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mardi 30 août 2022

Carnaval, ou le Monde à l'Envers

Incarnation du plaisir débridé du populaire médiéval, Carnaval perpétue des rituels qui s'inscrivent dans le cycle des saisons. Héritage d'anciens cultes païens de fécondité et de purification des êtres et de la terre. Il forme avec Carême le couple indissociable au Moyen âge. La période de Carnaval débute à l'Epiphanie (janvier) et se termine au Mardi Gras, en fonction de la date mobile de Pâques du 22 mars au 25 avril, le mercredi des Cendres " premier jour de carême, pouvait osciller entre le 3 fevrier et le 10 mars, puis le Mardi Gras entre le 2 février et le 9 mars selon les années !!

Carnaval est représenté sous la forme d'un manequin grotesque appelé " Caramentran ou Carmentran ", une allusion dérivant des termes " Carême Entrant ou Carême Prenant ", formant les trois jours du Dimanche Gras, du Lundi et Mardi Gras précédents le sinistre mercredi des Cendres. Carnaval du latin médiéval " Carnelevare " qui signifie " oter ou supprimer la viande " et lié à l'idée d'abstinence préludant les rigueurs du carême !. Or donc pendant carnaval on se ventrouille en ripailles et bombances, l'on boit à Lut (bibere more graeco), c'est à dire, boire à plusieurs reprises de l'un à l'autre !!  

Bref on s'en met plein la sous ventrière avant d'avoir à se serrer la ceinture en ne bouffant que poiscailles et légumes.... mordious la galère !!!!!!!





Carnaval autorise les pires extravagances comme le lancer d'oeufs pourris !!. Le burlesque personnage de Saint Pansard, manequin affublé d'une énorme bedaine est fêté par des ripailles de saucisses et de tripes accompagnées de moult beuveries. Confiant dans la récolte à venir, l'homme médiéval festoie sans modération !!

Lors de Carnaval on abuse de certains aliments qui deviennent au fil du temps des proverbes " Quand les fêves sont en fleur, les Fols sont en vigueur ". Les aliments flatulents comme les pois et les fèves ballonnent les ventres du Bourgeois à l'artisan et du manant au paysan. Donc pendant Carnaval il y a du gaz à tous les étages de la société médiévale, provoquant le fou rire, par des pets plus ou moins tonnants par la porte de derrière !!...Y a pas à dire c'était gracieux !!!

Danses et rondes endiablées pretextes à rencontres et jeux sexuels. Les Fols ont le vent en poupe dans maintes villes, quand armés d'une vessie de porc gonflée d'air ou résonne une poignée de pois secs, qu'agitent sans cesse nos bouffons de carnaval !. durant cette période le temps et l'ordre des choses sont inversées " cul par dessus tête " !!






Le travestissement pendant Carnaval permet de jouer avec son apparence sociale et comporte des accessoires des Badges de métal, ancêtres de nos Pin's qui étaient cousus sur le vêtement (voir image à côté) avec une forte connotation sexuelle !!

Mais pas uniquement car on fêtait aussi la fertilisation de la terre et les récoltes à venir. Le défilé du Mardi Gras se fait dans un tintamarre indescriptible, de tambours et d'objets entrechoqués, et le bonhomme " Caramentran ou Carmentran " sera brûlé en place publique pendnat que citadins et manants brandissent des masques rituels censés conjurer les esprits infernaux !

Animal carnavalesque des mascarades " le personnage de " l'homme sauvage " représente le côté coquin lubrique, costume très dangereux et hautement inflammable ( voir article Charles VI le Fol )!...quand à " l'ours " il représente dans l'imagerie populaire, par sa déshibernation le présage du retour du printemps !....Quoi c'est toujours mieux que d'utiliser le gazon pour s'transformer en bonhomme de chez Cetelem hein !!!





Le divertissement rituel du Carnaval pour le rustique des campagnes reste la " Choule ou Soule " ( voir articles ), mélange de Foot de Rugby et de Hockey, ou l'on se dispute une balle en peau bourrée de foin ou d'étoupe, que l'on joue à la main, au pied ou à la crosse selon les régions !

