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samedi 16 décembre 2023

N°475 ) le conte de l'Yvroingne et du Prieur, XV Siècle

En une cité de Hollande (La Haye), comme un Prieur se promenoit, en disant ses heures, sur le Serain (tombée du jour), assez près de la chapelle de Sainct Antonyne, située au bois de la dicte Ville. Il fut rencontré d'ung grant et lourd Hollandois, si tant yvre, que c'estoit merveille, lequel demouroit en un villaige nommé Stevelinghes, à deux lieux près d'illec (de ce lieu)

Le Prieur de loing le voyant venir, congneut tanstôt son cas (conoistre son état), par la lourde desmarche et mal seures (mauvaise assurance), qu'il avoit en tirant son chemin !. Quant ils veindrent pour se joindre l'ung à l'autre (se croiser), l'yvroingne salua le premier, le prieur lui rendit son salut et passa oultre, continuant son service, sans aultre propos de l'arrester ni de l'interroguer !

Mais l'yvroingne tant oultré (plein comme une outre), que plus ne pouvoit, se retourne, poursuit le Prieur et requist de lui confession !!!!. Confession dist le Prieur, va-t'en, va -t'en, tu es bien confessé !!!!. Hélas, Sire, répond l'yvroingne, par dieu, confessez moy, j'ay très fresche mémoire de tout mes pechiez et en ay parfaicte contricion !!

Le Prieur desplaisant d'estre empesché par cest yvroingne répond " va ton chemin, il ne te faut confesser, car tu es en très bon estat !! "...Ha dea !, dist l'yvroingne, par la mort bieu (dieu), vous me confesserez maistre Prieur, car j'en ai en ceste heure grande dévocion !





Il le saisit par la manche et le voulut arrester. Ce Prieur ne vouloit entendre, mais avoit grande faim (désir) que merveille de s'eschapper de l'aultre !!, mais rien n'y vaut, car il estoit ferme en sa dévocion d'estre confessé, ce que le Prieur tousjours refuse ! et s'il s'en cuide désarmer (s'il pense de l'ivrogne se débarrasser), il n'en peut car la dévocion de l'yvroingne de plus en plus se renforce!!

Quant il voit le Prieur tousjours refusant d'ouyr ses pechiez, il met la main à sa grande coutille (couteau) et de sa gayne la tire et dit au Prieur qu'il le tuera, si bien il n'escoute pas sa confession !!
Le Prieur doubtant ( craignant) le cousteau et la main périlleuse qui le tenoit, si demande à l'aultre ...que veulx tu dire ???

Je me veuil confesser dit il !!...Or avant dist le Prieur, aussi je le veuil, avance toy !

Nostre yvroingne plus saoul que Grive sortant d'une vigne commença sa dévote confession, laquelle nous passerons, car le Prieur, comme le veulx son estat, jamais ne la révéla, mais vous pouvez pourpenser qu'elle fut bien longue, difficile et estrange !!!









Quant le Prieur vit poindre de longues et lourdes paroles, le chemin lui coupa (la parole), donnant à l'yvroingne absolution et congié puis lui dist " va-t'en tu es bien confessé !!!!

Dictes-vous sire ?? (que dites vous), répond l'yvroingne. Ouy vraiment dist le Prieur, ta confession est très bonne, va-t'en tu ne peuz mal avoir !

Puis que je suis bien confessé et que j'ay l'absolution receu à ceste heure, si je mouroye, n'yroye point en paradis ??, manda l'yvroingne
Tout droit sans faillir, répond le prieur, n'en faiz nul doubte !!!

Puis qu'ainsi est, dit l'yvroingne, que maintenant je suis en bon estat et en chemin de paradis, qu'il y fait tant bel et tant bon, je vueil mourir tout maintenant, afin qu'incontinent je y aille !

Si l'yvroingne prent et baille son cousteau au prieur, en luy priant qu'il luy tranchast la teste, afin qu'il allast en paradis...Ha, dea !, dist le prieur tout esbahy, il n'est jà mestier (besoin) d'ainsi faire !, tu yras bien en paradis par aultre voye !!









Nenny, respond l'yvroingne, je y vueil aller tout maintenant ! et icy mourir par voz mainz, avancez vous et me tuez !...Non feray point dist le prieur, un prestre ne doit personne tuer !!

Si ferez, sire, par la mort bieu ! et si bientôt ne me depeschiez et me mettez en paradis, moy mesmes de mes deux mains vous occiray !, et à ces motz, brandit son grant cousteau, et en fait monstre aux yeulx du povre prieur tout espovanté et assimply (stupéfait)

Au fort, après qu'il eut ung peu pensé, et affin d'estre de son yvroingne despéchié, lequel de plus en plus l'aggresse !, il prend le cousteau et dist " Or ça, puis que tu veulx finer (finir), par mes mains, metz toy à genoulz cy devant moy ". L'yvroingne ne s'en fist gueres preschié (prier) et du hault de luy se laissa tomber sur les genoulz, mains joinctes, et cuidant mourir attendoit ! 

Du dos du cousteau, le prieur fiert (de férir) sur le col, un grant coup et par terre l'abat bien rudement. En cest estat le laissa le prieur, qui pour sa seureté n'oublia pas de garder le cousteau. En chemin il rencontra ung chariot, chargé de gens, qui avoient esté present ou nostre yvroingne s'estoit chargié (avoit bu)









Il racompta en long le mistère dessusdit, , en leur priant qu'ilz le levassent et qu'en son ostel le voulsissent rendre et conduire. Ils promirent de le chargier avec eulx, le prieur leur bailla le cousteau puis s'en va !

Ilz n'eurent gueres cheminé, qu'ils apperceurent ce bon yvroingne couchié, les dens contre terre !. Si le prindrent par la teste, par les piez, le leverent à grants huchements (cris), qu'il ouvrit les yeulx et dist " laissez moy, laissez moy je suis mort et déjà en paradis !! "....Vous vous en viendrez dirent les aultres !, il nous fault aller boire...jamais je ne boiray dist il , car je suis mort !!

En la fin, ung entre les aultres se advisa et dist " Puis que vous estes mort, vous ne pouvez demourer icy, comme beste, si vous porterons sur nostre chariot, au cymitière de nostre ville ". Si tantost l'yvroingne fut troussé et mis dedans le chariot.

Le dit chariot estoit bien bastelé (chargé de monde) et tantost furent à Stevelinghes ou ce bon yvroygne fut descendu tout devant sa maison. A sa femme et ses enfants, ce bon corps saint, qui dormoit si fort fut rendu et en son lit fut jecter !!! 



