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vendredi 7 juin 2024

La Pollution au Moyen Age

La vision idéalisée de la rue que donnent des miniatures représentant une entrée d'un Roy " en sa bonne ville ", une procession de religieux pour le Saint sacrement ou des festivités ne sauraient cacher la réalité du quotidien vécue, au Moyen âge, dans les cités par ses contemporains. Dans les archives on trouve une documentation hétéroclite qui décrit souvent d'affreux cloaques, des " merderons ", remplis  " d'immondicitez ", de " marres et de bouillons " qu'empruntaient les citadins à leurs risques et périls !!!

Les enquêtes menées dans plusieurs villes à la fin du moyen âge soulignent les origines complexes de ces " infeccions ", des " immondices nuisables à corps humains ", des " eaux noires " qui souillent et saturent les chaussées, polluent l'atmosphère et le sous-sol, déteriorent la qualité de l'eau nécessaire aux usages domestiques et industriels !!

La Pollution Organique : Elle émane du principal vecteur de pollution urbaine, l'HOMME et est la plus souvent décrite . Elle résulte d'une surcharge de résidus organiques provenant des " nécessités " (le terme est médiéval) biologiques et alimentaires qui ne sont pas correctement évacuées ou auto-épurées

On " lasche ses eaues ", on défèque, ou on fait ses " aysements et souillures ", ses " vidanges " et on crache avec désinvolture n'importe ou au Moyen âge, au grand dam des passants !!!!!!









L
'individu satisfait ses besoins naturels à même le pavé, dans la rigole appelée selon les endroits " essau, essiau, gazilhans, garillans ", au pied des façades d'habitations, dans le caniveau central. Il se fait aussi dans les impasses, la cour des immeubles, à l'intérieur des bâtiments publics, des tours d'enceinte, sous les Halles, sur le parvis et sous les porches des églises

Vider des fenêtres les " pots à pisser ", les eaux sales et les détritus, laissant les passants compissés et conchiés !!. la pratique est à ce point répandue qu'à Périgeux un édit de 1342 rappelle que " pour le bon ordre de la ville on ne devait jeter par les fenêtres des eaux fétides et putréfiées qui empoisonnent l'air et les gens du voisinage "

A plusieurs reprises les autorités des cités dénoncent le sans-gêne des malotrus dans leurs ordonnances mais les mauvaises habitudes sont bien ancrées !!. Je ne voudrais pas faire de délation, mais il n'est que de regarder nos contemporains cracher, pisser, ou déposer serviettes sales et bren dans nos rues, sans compter les urines et merdes de leurs chiens !!!

Voyons par un simple jeu de calcul auquel se sont livrés des chercheurs, afin de vous donner à réfléchir, sur les rejets organiques humains d'une cité !!!








S
i un individu produit chaque jour en moyenne 140 grammes de matières fécales et 1,5 litres d'urine, une ville comme Chartres doit évacuer par an 330 tonnes de bren et 2,700 tonnes d'urine, ajoutons à ce total le pissat et crottin de cheval, les déjections des chiens et des porcs, ainsi que les détritus et chacun prendra la mesure du risque !!!!!

Jeter des détritus, des ossements, des boyaux de divers animaux, des viscères de poissons, des cendres et des eaux sales sur la chaussée, les places publiques, ou pire encore sous le porche du voisin est une habitude, une insouciance si commune dans les cités médiévales que les édits royaux, ducaux, seigneuriaux, ou même les ordonnances municipales finissent par se lasser de fustiger le populaire !!

Les pollutions animales : l'élevage vicinal de volailles, de porcs sont habituels, même si les risques épidémiques conduisent les autorités à en limiter parfois le nombre à quatre porcs par famille ( Reims 1389 ) ou délimiter des aires et des itinéraires pour le passage des troupeaux !!. La plupart du temps, les animaux de basse cour et les porcs divaguent dans l'espace resserré des ruelles au milieu des passants. Les hôtels particuliers, palais urbains, bâtiments administratifs, établissements hospitaliers et les bordels ne disposent pas toujours, de soue à cochons, d'étable ou d'écuries pour les chevaux, ânes et mulets










Les abords des auberges sont toujours souillés par la présence de chevaux et de mulets. " L'Asne royé " rue des Fuzeliers à Troyes a la triste réputation d'infecter son voisinage, il en va de même pour les bordels ou l'on se rends avec sa monture pour ne pas avoir les poulaines couvertes de bren !  

La plupart des Bouchers et des Charcutiers travaillent de toute ancienneté, en plein centre urbain, sur des étals donnant directement sur la rue, égorgent et dépècent sur le pavé innondé de sang. Que représente dans une ville de 200 000 habitants (Paris), de 40 000 comme Rouen, Toulouse et Lyon ???

Ces centaines de bêtes tuées sur place à longueur d'années, ces tripes et ventres, le sang et les peaux ainsi que les matières fécales et l'urine de ces animaux stagnant avant de rejoindre le caniveau central ! . Selon le ménagier de Paris, on aurait abattu en 1293 : 188522 moutons, 30116 boeufs, 19604 veaux et 30784 porcs !!

Ce qui est reproché au Boucher l'est aussi au Tripier, au Cergier qui font couler sur le pavé la graisse, et même au Barbier chirurgien, car le sang des saignées aboutissent inévitablement sur la chaussée. Même motif pour les Médecins qui mirent les urines et examinent le bren de leurs patients, car elles finissent dans la ruelle  !!








La Pollution Chimique
: elle existe bel et bien au Moyen âge et s'avère à la lecture de rares témoignages d'archives, plus redoutable que la pollution biologique. Le pire responsable de cette pollution est le Plomb, dont le danger fut longtemps méconnu. Elle frappe ceux qui respirent des vapeurs et des poussières de plomb

Les " Pintiers " (fabriquant de pots et de tuyaux), les Peintres utilisant une peinture blanche à base de Céruse, mais la maladie atteint aussi les utilisateurs des objets fabriqués avec ce métal toxique, sans oublier les Verriers fabriquants les vitraux des églises,et bien sur les Fossoyeurs et Vidangeurs au teint plombé victimes de leur métier

L' Argile et l'Alun qui est un sulfate d'Aluminium et de potassium utilisés par les Foulons dans leurs ateliers se trouvant parfois en amont d'un cours d'eau, infiniment dangereux pour le bien être d'une agglomération, les municipalités dénoncent fréquement ces activités qui corrompaient l'air, le sol et l'eau des rivières. Sans parler du traitement de la Laine brute contenant 30% d'impuretés qui s'échappent dans la nature, suite à l'opération du Tri et du Cardage et de l'élimination du Suint. Le lavage des draps graisseux par les Teinturiers ont aussi un fort cofficient de pollution .










La Peausserie, la Mégisserie, la Parcheminerie exigeant de l'Alun et de la Chaux pour le pelage des peaux, l'élimination des graisses , chairs et poils adhérents aux peaux des animaux. la pollution hydrique atteint des proportions redoutables chaque fois que les cours d'eau ont un débit trop lent 

L'atmosphère elle aussi est vite saturée d'odeurs repoussantes, de fumées toxiques, d'émanations d'oxyde de carbone, de particules de suie que lachent les fours, les cuves ou les fosses à fiente !!



PS : voila, je vous l'accorde, un tableau fort peu idyllique de la vie médiévale dans les bourgs et cités !!!.....mais cependant je vous engage à lire le livre de J-P Legay sur la Pollution au Moyen âge...ce que votre copiste a écrit n'est qu'une mise en bouche M de V

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