Ces compétitions sont d'une rare violence, mais presque toujours présentes le Mardi Gras. Bon nombre de Curés de villages s'insurgent contre les conséquences de ces parties de Soule. 

Dernière fête associée au cycle de Carnaval, " le Dimanche des Brandons ", jour de grande liesse ou les jeunes parcourent la campagne en portant des torches de paille tressées en flammes !. 

En Flandres ce jour est nommé le " dimanche du Béhourdi " ou les participants s'affrontent avec de longs bâtons. Certaines corporations, comme celle des Bouchers, ont un rituel ils processionnent dans les ruelles de la cité avec le " Boeuf Viellé ", l'animal est orné de rubans avec derrière lui une suite musicale, il sera ensuite sacrifié, rôti et mangé dans la liesse le dernier jour de Carnaval !!




 


Nota : Selon J-J Escande, spécialiste de l'histoire de la ville de Sarlat, les jeux les plus prisés pour carnaval étaient, le jeu de l'écu sur lequel on tirait à l'arbalète, le jeu du gant, un jeu d'adresse qui consistait à soulever avec des bâtons un gant sur lequel était placés des sous qu'il ne fallait pas faire tomber, et la course à la bague, les participants de noblesse et de bourgeoisie étaient à cheval, équipés d'une lance essayaient d'enlever ou d'enfiler des anneaux suspendus en l'air...d'ou courir la Bague



PS: faîtes moi savoir parmi les lecteurs ceux qui n'ont pas reçus leurs oeufs pourris sur le museau !!, le nain va vous arranger cela très vite M de V

mercredi 24 août 2022

N°450) Fêtes et Jours Chômés au Moyen Age


A
fin de rompre avec la monotonie du rythme de travail quotidien et de la rigueur des normes sociales, la Fête occupait au Moyen âge de nombreux jours chômés. Si les longues journées sont consacrées au labeur de la pique du jour au coucher du soleil, l'homme médiéval n'en pratique pas moins la détente et le divertissement....et plutôt deux fois qu'une !!

Le temps passé dans les ateliers et échoppes varie en fonction des corporations de métiers, l'activité nocturne y est interdite sauf dérogation (voir article), les travaux des champs quand à eux sont dictés par les saisons et la météo !

Fêtes et loisirs sont réservés aux jours chômés pour toutes les corporations, du manoeuvrier à l'artisan, il en va de même pour le paysan ainsi que le journalier louant ses bras !. Nous parlons ici des Vilains bien sûr !!...le Gentil ou Gentilhomme de Noblesse n'est pas concerné !

Nota :Pour sûr !, pas de comparaison possible pour le noble c'est " jours chômés tout le temps " mordious !, ça se permet de s'trantoler et ripailler à longueur d'années tout en pressurant l'manant !...je sais pas vous ?..mais cela me rappelle quelqu'un..il vit à la capitale, porte des super costards et pressure, lui aussi, autant comme autant l'manant...bref rien ne change !!!!











Si les loisirs sont l'apanage de la Noblesse, les grandes fêtes lithurgiques par contre s'imposent à tous comme des " jours chômés ". Ne pas les respecter est passible de sanctions. Le repos Dominical (dimanche), est instauré dès le X siècle, comme étant un jour de relâche et de prière !

Or donc si l'interdiction de travailler était modulée en fonction de la profession, les occasions ne manquaient pas à l'artisan pour interrompre son boulot ..loin s'en faut !!. L'homme médiéval en général est un joyeux fêtard et un évenement quel qu'il fut, procurait au citadin le moyen de se divertir à la première occasion, même aux dépends du chaland de passage qui recevrait, sur la tête malencontreusement, dans sa ruelle, le contenu d'un vase de nuit !!!