PS: cette nouvelle fait partie d'un recueil de contes qui furent racontés dans l'intervalle de l'année 1456 à l'année 1461....Je souhaite à tous les visiteurs du Blog de bonnes fêtes de fin d'année M de V

vendredi 8 décembre 2023

Du Prêt gracieux à l'Usure au Moyen âge

Prêter n'était pas toujours usure !!, bien au contraire. Les gens victimes d'un mauvais sort, ou d'une récolte médiocre, trop maigre pour ensemencer leurs champs de la saison suivante, ou à court d'argent pour payer du matériel à acheter, voir même posséder des fonds pour un repas de noce pour leurs filles, n'étaient pas tous réduit à la triste condition de mettre en gage, sa terre, sa vaisselle ou ses bijoux chez un Usurier impitoyable. Aider son prochain, prêter gracieusement pour permettre de survivre quelques mois était oeuvre pie aux yeux de Dieu. Une bonne action qui, dans la communauté, fortifiait les liens sociaux, plaçait l'homme prêteur, en bonne estime parmi ses parents et ses voisins.

Le prêt en échange de services, ou à charge de revanche, voir même sans rien attendre en retour était courant, on accordait des prêts pour garder bonne renommée et bon crédit auprès des gens pour les affaires futures !

Nous négligeons actuellement d'autres solidarités, bien réelles et partout présentes au moyen age. L'homme n'était pas seul il pouvait compter, largement sur le soutien d'un groupe, rassemblant hommes et femmes d'un même rang social, guildes, corporations de métiers, associations à caractère religieux, d'activités et de richesses variés





Puis les familles n'étaient pas celles d'aujourd'hui qui, conjugale, recomposée ou monoparentale ne compte qu'un nombre restreint de personnes, mais un " Clan ", une sorte de tribu, formée de plusieurs couples, jusqu'à quelques dizaines portant tous le même nom, vivant proches les uns des autres dans bourgs et cités

Sans compter que pratiquer l'entraide entre voisins pour vivre en paix et faire sereinement ses affaires était un devoir. L'ont souvent appris à leurs dépens les pères et les aînés qui, dans leurs testaments se font un devoir de faire leçon aux plus jeunes, faisant adjoindre par un copiste sur le parchemin cette phrase " si tu ne peux avoir nombre d'amis tout autour de toi, si on fait visage de ne point t'aimer, prends tes meubles, déménage et va vivre ailleurs "

Les journaux domestiques, que l'on nommait " livres de raison " autrefois n'ont pas été aussi bien conservés que nous l'aimerions. le soin de conserver ce qui pourrait servir à l'histoire de la lignée ne s'est imposé que tardivement. Il en va de même des archives des actes notariés, qui furent elles aussi détruites dans plusieurs cités de France. Ce ne fut qu'au XIV siècle que l'on obligea les notaires à les conserver chez eux. On interdisait aux valets d'allumer le feu avec, ou aux ménagères d'en faire des couvercles pour conserves et confitures !!!





Marchands et Artisans agissent de même. Un jean Blazin, originaire de Montpellier, tient commerce d'huile et de savon à Marseille. Cet homme n'est pas un gagne petit !! Il posséde quatre domaines agraires qu'il loue à des Tenanciers lui versant un " Cens " chaque année, une maison à Peyrotere, non loin d'Aubagne, et plus loin dans le pays de Forcalquier, en haute Provence, une vigne à l'Hospitalet

En feuilletant son livre de comptes on le suit au printemps 1334, achetant de l'huile à Aigues Mortes et participant pour la somme de 530 Livres ( soit 63 629,08 euros de notre époque ), dans un chargement maritime vers Manfredonia dans les Pouilles !

Notre Marchand est riche, mais on remarque qu'il fait toujours crédit à ses pratiques et prête volontiers de l'argent à ses voisins et amis, qu'ils remboursent en une dizaine de versements sans qu'il soit question ni d'intérêts, ni de pénalités

Ces prêts il les consentaient même pour de petites sommes, comme pour une certaine Johaneta Castrelègues qui lui doit la somme de 10 Sols ( équivalent à une centaine d'euros de nos jours ), prêté un 5 février parce que son mari était malade nécessitant soins et médications, le Médicastre et l'Apothicaire ne connaisant ni la Sécu, ni la Mutuelle !






Notre Johaneta n'avait laissé en gage qu'un simple justaucorps vert !!!. C'est l'image d'une société ou les pauvres trouvent de l'aide sans voir leurs terres ou leurs maisons passer aux mains d'un " Usurier ", homme d'argent appliqué à se construire une fortune sur le dos des pauvres gens dans le besoin...Je sais pas vous ? mais moi cela me fait penser à une engeance très présente de notre siècle non ????

Il est à noter que plus on s'approche de la fin du Moyen Age, plus les Changeurs et les Prêteurs, dont le métier était l'Argent, deviendront prêteurs à intérets...autrement dit des Usuriers !



PS: Malheur à ceux dont le pays est dirigé par un financier ! une personne qui, sans vergogne va vous tondre la laine du dos....mais jusqu'à faire saigner le cuir j'fais pas dans la délation et j'donne point de nom !!!   M de V

jeudi 23 novembre 2023

Une Histoire d'Or et d'Argent...XIII Siècle

En 1252 ( XIII siècle ), Gênes et Florence frappèrent des monnaies d'Or à peu près semblables, le Ducat de Gênes et le Florin de Florence. Des pièces lourdes de quelques 3,6 grammes de nos jours, et en Or presque pur !!. Venise grande place marchande ne suivra l'exemple que trente ans plus tard, émettant,en 1284, un Ducat d'Or de 3,6 grammes et de deux centimètres de diamètre

Gênes, Florence et Venise, les Banquiers de l'Europe, en relation avec tout le monde connu, tant en Orient qu'en Occident, vont avec ces pièces, mettre fin, à plusieurs siècles d'anarchie monétaire de notre occident chrétien,ou un nombre incalculable d'ateliers monétaires des Rois, des Princes, Hauts barons et petits Seigneurs, Archevêques, Evêques et Abbés mitrés, faisaient fondre des pièces de plus en plus mauvaise qualité, de poids léger et d'alliage impur !!

Seulement voila !!, ces bonnes monnaies provoquèrent un énorme besoin de ce métal précieux. les pauvres gisements d'Occident à faible rendement et l'orpaillage des rivières ne pouvaient y répondre, il fallut aller chercher ailleurs et très loin !!!
Depuis longtemps d'importantes quantités d'Or venaient d'Afrique, d'une région appellée le Soudan, entre le fleuve Sénégal, au Nord, et un affluent du Niger, le Tinkisso, au Sud








Les autochtones y creusaient des puits individuels, d'une vingtaine de mètres de profondeur, pour en retirer, en majeure partie de la poudre. Par l'intermédiaire des caravanes ils troquaient l'Or avec des Maures ou des Arabes, contre du sel, des toiles, du drap et de la vaisselle de cuivre. C'était ce que l'on nommerait un " commerce muet ", sans échange de monnaie, sans palabres ni accords négociés

Les habitants commerçants leur Or, avançaient jusqu'à un endroit précis, une limite, qu'ils ne franchissaient jamais, mais suffisamment éloignée des mines pour que les acheteurs ne puissent les voir !!

Puis ils faisaient retentir de grands tambours, s'entendant d'un bout à l'autre du Soudan..Dixit Yakuout Abn Abdallah (1179-1229), esclave affranchi, historien et géographe.









