux ceux et celles qui parvinrent à faire sonner la cloche. Une fille demandait à trouver un époux, mari voulait plus de travail pour faire vivre sa maisonnée ou un malade pour trouver la guérison. Que des demandes raisonnables !!!
Après que tout le monde se fut présenté devant le bourdon de la chance, les ouvriers s'apprêtaient à démonter la structure afin de remiser le matériel. Soudain apparut, surgi des flots de l'Adour sous lequel il se tapissait, le gigantesque serpent, régent du fleuve. On eut grand peur, c'était la première fois qu'on le voyait de pied en cap.
Le seigneur se sentant d'humeur badine lui dit: Holà, maître de l'Adour ! Que me vaut la joie de ta présence ? N'y a t'il donc plus d'accorte pucelle capable de déambuler sur les rives du fleuve pour que tu vienne devant ma demeure tenter d'en prélever, lors que tes entrailles crient la faim ??? Le monstre prudent respectait le maître du lieu, se méfiant de son épée !!!
La bête se débrouillait pour ne jamais le contrarier !!! Elle lui dit: Monseigneur, je suis ici comme le plus humble de vos sujets, et je viens tirer l'écheveau pour tenter de faire sonner à mon tour la cloche magique. Permission lui fut accordée, il n'y avait pas de raison pour en être autrement, chacun devant être traité à égalité.
Le reptile s'approcha, agile il se contorsionna, comme il en avait coutume pour enserrer ses victimes et tira le cordon bien arrimé, le carillon tintinnabula. le voeu du serpent réalisé, les gens de l'assistance frissonnèrent, se demandant quel souhait avait il bien pu formuler, qui soit avalisé par le ciel ??? Le seigneur du domaine, possédait à son doigt une bague de grand prix venant de ses ancêtres dont jamais il ne se séparait. Devant les gens médusés, l'anneau se disjoignit de l'annulaire de son propriétaire, pour terminer sa course auprès du serpent dont on compris le desideratum !!!
Le seigneur lui dit: Si les cieux t'on accordé cet objet, ils doivent avoir leurs raisons. Cependant, j'ai beaucoup de peine à m'en dessaisir, en échange je désirerais un autre bijou pour que je tienne mon rang pour ne point défaillir à la réputation de mes aïeux...l'émeraude que tu porte semblerait parfaitement occuper ce rôle. Me la donnera tu ??
Le serpent réjoui comme un enfant d'avoir obtenu son jouet, n'y vit pas malice, la bague convoitée compensait bien ce sacrifice, qui lui semblait mineur. Et puis le seigneur et sa longue épée possédaient des arguments infaillibles, il n'était pas raisonnable de le contrarier, hors de la protection des eaux du fleuve il se sentait à la merci de l'alacrité éventuelle d'autrui.
De bonne grâce l'animal s'arrangea pour lui tendre l'objet , pendant qu'il plaçait entre ses mâchoires la bague acquise grâce à l'intervention divine. Voila monseigneur, je vous cède avec joie cet affûtiau de ma parure. Je sais que vous en ferez le meilleur usage.
Merci, répondit sobrement le seigneur. Néanmoins il ne se sentait plus de joie et tandis que le dragon rejoignait le fond du lit de l'Adour il contempla son bien tandis que sa large main se refermait sur l'émeraude !!
Cet échange eut des conséquences extraordinaires. Le seigneur ne se réjouit pas longtemps, la splendide émeraude appartenait à Satan, à quelques temps de la il défaillit et mourut. le maître des ténèbres le saisit puis l'entraîna jusqu'aux enfers et le bijou sertit à nouveau le front du diable
Le reptile coulait des jours heureux dans les eaux du fleuve ne se lassant pas d'admirer la bague. Mais vint le moment ou la posséder ne lui suffit plus, il lui fallait à tout prix la porter sur lui. Chacun sait qu'un serpent, s'il ne présente pas de difformité, ne possède cependant pas de doigts et la trimballer dans la gueule en permanence n'était pas chose aisée
L'anneau étant magique il eut l'idée de passer son corps dans l'anneau, malgré sa forte corpulence il lui fut aisé de passer la tête, puis le haut du buste démuni d'épaules, il se contorsionna afin que la bague parvienne à la taille.
Hélas la bague provenait de Dieu qui avait beaucoup à reprocher au monstre, l'anneau se resserra jusqu'à étrangler et étouffer son malheureux acquéreur. L'Adour était enfin débarrassée de son redoutable serpent.
A sa mort les couleurs irisées du serpent s'enfuirent jusqu'aux nues et former ainsi les arcs en ciel. Leur pied désignent l'emplacement d'un trésor d'or et de diamants, dont jamais personne ne peut s'approcher
PS: il y a des choses à médité sur cette histoire que je vous ai conté M de V
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