D
ans le " livre des métiers ", d'Etienne Boileau, en 1268 (voir article), nous trouvons pas moins de 120 statuts de corporations à Paris. On y apprend que pour obéir aux réglements ecclésiastiques les ateliers de la cité observaient " les vigiles ", c'est à dire que la veille du Dimanche et des grandes fêtes, on s'abstenait de travailler ou on finissait plus tôt, par exemple : les charpentiers finissaient à 15 heures le samedi, mais étaient libres dès 8 heures du matin la veille des grandes fêtes comme Pentecôte, assomption etc...

Il y avait des dérogations hein !!, le Barbier (voir article) pouvait pratiquer la saignée même le dimanche ( CHU médiéval ), et le Sellier pouvait réparer le harnais d'un cheval ( Norauto médiéval )....bref les Urgences quoi !!!










L
es Boulangers ( Talmeliers ) ont une impressionnante liste de jours de repos !!, des demi journées chômées la veille du dimanche et des grandes fêtes, puis les fêtes patronales et paroissiales, mais aussi les enterrements dans leur corporation ( voir article), les baptêmes et communions. Bref toutes corporations confondues, l'homme médiéval bénéficiait d'un total en jours chômés qui oscillait entre 120 et 170 jours par an et selon les régions !

Citons un autre exemple assez particulier, la corporation des Fileurs d'Archal (de Laiton), bénéficiaient de 171 jours chômés tout compris, mais la spécificité de cette profession c'est qu'ils avaient un mois de vacances chaque année en août ???..à ma connaissance, en tant que copiste Nain, c'est la seule profession que je connaisse, à avoir un mois de vacances 

Il semble loisible de croire qu'en exigeant de célébrer autant de fêtes religieuses, nos ecclésiastiques cherchaient davantage à libérer du temps pour que ses fidèles puissent se consacrer à prier Dieu, plutôt qu'aux loisirs et distractions, sources de toutes les dépravations selon le clergé !!. Avec les jeux de Hazard (voir article), la prostitution (voir article), les lieux de plaisirs tel que les Estuves (voir article) étaient fréquentés, aussi bien par le manant, le bourgeois et le seigneur, ces établissements étaient fermés le dimanche et les jours de fêtes !!, pour éviter qu'ils ne deviennent trop fréquentés par " filles folieuses exerçant la putacerie "









S
elon Etienne de Fougères dans son " livre de manières ", qui nous brosse un portrait laborieux du Paysan (voir article), qui " moult à peine au meilleur jour de la semaine ", entre semailles, fauchage, récolte et tonte des brebis, sans oublier les corvées (voir article). Qui au moment des plus fortes chaleurs du jour chôme !

C'est à dire qu'il se prend un temps de repos, ce terme vient du latin " calamare : rester sous le chaume " d'ou dérive le sens de cessation de travail qu'on lui donne !. Pour le paysan aussi le dimanche, les fêtes religieuses et la morte saison procurent du répis

Les villageois, du rustique grattant la glèbe, au boutiquier du hameau, en passant par le tavernier et le maréchal ferrant pratiquent l'art du combat au bâton (voir article), mais surtout ils affectionnent la Soule (voir article), compétition violente ou l'on se dispute une grosse balle de foin ou de paille recouverte d'une peau !

Le plus souvent pour que le match soit plus " festif ", les deux équipes sont de deux hameaux différents !!...on a toujours quelque chose, ou un compte à régler avec le village d'à côté c'est bien connu !!, et moult curés de paroisses de l'époque se plaignent des débordements et des blessures dues aux parties de Soule !








Les fêtes épiscopales fixées par la lithurgie de nos bons curés, apportaient aux paysans et journaliers, bon an mal an, entre 50 et 80 jours chômés selon les régions. Ils étaient plus mal servis que les citadins !, vous me direz qu'ils avaient l'hiver !. Cette croyance que l'hiver notre paysan ne fait rien est encore dans nos mérangeoises à notre époque contemporaine !....rien de plus faux ! le paysan l'hiver pratique le boisillage pour alimenter sa cheminée, puis il fait mille et un petit métiers à facons dont il revend le produit, lui permettant de mettre un peu de lard dans la soupe journalière, outillage, poterie, vannerie, petit travail du cuir etc !!!