Les rois africains en tiraient d'énormes bénéfices, par exemple : dans le Mali si on découvrait de l'Or le roi s'en emparait, ne laissant à ses sujets que la poudre, ceci afin de ne pas faire baisser le cours du métal précieux, par une trop grande abondance sur le marché, perdant ainsi de sa valeur à la vente, selon El Bekri, né en Espagne en 1014, auteur d'une description de l'afrique occidentale !

Des pays du Niger, de Ghana, de Tombouctou ou de Gao, des caravaniers portaient cet or en même temps que les esclaves et les épices, jusqu'aux villes de la côte méditerranéenne du Maroc, de la Tunisie, de la Lybie et de l'Egypte 

L'Espagne, le Portugal tenaient les routes maritimes, et pour la redistribution, Gênes et Florence contrôlaient le trafic de l'or, peu de pays pouvaient rivaliser ou piétiner leurs plates-bandes, ormis les pirates bien sûr, qui attendaient le long des côtes pour ponctionner s'ils le pouvaient

Il est évident que les Français, les Hollandais, les Anglais et les allemands de ligue hanséatique ont lancés, eux aussi, quelques expéditions, sans atteindre le niveau de l'Espagne et du Portugal !  










Les Vénitiens quand à eux, recevaient par mer, l'Argent extrait des mines de Serbie, et par voie terrestre, celui de Bohême et de Saxe. Le roi de Serbie fit promulguer en langue Slave et en allemand, un code des mines, pour défendre le droit des propriétaires et réglementer les conditions de travail pour l'extraction, le lavage et la fonte du minerai

Les mines étaient affermées à des hommes d'affaires presque tous de Raguse, qui firent venir des ouvriers Saxons. On frappait sur place des monnaies Byzantines pour Constantinople, l'autre part du métal, argent blanc, ou argent de Galma (Electrum), allait vers le littoral Dalmate et de la, par un incessant et fructueux trafic, vers Venise et son atelier monétaire !!

Dans ce lieu, écarté du centre, par crainte des incendies, on se livrait à la fonte de l'Argent. L'endroit était appelé " Getto ", référence à l'opération délicate consistant à jeter le métal en fusion dans des moules. Ce " Getto " que nous écrivons " Ghetto ", était habité par des juifs, et le nom a servi depuis lors pour désigner les quartiers ou vivaient une communauté juive dans d'autres villes 
Au lendemain de leur victoire de Kosovo, en 1389, les Turcs firent main basse sur les mines de la région. Le minerai Serbe devenu rare les Vénitiens vont se rabattre sur la production d'Europe centrale


PS : pour en savoir plus braves gens il est recommandé de lire " la naissance du Capitalisme au Moyen âge " de Jacques Heers ...M de V

samedi 7 octobre 2023

Quid du Changeur et Usurier Médiéval, les idées reçues !!!!

Au moyen âge la Banque n'existait pas !, les mots de banque et de banquier ne se trouvent ni dans les contrats de Notaires, ni dans les livres de comptes, ou les comptes rendus de procès. Elle n'apparait en France qu'au XVII siècle, et plus tard encore en Italie. la banque doit son origine aux " Bancs Dressés ", sur un champ de foire, une place publique, ou un port, par des Changeurs, qui experts dans l'art de maîtriser les trafics de métaux précieux, joyaux et monnaies étaient aussi des Prêteurs ( Usuriers )

On disait aussi " Tables ", dans le début des années 1300. L'un des changeurs usuriers établis à Paris, sur le Pont au Change, s'appelait " Martin la grande Table ", le nom restera à ses descendants

Dans les premiers temps c'étaient des planches posées sur des tréteaux, le changeur se tenait derrière et le soir en quelques instants les démontait, ainsi que ses comparses de même farine, afin de laisser place libre et que chacun rentre dans sa chacunière (demeure)

Si d'aventure le changeur devenait insolvable, ou convaincu de malversations, de livrer de fausses pièces, ou de tromperies sur les cours des monnaies, la magistrature de la cité faisait " Casser son Banc ", en public, c'était alors la banqueroute (banc rompu)








Les historiens ont longtemps négligé ces Changeurs, considérés sans doute comme des gagne-petit, alors même qu'ils tenaient bonne place dans la hiérarchie des métiers de la société et dans la vie publique des cités

Le retard pris à étudier leurs activités nous fut dicté par l'idée que l'on se faisait d'une économie médiévale primaire, voir primitive. Certains parlaient volontiers d'économie fermée ou de subsistance, mais en aucun cas d'économie capitaliste !

Une époque selon eux, de petits marchés, ou de trocs approximatifs. Et d'un trafic se limitant aux transports par caravanes, aux navigations laborieuses de galères, au plus près des côtes et qui ne se hazardaient pas en mer l'hiver !!

Thèses éculées d'historiens du siècle dernier, nous présentant un obscurantisme médiéval, comme le présente un Werner Sombart (1863-1941)









Ou encore un Max Weber qui s'appliquait à démontrer que l'éloge de la pauvrté et le devoir de charité prôné par l'église étaient des obstacles au développement du capitalisme. Alors même que le peuple savait déjà que l'église était entachée de Simonie par la vente des indulgences !!

Comment ne pas comprendre que ces rappels à l'ordre de l'église pour condamner l'usure donnaient tout au contraire, la preuve qu'elle était largement pratiquée à tous les niveaux de la société et pour toutes sortes de transactions de la vie quotidienne

Pourtant, dans tous les pays d'Occident et tout au long du Moyen âge, des milliers de textes, montrent, à qui prendrait la peine de les lire, que ces prêts étaient communément pratiqués à la ville comme dans les campagnes, non seulement par des usuriers reconnus, Lombards, Cahorsins et Juifs, mais aussi par des hommes bons chrétiens, parfaitement intégrés et honorés dans les cités, et dans les bourgs et villages du plat pays !








Ces hommes que nos livres nous présentent habituellement comme de grands négociants, étaient des financiers qui ne pratiquaient aucune forme de commerce, ne possédaient aucun comptoir ni en Occident ni en Orient. On ne les voit pas confiant leurs capitaux à des armateurs de Pise, Gênes ou Venise !!

Leurs filiales en Italie, en Albion, dans les Allemaignes ou dans les Flandres sont toutes désignées sous le nom de " Tables ". Or donc tables de Changeurs et d'Usuriers

Doit on ignorer qu'en 1318 l'Arte Del Cambio de Florence comptait plus de 300 inscrits !. Que l'enquête ordonnée par le Roy de France permit de connoître, pour trois provinces seulement, les noms de 491 changeurs et tous condamnés par l'église pour avoir pratiqué l'usure !!

Que les commissaires aux comptes du Roy Charles VII ont identifiés 750 changeurs marchands et tous bons chrétiens, mais tous prêteurs d'argent eux aussi  !!

