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vendredi 21 avril 2017
Poitiers vu par Chateaubriand suite 3/3
Le soleil qui devait éclairer un jour si funeste à notre patrie se leva, et trouva les coeurs bercés de fausses espérances (19 septembre 1356).
Les Français se rangèrent dans le même ordre que le jour précédent ; les Anglais changèrent quelque chose à leur dispositions: instruits on ne sait comment, de la manière dont ils seraient attaqués, ils placèrent au front de leur ligne un certain nombre de cavaliers pour soutenir le choc des maréchaux; ils cachèrent en outre, trois cent hommes d'armes et trois cent archers à cheval derrière une petite colline, au revers de laquelle s'étendait le corps commandé par le Dauphin et ses deux frères.
Ces six cent hommes avaient ordre, aussitôt qu'ils verraient l'action engagée de tourner le mamelon et de prendre en flanc les troupes du Dauphin.
Les Français élèvent le cri d'armes: à ce signal les deux maréchaux entrent dans le défilé à la tête de trois cent cavaliers commandés pour frayer le chemin. A peine sont ils engagés entre les deux haies qui bordent le chemin que les archers retranchés derrière, font pleuvoir sur eux une grêle de ces flèches longues, barbelées et dentelées, qui lancées à bout portant par un ennemi invisible, frappent dans l'épais du bataillon.
Les chevaux percés d'outre en outre, effrayés et rendus furieux par la douleur, hennissent et se cabrent refusent d'avancer, trébuchent et tombent sous leurs maîtres. Les derniers rangs essayent de passer sur les premiers, se renversent également, augmentant le péril et la confusion. Cependant les deux maréchaux et quelques chevaliers surmontent les obstacles et parviennent sur le front de l'armée Anglaise: la ils trouvent une autre ligne d'archers et sire James d'Audeley à la tête de ses hommes d'armes. Ils ne peuvent soutenir ce combat par trop inégal, Clermont meurt tué par Chandos et d'Audrehem se rend à d'Audeley.
Le bruit de la défaite se répand, et tous ces combattants arrêtés au milieu du défilé, entre ceux tombés devant, les hommes d'armes à pied qui les suivaient, ne pouvant ni avancer, ni reculer!! Ils restent immobiles, exposés aux flèches qui les transpercent ; des cris et des rugissements sortent de l'horrible mêlée. Ceux qui le peuvent se replient sur la bataille commandée par le Dauphin, c'est à ce moment précis que les six cent cavaliers cachés au revers de la colline viennent prendre à revers ce corps de bataille. La terreur s'empare des soudoyers, les hommes d'armes se dispersent, les seigneurs qui avaient la garde du Dauphin et de ses frères, jugent trop vite la bataille perdue, les forcent à s'éloigner, puis eux même avec Cervolles rejoignent pour se ranger auprès du Roi.
Les troupes du Dauphin s'étant débandées, celles du Duc d'Orléans prirent lâchement la fuite avec leur chef, il ne restait sur le champ de bataille que l'escadron de cavalerie Allemande et la division conduite par le roi, a laquelle se joignirent quelques chevaliers, qui n'avaient pu se résoudre à abandonner leur maître.
Le Prince Noir observant la déroute des deux premiers corps Français, ordonne à ses hommes de remonter à cheval, il crie aussitôt " bannières chevauchez avant ! " et il descend de son promontoire avec toute ses troupes. La cavalerie Allemande soutint bien le choc de la première charge, mais elle lâcha pied après avoir perdu les Comtes de Saarbruck, de Nidau et de Nassau, qui les commandaient.
Les chevaliers Français de diverses provinces, rangés avec leurs écuyers autour des bannières de leurs suzerains, combattaient tantôt par pelotons séparés, tantôt mêlés et confondus. Le prince de Galles avec Chandos attaqua la division du Connétable; et Jean III de Grailly Captal de Buch, avec les maréchaux d'Angleterre, se trouva en face du roi Jean. L'armée Anglaise toute à cheval se ruait sur l'armée Française toute à pied . Les flots des combattants étaient poussés vers Poitiers, et ce fut prés de cette ville que se fit le plus grand carnage. Les habitants craignant que les vainqueurs entrassent pêle mêle avec les vaincus refusèrent d'ouvrir les portes.
Déjà les plus braves avaient été tués; le bruit diminuait sur le champ de bataille, les rangs s'éclaircissaient à vue d'oeil, les chevaliers tombaient les uns après les autres, comme une forêt dont on coupe les grands arbres. Les cris avaient cessés, Charny, étendu au pied du roi serrait, dans ses bras roidis par la mort l'oriflamme qu'il n'avait pas abandonné. Jean tenant sa hache, défendait son fils, sa couronne et l'oriflamme, immolant quiconque osait l'approcher.
Mille ennemis essayent de saisir le roi, en disant " sire rendez vous " il se rendra à Denis de Morbec, un chevalier d'Artois qui avait fui son pays pour avoir tué un Homme, du moins le roi rendait ses armes à un Français!! Le soir dans la tente du Prince noir au banquet du vaincu, il fut traité avec générosité, des larmes s'échappèrent de ses yeux, le roi Jean put dire comme le Saint Roi: mes pleurs se sont mêlés au vin de ma coupe.
Au dessus de l'ancienne abbaye de Vouillé et du village de Beauvoir en Poitou, sur le haut d'une colline couverte de joncs marins, on croit trouver les vestiges d'un vieux camp, on remarque l'ouverture d'un puits comblé: c'est tout ce qui atteste du passage et du combat de ce roi. Le village de Maupertuis a disparu; personne dans le pays ne se souvient qu'il ait existé. Par une autre bizarrerie du sort, le lieu ou l'on voit des traces du camp Anglais s'appelle Carthage; comme si la fortune pour se jouer des hommes s'était plu à effacer un nom fameux par un nom plus fameux encore, une ruine par une ruine, une vanité par une vanité.
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