Loin de ces préocupations bassement matérialistes les nobles eux ne comptent point leurs temps de loisirs s'adonnant à tous les plaisirs qui se rapportent aux lectures de romans de la société courtoise et de l'amour courtois (voir article) ces codex contiennent de nombreuses descriptions de fêtes, de tournois et de joutes auxquelles ils se conforment en tout point !

Au XIII siècle le Trouvère (Nord de la France), Jean Renart relate dans son " Galeran " l'éducation d'un jeune de haut lignage, les armes (voir article), la chasse et l'oisellerie (voir article), et l'art des Echecs (voir article). Mais aussi la musique, notre jouvenceau doit marquer son rang par sa connaissance des subtiles inventions des Troubadours (Sud de la France), ainsi que les prouesses des jongleurs et menestrels (voir article







PS: dans le prochain article nous parlerons des Carnavals au moyen âge c'était pas triste !!!  M de V

dimanche 7 août 2022

Le meurtre du Légat Pierre de Castelnau !


L
e 10 mars 1208, Innocent III, Pape de la Chrétienté, fulmine un appel aux armes et prêche à des peuples chrétiens une croisade contre un Pays chrétien !!!. Cette croisade est justifiée par l'assassinat de cet atrabilaire Légat du Pape, Pierre de Castelnau, qui se fait trucider à coups d'épieu, par un écuyer de Raymond VI Comte de Toulouse, ce qui semblerait logique vu que le personnage, de l'avis des gens de Langue d'Oc, était un vindicatif !!!

Or donc, Haro !!! sur les hérétiques qui peuplent ce pays, ils sont pires que les Sarrasins dira le Pape !!!. L'ennemi à combattre est Raymond VI, Comte de Toulouse, il est cousin du Roy de France, Beau-frére du Roy d'Albion et du Roy d'Aragon et lié par l'hommage lige à ces trois Monarques et à l'Empereur d'Allemagne !!!

Bref ce petit meurtre d'un ecclésiastique dérangeant, qui pour un moment !, pour un moment seulement !, soulageait les oreilles des Cathares, allait déboucher sur une grande tuerie, ou chacun des croisés aurait une vision et un but bien personnel de l'héradication de l'hérésie Cathare !!!









Raymond VI
est un Suzerain Féodal dont l'autorité s'étend sur l'Agenais, le Quercy, le Rouergue, l'Albigeois, le Comminges, le Carcassés et le Comté de Foix, voila un grand Prince de la chrétienté Occidentale et premier Seigneur de toutes les terres de Langue d'Oc 

Nous sommes à une époque ou la Noblesse détient le pouvoir, des Roys, Princes, Ducs et Hauts Barons, aux simples Hoberaux propriétaires fonciers ils sont tous militaires par définition et ne manquent jamais une occasion d'envahir les terres de leurs voisins !!

Le meurtre du Légat en janvier 1208 provoque donc l'anathème, jeté par Rome sur la terre Occitane, à peine deux mois après !!!. Cela coupe en deux la chrétienté catholique, la sanctification d'une guerre faîte à un autre peuple chrétien détruira à jamais l'autorité morale de l'église !

Ce que Innocent III pensait être une opération de police commandée par les circonstances, allait se transformer, par les événements, en un système d'oppression méthodique !!!









Rome allait devenir pour des millions de chrétiens un objet de haine et de mépris. Cependant selon les conventions de l'époque le meurtre d'un Légat, ambassadeur plénipotentiaire du Pape était " Crime Capital " justifiant une déclaration de guerre.

Mais l'église n'avait pas d'armée, elle n'était pas un pouvoir temporel, elle ne pouvait répondre à ce meurtre que par des châtiments d'ordre spirituel, c'est à dire l'Excommunication et l'Interdit. Seulement voila, Innocent III quand il excommunie le Comte de Toulouse, sait très bien qu'il est vain, pour lui, de frapper d'interdit ses terres peuplées de gens ouvertement détachés de l'église de Rome, cela le rend vénère le pépère !!