Et que dire du mot " Bourse " qui aujourd'hui semble incarner pour ses détracteurs la forme la plus élaborée et la plus pernicieuse du capitalisme








Ce mot est apparu dès le XIV siècle à Bruges, ou dans une auberge tenue par une famille du nom de Van Den Burse, l'on négociait chaque jour ouvrable et du matin au soir, un grand nombre de valeurs mobilières en différents pays  

Ceci devrait nous inciter à étudier les pratiques complexes qui permettaient à ces changeurs de ne pas heurter de front les interdits de l'église et surtout, ne pas déchoir auprès de ses voisins qui, tout autant que le Clergé condamnaient les usuriers ouvertement déclarés


PS: je ne puis que vous engager à lire, sur le sujet le très bon livre de Jacques Heers " la naissance du capitalisme au Moyen âge " ..M de V

(oui je sais que je n'ai rien écrit en août et en septembre mordious !!....Pffff bin moi aussi j'prends des vacances)

lundi 31 juillet 2023

Les Bases de l'OMC sont posées au XV Siècle

Même si l'OMC est une structure créée en 1995 (organisation mondiale du commerce), avec 164 membres en 2016, les bases de cette organisation furent jetées au XV siècle. Alors faisons nos commères et regardons par la fenêtre comment tout cela a commencé !!

C'est le Vatican qui a inventé la " mondialisation ". Et ce fut un Pape Espagnol " Alexandre VI ", Borgia qui va en décider ainsi le 4 mai 1493 en publiant sa bulle " inter coetera ". Et Paf ! d'un coup, la terre devenait ronde, elle n'était plus peuplée de monstres qui attendaient les Européens pour les entraîner au fond de l'enfer. Elle devenait à évangéliser, à coloniser et à exploiter bien sûr !

Sur les conseils du Pape il fallait que tout ceci se fasse en bon ordre, si possible, et surtout sans déclencher une nouvelle guerre interminable, alors que le souvenir de la guerre de Cent Ans, achevée en 1453 était encore dans toutes les têtes

Ceci pour prévenir par la diplomatie, un affrontement entre la puissance dominante, le Portugal, et la puissance montante, l'Espagne. La question est de savoir : Alexandre VI Borgia était il plus Espagnol que Pape ???






Car un an après le départ du Génois Christophe Colomb, vers ce qu'il croyait être l'Asie, le moins que l'on puisse dire c'est qu'en Europe les appétits se sont aiguisés !!!

A cette période les Portugais connaissaient depuis 1/2 siècle le Rio de Oro, le Sahara Occidental, les pays au-dela du Cap des Tempêtes sur le continent Africain et les terres d'outre-Equateur leur tendent les bras !

Ils n'entendent pas s'encombrer d'un rival honni comme les Espagnols. Ceux ci viennent d'achever la Reconquista, d'unifier leur pays et de régler un conflit frontalier avec la France. Mais leurs Missionnaires, leurs Marchands et leurs Soldats sont habités d'une fièvre conquérante

On murmura pendant un temps que l'or de Madrid avait beaucoup aidé le Pape dans sa décision, il est plus vraisemblable, que bien qu'Espagnol dans l'âme, il n'en était pas moins le dirigeant d'un état comme le Vatican !! et deux épineux soucis politiques l'empêchaient d'être assis confortablement sur le trône de Saint Pierre !!












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'un côté il avait Charles VIII de France qui avait des idées de conquêtes sur l'Italie et de l'autre l'Espagne et ses idées expansionnistes, qu'il craignait tout autant, sans doute a t'il préféré se faire un allié de son pays d'origine ??

Ainsi notre Pape, par sa bulle, partage t'il le monde à conquérir, traçant une ligne faisant le tour supposé du globe, ou l'Ouest revenait aux Espagnols, en clair, toute l'Afrique, l'Asie Mineure et Centrale jusqu'au détroit de Malacca et la pointe, encore inconnue à cette date, du Brésil ...et l'Est aux Portugais !!!, autant dire des rogatons et des chimères. En quelques mois le rapport de force bascule en faveur de madrid et c'est un Traité qui fut signé à Tordesillas le 7 juin 1494

Cette mondialisation est bipolaire, ou deux pays européens, l'Espagne et le Portugal, sont fondés en droit à la pratiquer. Autant vous dire que les incursions des Français, des Anglois et des Hollandais déclencheront des guerres plus que commerciales

Voyons cette mondialisation à l'oeuvre par le biais d'un exemple en apparence anecdotique mais qui brasse des milliers de doublons d'or et d'Argent !!









La diffusion du Piment : Lorsque Colomb découvre les Caraïbes, il baptise cette épice, dégustée sur place, d'un nom cousin germain du Poivre, " le Pimiento ". Reste à le commercialiser, car les Européens montrent peu de goût pour ce condiment 

Peter Martyr, un Anglois, mentionne l'arrivée de cette épice plus forte que le Poivre du Caucase, il ajoute que même les Espagnols ne s'y habituent guère !!

Trente ans plus tard, seules Londres, Anvers et Amsterdam, devenues des marchés internationaux du piment, commencent à l'acclimater dans les marmites !!

Puis selon les Médicastres de l'époque, le feu du piment sur la langue et dans les intestins activerait trop la forge digestive, corrodant les parois intérieures et prédisposant le mangeur à des affections gastriques très redoutées !!

Faute de débouchés européens pour ce condiment, il fallait donc s'aventurer vers des marchés inconnus, sans solvabilité garantie, ni appétence établie pour le piment ???









Après le Traité de Tordesillas, les Portugais choisirent une stratégie mondialisatrice du commerce du piment, l'établissement d'un circuit linéaire par sauts, au rythme des positions conquises vers l'Asie.

Donc des marchés neufs ou octroyés grace à la négociation. L'objectif des Portugais consistait à éliminer les concurrents, soit par la puissance gustative du piment, soit par la protection d'un marché exclusif ou encore par l'importance des quantités livrées qui permettait de résoudre les ruptures d'approvisionnement et de commercer avec les indigènes!

