Le pauvre Manant de Laboureur courbé sur le sol, qui a confié la semence à cette terre qui ne lui appartient pas va attendre 9 mois pour arracher à ses vastes flancs le fruit de son labeur. Il se cramponne à elle des ongles et des dents, il mourra s'il le faut en attendant la récolte la ou il a semé !!
Hélas elle lui manquait souvent cette terre que les rutilants Fer-Vêtus, les Abbés Mitrés et les Evêques avaient accaparée et sur laquelle il avait juste le droit de travailler sans jamais la posséder
Certains Manants désertaient cette terre essayant d'améliorer leur condition, passant d'une Châtellenie, d'une Province, parfois même d'un Royaume dans un autre. Notre Vilain devenait " Aubain " sans conserver dans cette fuite l'espoir d'un sort meilleur. On connait les rigueurs du droit de l'Aubainage. Le Serf entrant dans le domaine d'un nouveau Maître se faisait tondre par celui qu'il quittait pour se faire plumer par celui ou il s'installait. Il avait " Bonne Aubaine " le nouveau Seigneur, mais pour notre Manant c'était juste éviter le mal pour rencontrer le pire !
Celui qu'il venait de fuir gardait tous ses biens et tout ce qu'il allait amasser sur son nouveau lopin appartenait (sauf s'il a un enfant) à son nouveau Maître. Notre paysan n'avait comme horizon possible que le bout de son champ !!!
De plus notre Vilain devait payer le droit de "
Fors Fuyance " pour obtenir la permission de passer dans un autre domaine et il lui fallait encore payer 3 Sols de "
Bienvenue " au Seigneur du domaine qui lui donnait sa précaire hospitalité
Il était fort difficile au paysan de bouger de place tant les seigneuries émettaient de limites étroites, sans risque pour lui de devenir Aubain. Il suffisait seulement, selon l'expression de l'époque, d'aller hors Baptême, car il lui était interdit de passer d'une paroisse à une autre, sans cause légitime ou sans urgente nécessité !!!
L'aubainage était en réalité le servage dans toute sa rigueur. Il en allait de même pour les étrangers isolés et sans protection qui en étaient réduits à se faire Serfs !!, ils ne possédaient rien, ne léguaient rien, bref " moritur ut servus " mourir et servir !!!!
Si nous prenons par exemple le Juif au Moyen âge, c'est un Aubin, et selon le droit, le Roy lui succéde à cet Aubin quand il meure, mais pas seulement de ses biens, également ceux de ses enfants et descendants mêmes nés en France !!!. Il était toléré car étant le seul à pouvoir faire selon la religion de l'usure et du prêt à intérêts
Or donc Roys, Princes, Hauts Barons, Evêques et Abbés dépouillent de leurs biens les étrangers qui fuyants en vain n'ont aucun asile sur terre, l'antique hospitalité est remplacée par l'odieux Aubainage !
Puis des exactions nouvelles s'introduisent peu à peu et se glissent en tous lieux. Déjà commencent les entraves apportées aux moyens de communications, cet élément primordial à toute civilisation. Il faut payer pour circuler sur les routes, les ponts et naviguer sur les rivières et ceci devient légitime à force d'ancienneté !
Chacun veille jalousement sur ses biens, faisant profit de tout, s'entourant de barrières et d'interdits afin d'empêcher ses sujets de sortir et ceux du seigneur limitrophe d'entrer. c'est l'immobilisme complet ou même le voisin est l'ennemi. Chaque Châtellenie, Abbaye ou domaine de quelque importance devient un petit royaume !
Ce n'est que sous Louis IX (Saint Louis), que l'on va travailler à adoucir les effets de l'Aubainage. Dans les " Etablissements de Saint Louis " il est dit: tout étranger venant en la châtellenie d'un Baron, sans le reconnoître pour son seigneur, sera dans l'an et le jour exploitable à merci par le dit seigneur. S'il vient à mourir sans avoir légué quatre Deniers au Baron, tous les meubles de l'étranger lui appartiendront !. Voila un changement qui semble intéressant même si ce n'est pas l'extase !!!!
Car dès lors, ce n'est plus qu'une menace !, aux effets de laquelle le manant ou l'étranger peut se soustraire !, à la condition bien sur de s'avouer l'homme du Baron et de lui payer ses quatre Deniers !
Puis bientôt, les héritiers prirent les biens de leurs géniteurs en payant dans le jour qui suit l'inhumation quatre Deniers sur " bourse neuve ", expression voulant dire que le légue passe du père décédé à son fils. L'aubainage ainsi modifié se retrouve jusqu'à la fin du moyen âge dans la plupart des coutumes
Nota: il faut savoir que la législation qui régit les Aubins régissait également les " Bâtards ", car fort nombreux à une époque ou Prêtres, Eveques voir mêmes Abbés Mitrés, donnaient l'exemple d'un concubinage qu'ils dissimulaient à peine !!. Mais ils avaient pris leurs précautions, on trouve ici deux législations, l'une à l'usage du vil Manant de l'artisan ou du Bourgeois, puis celle à l'usage des hautes castes dirigeantes !!!
PS: Or donc, en conclusion. Pour le Seigneur ou le Souverain quelle belle Aubaine que d'avoir un Aubain sur son terrain....Bin quoi ça rime m'enfin !!...M de V
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