Le crime de Raymond VI était de gouverner un pays ou le pouvoir de l'église était mis à mal et de n'avoir rien fait pour remédier à cet état de faîts. Donc le but avoué de cette croisade était la destitution du Comte de Toulouse et le sauvetage d'une église en péril d'hérésie dans le midi de la France !









Si la mort de Pierre de Castelnau fut la goutte qui fit déborder la coupe du Pape il n'en demeure pas moins qu'Innocent III, sournoisement, songeait depuis longtemps à une croisade contre un pays infecté d'hérésie, il n'attendait qu'un fait concret pour justifier sa croisade et ce déplaisant Pierre de Castelnau, par sa mort, allait lui servir sur un plateau

Comme signalé plus haut la Papauté n'as pas d'armée, mais qu'à cela ne tienne une croisade est une armée de volontaires auxquels on pardonne tout !. Le Pape se lance alors dans une vaste campagne de propagande en faveur de sa guerre...et ils allaient venir nombreux de toute l'europe médiévale les volontaires !

Il est loisible de croire qu'un fort pourcentage de ces croisés, tant parmi les chevaliers, Bourgeois et manants était composé de pécheurs avides d'accéder au pardon Papale, des gens de sac et de corde mis au Ban de la société, des citadins perclus de dettes désirant échapper à leurs créanciers, puis bandits, voleurs et mendiants fuyant la loi...tout serait pardonné !!!!. Mais aussi des personnes ayant fait voeu de se croiser, pour la terre sainte, qui se trouvaient heureux d'échapper à cette obligation en participant à une croisade moins longue et moins pénible...tout le monde y trouvait son compte morbleu !!!








Bref une belle bande de Pendards, Rufians et malfaisants de tout poil venant des quatre coins de l'europe médiévale. Il nous faut cependant noter que le sens du Sacré imprégnait la vie sociale et privée au Moyen âge, allant jusqu'au symbolisme pris à la lettre !!

En examinant l'histoire de la guerre contre les Albigeois il faut prendre en compte, qu'outre les mobiles politiques, il y en eut d'autres sentimentaux et passionnels, sans lesquels cette guerre, particulièrement cruelle n'eût peut être pas pu avoir lieu ????....je vous laisse à vos convictions sur ce domaine !




PS: Mais voila néanmoins, un coup d'épieu donné dans la paillasse d'un Légat, par un écuyer, qui se trouve être vraiment malencontreux pour Raymond VI, et qui allait coûter fort cher au pays de Langue d'Oc, d'autant qu'il est plus que probable que cet écuyer n'agissait pas sur ordre du Comte de Toulouse !... et voila l'arrivée des quatre de l'Apocalypse !!!!....M de V     

mardi 26 juillet 2022

Les Métiers au Moyen âge, ou la Réalité des Faits !

Lors de la rédaction de mon précédent article sur la cité de Bergues Saint Winoc, j'ai senti le besoin de me plonger à nouveau dans ma Doc, sur les métiers et leur organisation. Fort de ce supplément d'infos il me semblait nécessaire d'argumenter l'évolution des métiers au Bas Moyen âge, particulièrement dans les XIV et XV siècles !

La ville était un lieu d'échanges, un refuge aussi, mais avant tout c'était un lieu de production. Or donc occupons nous de l'organisation sociale de cette production, avec ses métiers, corporations et guildes, ainsi que des trois niveaux composant le personnel de l'atelier, c'est à dire l'Apprenti, le Valet (ouvrier qualifié, voir compagnon), et le Maître !

Ce système devait en théorie faire règner l'harmonie, garantissant la qualité de la production par un long apprentissage et l'obligation pour l'ouvrier qualifié ou le compagnon de réaliser un Chef d'oeuvre, réservant par ce moyen, l'accés de la Maîtrise aux meilleurs

Cela devait également supprimer la concurrence par une réglementation stricte des prix de vente et des salaires, puis éviter les conflits entre les personnes au sein d'un atelier !