Ansi le piment va t'il évincer la " graine de paradis " cette épice Africaine (aussi forte et puissante que le poivre mais avec un arôme différent ),



PS: suite à la lecture d'un texte du regretté Anthony Rowley, décédé en 2011, Docteur en Histoire, Maître de conférences à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris ou il enseignait l'histoire de la gastronomie ...M de V   



mardi 4 juillet 2023

N°470) zoologie dans l'Extrême Orient Médiéval (III)

En Inde dès la plus haute antiquité ils s'étaient intéressés aux animaux, surtout aux mammifères et aux poissons dont ils avaient même tenté des classifications. Ce goût pour la zoologie pratique persista dans l'Inde médiévale et nous ne donnerons ici qu'un seul exemple : l'encyclopédie " Manasollasa " qu'écrira le roi Somesvara vers 1127 ou toute une partie est consacrée à la pêche et aux poissons

Ce souverain naturaliste que l'on pourrait rapprocher de son contemporain occidental Frédéric II (voir article I), étudie assez bien la morphologie et les moeurs des animaux dont il tente une intéressante classification. Il les divise en espèces marine, puis d'eau douce, et d'estuaire les subdivisant  en formes, c'est à dire avec ou sans écailles. Un zoologiste Indien (Hora), a reussi dans les années 1950, à déterminer avec succès ces poissons, en se basant  sur l'étymologie de leurs noms en sanscrit et d'autre part sur les indications morphologiques et biologiques que donna Somesvara

La Chine :Nous ne dirons que quelques mots de la zoologie chinoise médiévale, d'abord parce qu'elle est très mal connue, et ensuite parce qu'il est difficile d'appliquer à la chine la notion de Moyen âge telle qu'elle est comprise en Occident. pour divers hitoriens. Le Moyen âge en Chine pourrait s'étendre en fait du X siècle au XVIII siècle






Prenons l'époque qui correspond plus ou moins exactement au Moyen âge occidental, c'est à dire celle comprise entre 420, début des dynasties du Nord et du Sud et le milieu de la période Ming allant de 1368 à 1644

L'histoire naturelle en Chine fut essentiellement étudiée  en liaison avec la matière médicale dans les recueils appelés " Pen Ts'ao ". Ce sont des herbiers ( traités de botanique médicale ), mais on y trouve souvent aussi des listes de minéraux et d'animaux

Le plus ancien daterait de 200 avant JC " Chen Nong Pen Ts'ao ", de nombreux autre furent écrits sous les dynasties T'ang, Song etc...pour aboutir au plus important de tous, celui de Li Che Tchen 1518-1593 nommé le " Pen Ts'ao Kang mou "   

Ces recueils désignent en fait plusieurs sortes de petits animaux, comprenant aussi bien de véritables insectes, myriapodes, arachnides, crustacés et mollusques, que des amphibiens, crapauds et grenouilles !

Nous voici donc revenus  à la classification de Thomas de Camtimpré (voir article I) et d'autres auteurs de l'Occident. L'illustration de certains recueils furent réédités à Pékin :






On y voit des représentations d'insectes, coutilières, cigales, guêpes avec leur nid, mantes religieuses, puis des myriapodes, des crabes et autres mollusques, ainsi que divers vertébrés comme le buffle, le pangolin, l'écureuil volant. Puis des chauve-souris, des cerfs avec détails du développement des bois et pour finir poisson-chat, poisson-scie, et cormorans

Si l'on en croit nos doctes historiens les chinois seraient les plus grands illustrateurs zoologiques du Moyen âge, mais certaines peintures et dessins sont fort difficiles à dater avec précision !!!. On trouverait aussi des notions de zoologie dans l'oeuvre de Lao Tsé et de ses disciples, ainsi que dans divers autres textes, comme dans une Anthologie de l'époque T'ang du IX siècle

Rappelons aussi le Traité sur les crabes de Fou Kong (1039), et celui sur les grillons de Kia Sseu Tao, ministre d'état sous la dynastie Song au début du XIII siècle 

Citons aussi Ye Jin Yan, dans ce même XIII siècle, qui eut l'idée d'introduire dans les huîtres perlières de menus objets qu'il retirait ensuite enrobés de nacre, découvrant ainsi la genèse de la perle de culture. la civilisation chinoise s'est intéressée  aux animaux plus pour son plaisir que d'un point de vue zoologique !!





Conclusion : L'étude des animaux fut donc loin d'être négligée au Moyen âge, tant en Occident qu'en Orient, de nombreuses espèces  d'i  nvertébrés et surtout de vertébrés font l'objet de commentaires détaillés

On les décrits, on s'intéresse à leurs moeurs, les faunes locales ou exotiques attirent l'attention de divers observateurs et le nombre des espèces connues augmente sensiblement

Un parallélisme presque absolu peut être établi entre la zoologie occidentale et orientale qui restent toutes deux fortement tributaires de la tradition antique, de la religion, du folklore et des superstitions

Mais par un curieux paradoxe, ces tendances scolastiques et mystiques sont contrebalancées par d'indiscutables préocupations utilitaires : On s'intéresse aux animaux surtout pour des buts pratiques...chasse, pêche, agriculture, sport, matière médicale etc... 

Mais d'ores et déjà nous devons une fois de plus, ne pas nous montrer trop sévères pour le Moyen âge ou la zoologie possède ses incontestables lettres de noblesse. Ces trois articles sont tirés d'un document de Jean Théodoridès chargé de recherches au CNRS....M de V 


lundi 3 juillet 2023

La Zoologie vue par l'Islam au Moyen âge ( II )

L
e succès de Mahomet (570-632) et de sa doctrine est un des faits les plus étonnants dans l'histoire des religions. partis d'Arabie, ses disciples devinrent rapidement innombrables et formèrent une immense cohorte qui déferla tour à tour sur l'Asie Mineure, la Perse, une partie de l'Inde, l'Afrique du Nord et l'Espagne

Les territoires conquis connurent une culture très raffinée en particulier sous les dynasties des Omeyyades, puis des Abbassides à Bagdad (VIII siècle), mais aussi sous les Almoravides et les Almohades en Espagne (VIII-XIII siècles)

Or donc le M-A voit l'apogée du monde Islamique dans lequel les sciences connurent un grand épanouissement. Il faut cependant ne pas oublier que les Arabes avaient largement profité de la science grecque antique, via Byzance, et de l'école de Gundi-Sapour, refuge des érudits Nestoriens (condamnés au Concile d'Ephèse en 431)

D'ailleurs les savants de l'orbe islamique n'étaient pas tous arabes il y avait parmi eux des Persans, des Chrétiens et des Juifs. Le décors étant planté passons à la zoologie !









Pour ce qui concerne cette science, la religion musulmane interdisant la dissection des cadavres et la représentation des êtres vivants, les auteurs de cette période, écrivants sur les animaux vont les considérer d'un point de vue très général, truffant leurs textes de détails fabuleux, poétiques et religieux

Donc d'une façon générale, tout comme en Occident, la plupart des auteurs islamiques parlant de zoologie le font d'une manière plus littéraire que scientifique. Et à l'exemple de ce qui se passait en Europe chrétienne, ce seront les auteurs " Techniques " (voir article sur la zoologie en Occident), qui donnent des observations de première main

On connaît néanmoins divers auteurs s'étant occupés de zoologie et je vais essayer de vous brosser un tableau chronologiquede ceux-ci pendant la période médiévale. Comme dans l'article précédent nous commencerons par les Erudits, puis les Auteurs techniques, pour terminer par les Illustrateurs 

On doit à Al Jâhiz (767-868) un livre sur les animaux qui est le plus ancien ouvrage arabe de ce genre. connaissant l'oeuvre d'Aristote, il donne également des informations du floklore local et des renseignements transmis oralement par les Bédouins, malgé de nombreuses digressions théologiques l'auteur est intéressant en raison de son esprit critique !









Les Frères de la sincérité (X siècle) donnent une curieuse classification des animaux basée sur leur mode de reproduction. ceux qui s'accouplent en bondissant, conçoivent, mettent-bas, allaitent et élèvent leurs petits, ceux qui s'accouplent en marchant, pondent et couvent (oiseaux et insectes), ceux qui ne connaissent ni accouplement, ni mise-bas, ni ponte mais qui naissent de la pourriture (vers), une croyance à la génération spontanée d'animaux inférieurs

Abdullatif ben Jusuf (1161-1231) parle lui, de l'incubation artificielle des oeufs de poule, de la colonne vertébrale du crocodile "composée d'un seul os", donne des détails sur les Scinques (lézards) et l'Hippopotame

Al Damiri, mort au Caire en 1405, est l'auteur de " la vie des animaux ", dernier grand ouvrage de zoologie arabe. Il classe les animaux par ordre alphabétique et les étudie en fonction de ce que disent les textes religieux, la tradition et les proverbes. Il a cependant le mérite de remarquer que la Chauve-souris n'est pas un oiseau d'après divers caractères morphologiques et biologiques 

Passons aux Auteurs Techniques, spécialistes de la chasse, de l'agriculteurs et de la médecine !









En Orient la chasse à l'aide de chiens, guépards et faucons fut très répandue, le texte arabe le plus ancien sur la fauconnerie daterait du XI siècle et il en existe de nombreux autres. les croisades d'une part et l'influence orientale à la cour de Frédéric II (voir article précédent) contribuèrent à introduire ce sport en occident avec énormément de succès

Les ouvrages agricoles renferment d'intéressantes informations zoologiques, ainsi celui d'Al Nabati (X siècle), sur l'agriculture Nabtéenne, puis Ibn Wafid, à la même époque ( vers 1000-1078), écrivit un important Traité d'agriculture dont la dernière partie concerne la zoologie agricole !

Suivra l'encyclopédie de Abu Zakariya de Séville (XIII siècle), représent le chant du cygnede l'école agricole Hispano-arabe. la dernière partie de cet ouvrage concerne la zootechnie (bêtes à laine, élevage de chevaux, mulets, ânes et chameaux, oiseaux de basse-cour et abeilles !

Les oeuvres médicales des auteurs de langue arabe contiennent également des allusions zoologiques, fournissons quelques exemples 









Le chirurgien Andalou Abu Al Qasim (en latin Abulcasis) à Cordoue au X siècle, suture les plaies en faisant mordre les bords de celles-ci par de grosses fourmis dont on détache ensuite le corps

Le célèbre médecin philosophe Avicenne ( Ibn Sina en persan), 980-1037, né à Boukhara, capitale de l'empire Samanide, dans son " Canon de la médecine " tente une classification des vers intestinaux de l'homme, mais il est moins heureux lorsqu'il parle de la Filaire de Médine ( vers ronds et filiforme d'Afrique vivant sous la peau) qu'il prend pour un nerf dégénéré ! 

Avenzoar ( Abou Merwan Ibn Zuhr ), médecin de Séville dans l'empire Almoravide (1091- 1162) connait aussi les principaux parasites macroscopiques de l'humain y compris le minuscule acare de la gale. Mais il énumère aussi toute une série de mollusques, insectes, poissons, reptiles, oiseaux et mammifères qui nous renseignent sur les espèces consommées par les arabes à cette époque

Moshe Ben Maïmon (ou Maîmonide), rabin séfarade du XII siècle, médecin et philosophe juif , né à Cordoue en 1138 et mort au Caire en 1204, écrivit en arabe ses oeuvres médicales et fut le plus brillant représentant de la pensée hébraïque médiévale..








Mais c'est surtout dans son Traité des poisons qu'il donne des précisions extrêmement intéressantes sur les arachnides et les serpents, ainsi que sur le comportement du chien enragé

En ce qui concerne les Illustrateurs, malgré l'interdiction du coran, des miniatures de manuscrits islamiques représentent fréquemment des animaux 

Celles de l'école dite de Bagdad illustrant des textes non scientifiques sont assez réalistes au XIII siècle, et plus conventionnelles au XIV siècle. Citons aussi celles plus tardives d'un Traité sur les maladies des chevaux, manuscrit exécuté en Egypte à la période Mameluk 1467 (XV siècle) et conservé à Istanbul



PS :l'étude des animaux fut donc loin d'être négligée au Moyen âge tant en Occident qu'en Orient... M de V



vendredi 30 juin 2023

Quid des Livres de Zoologie au Moyen Age ? ( I )

Nous pourrions, à notre époque réductrice, proclamer qu'au Moyen âge la zoologie n'existait pas, si on considère, la zoologie comme l'étude véritablement scientifique de la morphologie et de la biologie des animaux !!

Mais nous allons voir que si cette science en était encore à ses balbutiements, il y eut néanmoins à cette époque, dont beaucoup ont exagérés la stérilité scientifique, toute une série d'auteurs qui firent d'excellentes observations zoologiques

Voyons la Zoologie Occidentale : le M-A chrétien est souvent divisé en trois périodes, le Haut Moyen âge du V au XI siècle, puis l'Apogée Médiévale du XI au XIII siècles et pour finir, le Bas Moyen âge des XIV et XV siècles

Celles-ci correspondent assez bien aux trois phases de l'évolution religieuse, conquête chrétienne, apogée puis déclin de l'église. Mais la fondation des grands ordres religieux allait influencer considérablement l'enseignement et le développement des sciences par l'intermédiaire des Abbayes et des Monastères, et parmi les auteurs qui s'occupèrent de zoologie, beaucoup étaient  des religieux









Bien sûr tout le monde connaît les innombrables représentations d'êtres surnaturels et de monstres dans l'Art médiéval. En outre au M-A la nature est fréquemment utilisée au service de la religion et de la poèsie, ces siècles ont vu fleurir toute une littérature ou les animaux et minéraux ne sont qu'un thème sur lequel sont bâties les variations théologiques, morales ou poétiques

Empruntons au " Physiologus ", recueil allégorique, probablement écrit à Alexandrie, au II siècle de notre ère, dont la vogue fut considérable au M-A tant en Orient qu'en Occident. Voyons quelques exemples de zoologie mystique ou les vertus chrétiennes sont évoquées par des animaux !