Dans le principe tout Apprenti était destiné à devenir Valet (ouvrier), puis de Valet, par son travail et son chef d'oeuvre devenir Maître !. Les relations entre Maîtres et employés étaient des rapports de dépendance personnelle, qui devait dans le principe renforcer la cohésion et l'homogénéité de l'atelier, celui ci au sein d'un groupe d'artisans du même métier formant une corporation ou une guilde !

La réalité est tout autre au Bas Moyen âge !! et il est nécessaire de revoir à la baisse ce tableau idyllique morbleu !. Certes le salariat reste, mais c'est plutôt comme dit B-Geremek, une forme de location de sa propre personne, que la vente de sa force de travail, car dès le XIV siècle le système ne fonctionne plus !

La maîtrise se ferme, peu de Valets (ouvriers), disposent du temps nécessaire à la confection du fameux chef d'oeuvre pour accéder à la Maîtrise !. De plus les Guildes, dirigées par des Maîtres, exigent qu'il soit confectionné dans des matériaux coûteux !. En outre l'impétrant ayant dépensé force clicailles à la réalisation de son oeuvre, devait encore après sa réussite offrir un banquet aux autorités en charge de la guilde !








Il fallait donc être riche pour supporter ces dépenses importantes. Or donc à partir de ce moment, bien souvent seuls les fils de Maîtres pouvaient devenir maîtres eux mêmes !, puisqu'ils avaient à disposition, pour y puiser, la bourse ou l'escarcelle d'un père maître de boutique !

Sournois procédé direz vous !!!...il faut voir ???. L'hérédité de l'atelier était une réponse normale à la précarité et à l'insécurité de l'époque. Ne jettons pas la pierre et ne jugeons pas plus nos ancêtres, alors même que nous amplifions à l'envie les erreurs d'une période  que nous ne faisons qu'effleurer !

Dans ces conditions le Valet n'accéde plus à la maîtrise et de transitoire sa situation devient permanente pour devenir une main d'oeuvre salariée !. On peut y ajouter des Maîtres devenus trop pauvres en sortant de maîtrise et qui ne pouvant ouvrir un atelier sont contraints de travailler comme ouvrier chez d'autres Maîtres du métier !

De ce fait pour les Apprentis le temps d'apprentissage s'est démesurément allongé, Apprentis et Valets se trouvent donc bloqués, sans possibilité de progression au niveau de l'atelier de la boutique !








Les ouvriers vont former des alliances, comme en Flandre (Takehans), puis se mettent en grève, ou en " Trics " comme on dit à Paris. Ces conflits n'auront pas la gravité qu'ils prendront à la Renaissance, car dans l'ensemble la conjoncture reste favorable aux salariés et le niveau des salaires reste en hausse tout au long de cette période !

Cependant au XV siècle l'étude de la société Urbaine révèle une série d'antagonismes et celui qui oppose Maîtres et Valets n'est pas le seul !. Il y a désormais une division du travail de plus en plus marquée dans les métiers !

Prenons un exemple : le métier de Forgeron s'est scindé, en 1437 à Munich, en trois spécialités formant trois autres métiers, le Maréchal Ferrant, les fabricants de Faux et outils du même genre, et les armuriers. Des rivalités se développent entre métiers participant à une même production, dans le cas cité en exemple la forge des métaux. Mais ils en va de même pour le Drap avec les Tsserands en Flandre, ou ailleurs en Europe, les charpentiers et les couvreurs, le travail du cuir, ou les barbiers et les barbiers chirurgiens, les fabricants de chapeaux, bref à peu près toutes les corporations sont touchées








Ces productions divisées comme le sont celles de la Draperie, par exemple, avec ses tisserands, ses fileurs de laine, ses foulons et ses teinturiers sur laines, fils et soie, sont en fait contrôlés par de riches marchands entrepreneurs. L'enjeu de ce contrôle est le gouvernement de la ville, y accéder permet de protéger la production locale et de se débarrasser de concurrents dangereux !