Tel que le Renart faisant le mort pour attraper les poules et symbolisant le démon qui se saisit des imprudents, puis le Pélican qui répand son sang sur ses petits, symbole du christ qui a versé son sang pour racheter les hommes

C'est probablement de ce Physiologus que dérivent les écrits profanes traduits en langue vernaculaire et appelés Bestiaires ( volucraires et lapidaires ), comme ceux de Philippe de Thaon au XII siècle et un Richard de Fournival au XIII siècle 









Les inepties que l'on y rencontre montrent bien la crédulité de ceux qui les écrivaient, les lisaient ou les copiaient pour les propager. En voici quelques échantillons. Or donc le Bouc a toujours la fièvre, son sang est si chaud qu'il brise le diamant....l'agilité de certaines Cavales (jument de race), provient de ce que leur mère a été fécondée par le vent....La Hyène change de sexe à volonté....et la Belette conçoit par l'oreille et enfante par la bouche , tout cela tient plus du folklore que de la science

Pourtant l'Européen du moyen âge avait l'occasion d'observer au quotidien de nombreuses espèces animales, outre les animaux domestiques ordinaires ( cheval, âne, boeuf, chèvre, mouton, porc, chiens et chats ), on voyait encore à cette époque des bêtes aujourd'hui disparues ou en voie de disparition telles que l'Aurochs (bos primigenius), le Bison (bison europaeus), ainsi que divers animaux sauvages ( cerf, loups, ours, élan et renne )

Maintenant voyons quelques uns (car la liste est longue),des principaux personnages qui ont contribué par leurs oeuvres à l'étude des animaux !
Nous les répartirons en trois catégories : les Religieux, puis les Amateurs Techniciens et pour finir les Illustrateurs








L
es Religieux : qu'ils aient vécu au Haut M-A ou au XIII siècle ces auteurs appartiennent tous à un ordre religieux, écrivent en Latin et leurs oeuvres de nature compilatoires prennent la forme d'encyclopédies. Un nom émerge Isidore évêque de Séville ( vers 570-636), on lui doit une encyclopédie nommée " Ethymologies " son livre 12 est entièrement consacré aux animaux

C'est avant tout un philologue qui préfère donner les étymologies (d'ou le titre de son recueil) des noms d'animaux que de faire des observations. les espèces fabuleuses telles que le Gryphe à corps de Lion et tête d'aigle, ou le Basilic, serpent qui tue d'un regard sont présents dans cette ménagerie littéraire. Sa classification est étonnante il classe et range avec les poissons, les éponges, les huîtres, les crocodiles, hippopotames, baleines et dauphins bref tous les animaux aquatiques. Néanmoins son oeuvre aura une grande influence jusqu'au XIII siècle

Le moine Suisse Ekkehard IV (vers 980-1060) est un zoologiste qui s'ignore, car il donne dans une prière la liste des mammifères consommés comme venaison au monastère de Saint Gall, castors, sangliers, cerfs, daims, chevreuils, bouquetins, lièvres, marmottes, ours, chamois et bisons. un bon aperçu de la faune des mammifères de cette partie de la Suisse du XI siècle









Hildegarde de Bingen
: Abesse d'un cloître de Bénédictines, probablement la seule femme du M-A qui se soit occupée de zoologie, son oeuvre comporte 4 livres consacrés aux animaux. Il s'agit la surtout d'un catalogue des principaux vertébrés connus du peuple. Son livre sur les poissons est intéressant, car de nombreuses espèces d'eau douce parmi lesquelles la Lamproie ont pû être reconnues, elle donne les noms en latin mais aussi en bas allemand

Dans celui sur les oiseaux elle mentionne les insectes et les chauves souris. Parmi les mammifères sur les 43 espèces citées, 33 appartiennent à la faune locale (loir, hérisson, castor, martre, loutre etc), mais on y rencontre l'inévitable Licorne qui hante tous les ouvrages zoologiques du Moyen âge

Le livre sur les bêtes rampantes est un patchwork zoologique on y retrouve pêle mêle, le ver de terre, les arachnides, reptiles et amphibiens. Mais l'intérêt de son recueil réside dans les détails qu'elle laisse sur des espèces actuellement disparues d'Allemagne (loutre, bison,lynx)

Mais la science du XIII siècle Occidental allait subir l'influence de trois facteurs nouveaux: la fondation des Universités, la redécouverte d'Aristote et l'activité enseignante des ordres mendiants









Un Dominicain, Thomas de Cantimpré (1186-1263), rédige une monumentale encyclopédie " de naturis rerum ", ne comprenant pas moins de 20 livres, dont 4 sont consacrés aux animaux. On y trouve toute une galerie de monstres ou d'animaux imaginaires phénix, dragons, sirènes ou onocentaures (buste humain et corps d'âne). Mais l'on y trouve aussi l'oie bernache arborigène, que l'on croyait naîvement issues du fruit de certains arbres, ce ne sont en fait que des débris d'épaves sur lesquels se sont fixés des crustacés cirripèdes 

D'une crédulité à toute épreuve il rapporte sérieusement l'existence de l'arbre à bernaches, puis du pélican qui s'ouvre la gorge pour nourrir ses petits, sans oublier son invaisemblable agneau de Russie, défi aux lois de la nature étant à moitié animal et moitié végétal 

Un autre Dominicain, Albert le Grand (1193-1280) est une des grandes figures de la science et de la pensée médiévale. Il naquit en Souabe, étudia en Allemagne, en France et en Italie, il enseignera même à Paris ou il était connu sous le nom de " Maître Albert ", d'ou la contraction de " place Maubert ", nom donné à l'endroit ou il enseignait. Auteur d'une soixantaine de Traités et opuscules dont celui concernant la zoologie. Son " de Animalibus " comporte 26 livres dont les 19 premiers sont pompés sur Aristote !!!









Il signale les constructions du castors d'Europe, qui aujourd'hui semble avoir perdu cette faculté à l'opposé de son congénère du continent Américain. Il réfute vivement l'absurde croyance suivant laquelle ce rongeur se mutilait avec ses dents (d'ou le nom de castor) et lançait ses poches à musc sur ses poursuivants !. Il est en outre le premier à considérer l'ours blanc comme une espèce distincte de l'Ours Brun et à noter les variations de pelage de l'écureuil d'Europe, brun-rougeâtre en Allemagne, Rouge-Gris en Pologne et Gris en Russie 

On peut encore citer, parmi les religieux le Franciscain Barthélémy de Glanvil nommé le plus souvent Barthélémy l'Anglois, qui écrivit entre 1250 et 1260 une encyclopédie intitulée " de proprietatibus rerum " dont un livre entier est consacré  aux animaux. Cet ouvrage de zoologie populaire eut un succès considérable au XIV et XV siècles
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Les Amateurs Techniciens :A l'opposé de ces savants de cloîtres qui demeuraient tous plus ou moins livresques, il existe des auteurs qui dégagés des préocupations scolastiques et religieuses ont fait preuve d'un indiscutable esprit d'observation 









Je n'en citerais que deux, en premier, l'Empereur Frédéric II de Hohenstaufen (1194-1250), souverain anticlérical et despotique qui cultivait avec amour les sciences, la philosophie et les arts, manifestant une tolérance aux religions étonnante pour cette époque et s'entourant de savants juifs et Arabes

Excellent zoologiste, peut être le plus grand du M-A comme en témoigne son superbe Traité de Fauconnerie, en latin, le " de arte venandi cum avibus " qui eut une vogue considérable pendant plusieurs siècles. Dans ses 6 livres il fait de nombreuses et pertinentes observations. Frédéric fera même la synthèse entre les données classiques, en particulier celles d'Aristote, et ses observations personnelles, il écrira notamment : nous ne suivons pas en tout point le prince des philosophes, Aristote parle par oui dire, mais la certitude ne saurait naître des racontars !

Ce que Frédéric II a fait pour la Fauconnerie, un autre l'a fait pour la chasse en général. Gaston III de Foix Béarn dit Phébus (1331-1391), vers la fin de sa vie il entreprend d'écrire une encyclopédie sur sa passion. Son livre de la chasse et les miniatures qui l'ornent sont remarquables 









Les Illustrateurs : Autre apport tout aussi intéressant est représenté par les illustrations de manuscrits. Souvent en zoologie, et ceci reste vrai de nos jours, un bon dessin vaut mieux qu'une longue description et certaines figurations médiévales d'animaux sont remarquables

L'architecte Français Villard de Honnecourt, XIII siècle, intercale entre ses croquis techniques d'admirables dessins d'invertébrés langoustes, mouches libellule et sauterelles, puis des vertébrés perroquets, autruches, lapins, moutons, chats et chiens etc

Un moine du XIV siècle Sybo de Hyères fera de remarquables miniatures présentant arachnides, crustacés, insectes, mollusques, reptiles, oiseaux et mammifères



PS: Toutes ces oeuvres d'art, souvent anonymes, sont plus intéressantes pour l'avancement de la zoologie que les vastes compilations soporifiques d'auteurs scolastiques....surtout si c'est en latin putentrailles !!!..M de V


mardi 20 juin 2023

l'Emprise de la Joyeuse Garde en l'an 1447

En cet an de grâce 1447 le Roy René d'Anjou (le Bon Roy René), redescendait sur ses Fiefs en Anjou afin d'organiser un nouveau " Pas d'Armes " dont il avait le secret. Celui ci devait surpasser en durée et en magnificence, tout ce que l'on avait pu admirer jusqu'alors !!

La situation du château d'Angers, au centre de cette capitale de l'Anjou, ne lui offrait pas, semble t'il, un local tel qu'il le désirait. le bon Roy René va choisir la ville de Saumur (la gentille et la bien assise), pour être le théâtre de cette Emprise hors normes !!

Le château de Saumur bâti sur une élévation était d'une architecture simple mais élégante, orné de tours et de tourelles avec une vue plongeante sur un paysage agréablement varié et la Loire enlaçant la cité

Ce fut dans une vaste plaine à peu de distance du château qu'il fit construire un genre de palais spacieux tout en bois, mais peint à l'intérieur comme à l'extérieur. Meublé de riches tapisseries et d'une quantité prodigieuse de coussins de velours et de soies, destinés à couvrir les estrades ou siègeraient les Dames









Au jour dit, le bon Roy René s'y rendit accompagné d'un concours infini de Princes, Hauts barons, Chevaliers, dames et Damoiselles. Pendant six semaines entières les plaisirs en tout genre vont se succéder, sans interruption, dans ce pavillon royal qu'on avait appelé " Châtel de la Joyeuse Garde

René y tint une espèce de cour plénière, inventant chaque jour de nouvelles fêtes, cavalcades, banquets et danses pour ses hôtes, ceci afin d'attendre l'arrivée complète de tous les champions conviés à participer à cette Emprise !

Ils accouraient de toute part avec en tête Poton de Xaintrailles, parmi eux on remarquait le Duc Jean V d'Alençon (surnommé le beau prince), puis Charles de Bourbon et le Comte d'Evreux Pair de France, et Charles d'Artois Comte d'Eu. Parmi les Gentilshommes qui devaient jouter dans cette emprise on distinguait entr'autres le Sire de Montmorency, mais aussi Antoine de Sancerre fils du célébre Amiral Jean V de Bueil  " le Fléau des Anglois ". Notre Antoine de Bueil-Sancerre portait sur son cimier une tête de roi à grands cheveux et grande barbe, son cri de ralliement estoit " Passavant ", et toute une foule d'autres Barons non moins recommandables par leur renommée que par leur rang !










Le jour indiqué pour l'ouverture du pas d'armes, chacun avoit assisté dévotement à la messe de l'aube, puis enfin Cors, Buccines et Clairons firent entendre de joyeuses fanfares aux Dames et Damoiselles siègeant sur leurs coussins. Onc ne vit plus nombreux cortège rangés derrière deux Estaffiers vêtus à l'orientale, tenant en laisse aux anneaux d'argent deux énormes lions bien vivants !!

Suivaient deux par deux, à cheval et richement vêtus de Damas incarnat, Fifres, Tambours et Trompettes, derrière eux estoient les Rois d'Armes en tuniques écarlate et or tenant en leurs mains les registres d'honneur ou allaient s'inscrire les faits mémorables de la joute

Puis venaient, à pas lents, quatre Juges de Camp. Ce sont eux qui se prononçaient sur le mérite des assaillants, immédiatement après on vit paraître, portant l'écu de son maître, le nain du Roy René entouré de pages et d'escuyers. Le cortège ayant passé sous les yeux de toute la cour, le nain s'assit sur un coussin, les juges de camp prirent place auprès des Hérauts d'armes. L'écu du Roy René fut suspendu à une colonne de marbre, à laquelle on attacha les deux lions et le son mélodieux des hauts-bois, des flutes et clairons retentirent de nouveau dans la plaine !









On vit alors paraître en face de la barrière des tenants, les champions qui devaient toucher " l'écu des pensées ". Puis dès que l'un d'eux eut ainsi annoncé le défi porté à l'un des défendeurs, les barrières s'ouvrent avec fracas, les chevaliers se précipitent l'un contre l'autre, les lances volent en éclats se brisant contre les boucliers polis d'ou jaillissent mille étincelles, en même temps que les chevaux bondissent se cabrent couvrant leur frein d'écume !

D'autres lances sont présentées par les poursuivants d'armes, puis d'autres assaillants volent à la rencontre des tenants, eux mêmes remplacés à leur tour, à mesure que l'un d'eux est renversé. les cri des Dames trahissent à la fois leur agitation, leurs craintes, leurs voeux, chacun enfin est absorbé par ce spectacle guerrier du plus vif intérêt !

Ensuite quand le calme et le silence se rétablissent, les noms des vainqueurs sont proclamés et enregistrés sur le livre d'honneur. Il n'en va pas de même pour les chevaliers désarmés ou renversés de leurs palefrois, ils viennent humblement présenter aux dames désignées par les heureux vainqueurs un collier, une bague, un rubis ou tout autre joyau de prix.....comme dirait l'autre " c'est l'jeu ma pôv lucette "...Pffff j'plaisante ! 


Nota : une polémique peu naître de l'original de ce manuscrit d'un auteur anonyme ???, document d'ailleurs disparu de la bibliothèque royale. Le problème viendrait qu'il cite Antoine de Bueil présent à cette emprise en 1447 il semble que le fils de Jean V soit né en 1440 ??????


PS : On compta plus de cinquante quatre diamants, trente six rubis et autres bijoux montés, qui furent déposés aux pieds des dames à l'occasion de l'Emprise de la joyeuse garde...M de V