Les villes luttent entre elles, et bien plus férocement dans les pays possédants des cités états, comme en Flandre, ou dans les cités états d'Allemagne et d'Italie !!. Rassurez vous, même si nous avons des Roys, en France et en Angleterre nous ne sommes pas en reste dans ce domaine!, et les grandes cités feront tout pour réduire également la production de l'industrie rurale de proximité



PS: article écrit après lecture du livre " Le Moyen âge en Occident " de Messieurs M-Balard, JP-Genet et M-Roche...ce livre me fut offert par " Mots d'Hyppo " mon bouquiniste, restaurateur et relieur de livres anciens ...M de V

vendredi 22 juillet 2022

Il était une Fois Bergues Saint Winoc

Petite ville du Nord de la France qui a appartenu pendant 522 ans aux Comtes de Flandres, 93 ans aux Ducs de Bourgogne, 79 ans à la Maison d'Autriche et 111 ans aux Espagnols avant de devenir Française en 1668 

Vous allez me dire " jamais entendu parlé " ...et pourtant cette cité a son titre de gloire à notre époque contemporaine, en ce XXI siècle !, celui d'avoir accueilli le tournage de " bienvenue chez les Ch'tis "

Cependant elle fut bien autre chose pendant la période médiévale, c'était une petite cité de l'industrie Drapière qui voulait et devait, pour exister, vivre de l'exportation. Malgré ses échecs chroniques son industrie fut exclusivement urbaine puisqu'elle ne fonctionna que grâce à l'aide des Magistrats Municipaux

La Draperie était au moyen âge comme un produit naturel du sol Flamand (voir article). En même temps que cette industrie donnait aux grandes métropoles la fortune et la gloire, ce métier s'était développé plus modestement dans la Westflandre. Cependant la campagne était saturée de Tisserands et les petites cités y affirmaient leurs prérogatives industrielles Bergues, Furnes, Cassel, Bourbourg, Nieuport etc..!  

Le plus souvent grâce à la laine Anglaise, Albion étant le plus gros producteur de laines ( voir article)







La tradition attribue des Tisserands à Bergues dès le XI siècle, et dès le XIII siècle, un marché de la laine s'y tenait, à cette époque les Bourgeois de Bergue appartenaient à la Hanse de Londres et vendaient déjà des draps locaux. Toutefois l'industrie, avec un grand "I "n'y apparaît en pleine lumière qu'au début du XIV siècle

En 1310 on distingue à Bergues, parmi les Drapiers, deux catégories, ceux qui font de la grande draperie travaillant la laine Anglaise et fabricant du drap de grandes dimensions, pendant que les seconds produisaient de la draperie dîte " sèche ", et en particulier la " Sayetterie ", destinée à prendre plus tard à Bergues une place importante dans le commerce de la cité

La Sayetterie en tant qu'industrie se développe au XV siècle. C'est une nouvelle sorte de Draperie composite, d'étoffes légères, ou l'on utilise de la Laine d'Espagne, avec addition d'un fil de soie à chaque brin de laine. les " Sayteurs " étaient des Tisserands qui travaillaient sur des métiers à tisser nommés " Estilles "

A cette époque on considérait, bien sûr, qu'il fallait travailler avec le matériau le plus noble, c'est à dire la Laine Anglaise, les règles étaient fort strictes en matière de traitement et de travail de la laine !








La vente des tissus a lieu à la Halle aux Toiles, et au Marché, ce dernier est réservé au trafic des étoffes fabriquées dans la Châtellenie, la vente en gros se passe à la Halle aux toiles une fois par semaine. Cependant les détaillants Berguois, à l'inverse des gens qui venaient vendre dans la cité, n'étaient pas astreints à la vente au marché ils vendaient ou et quand il le désirait

Dès le X et XI siècles la cité a eu un atelier Monétaire. Au XIII siècle des marchands de Bergues ont à la mer des chargements venant de la Rochelle, Saint Jean d'Angely et Saintes. A la même époque ils fréquentent, comme ceux de Furnes, les Foires de Messines









Très tôt des villes comme Bergues et Furnes auront des activités financières nécessitants des emprunts sur des places plus importantes comme Arras au XIII siècle, mais bientôt des Lombards ( voir article), se font autoriser par les Princes à s'établir dans leurs murs, du XIV au XVI siècles nos Lombards ou Piemontoys tiennent des tables de change qui révéle un mouvement commercial important

Bergues en particulier aura été au Moyen âge un lieu de passage très fréquenté des marchands d'Artois et du Vermandois, ils y passaient pour se rendre à Dunkerque et sans doute prendre passage sur des navires pour Londres. Cette petite cité que certains de nos contemporains nomme " la Bruges du Nord " garde un marché dont l'importance régionale perdurera pendant des siècles !

Du XI au XIII siècles plusieurs incendies range la cité dans la catégorie des villes importantes à qui sont attribuées couramment de semblables malheurs. Elle sera citée à chaque instant lors du conflit entre Gui de Dampierre et Philippe IV le Bel, elle sera aussi au fil des siècles attaquée et pillée, aussi bien par les Français, les Anglais ou les hommes d'armes Gantois. De ce fait à la fin du XIV siècle la cité est complètement ruinée !!!!









Au XV siècle on relève ses remparts, elle reste une ville forte, mais les Ducs de Bourgogne réunissent désormais sous leur gouvernement tous les Pays Bas. Le Westland n'est plus que le Canton écarté d'un grand pays et Bergues n'a plus qu'une importance limitée !

Nota I: En Albion l'activité commerciale était intense, même si le commerce des produits de luxe restait aux mains des Hanséates et des Italiens, les Anglais étaient actifs dans d'autres domaines, celui du Sel, celui du Vin car ce sont eux qui assurent le commerce des vins de Bordeaux. Mais plus particulièrement c'est le textile leur grande affaire !, la laine brute, les membres de la " Fellowship of the Staple of Calais " ont le monopole de l'exportation et transportent la laine à Calais d'ou elle est redistribuée vers la Flandre

Nota II: Thomas Diaconus, moine de l'Abbaye de St Winoc, à laissé une description des événement désastreux, qui ruinèrent la cité de Bergues en 1388, le malheureux moine échappe à l'incendie et au sac de son cloître, mais mêlé et confondu avec les prisonniers il partage les mauvais traitements qu'on leur fit subir. De retour à Bergues il ajoute au récit de ses déboires, celui de deux autres sacs et incendies que Normands et Bourguignons firent subir à cette cité à des époques antérieures  

PS: l'article est tiré, pour une part, des recherches du Docteur ès lettres E Coornaert..( sauf pour les tribulations de Dany Boon din ch'Nord, ainsi que les différentes notes des chroniqueurs de la Flandre )   M de V

dimanche 17 juillet 2022

la Cité de Londres au XIV siècle

Nous devons à Chaucer ( article 57 ), un tableau  détaillé de Londres à la fin du XIV siècle. les maisons tantôt de pierres, tantôt de bois, souvent peintes de couleurs voyantes, s'élevaient sur deux ou trois étages. Les rues et ruelles étaient toujours aussi étroites et mal alignées que dans les siècles précédents, mais elles étaient maintenant pavées 

Ces rues auraient été propres si les Londoniens, malgré les efforts des autorités ne s'étaient obstinés à y jeter leurs ordures !!!. Ces citadins,comme nos parisiens, étaient réfractaires à toutes ordonnances qui pouvaient les déranger, ne leurs jetons pas la pierre car nous ne faisons guère mieux à notre époque !!!

Le centre de la vie était Cheapside, alors appelé " Cheap " ou se trouvait un marché permanent, fournissant le ravitaillement nécessaire aux Londoniens ( environ 80 000 personnes ). Les marchands y avaient des stands fixes groupés selon la catégorie de marchandise proposée, d'ou de nos jours encore, les ruelles portent le nom Wood street, Milk Street, Honey Lane, Bread Street, quand au Blé il était vendu à Cornhill

Nota: pour les personnes passionnées je conseille la série policière de " Frère Athelstan " écrite par l'historien Anglais Paul Doherthy, très documentéé ( vingt volumes ), grande classe !!










D
ans le secteur de Smithfield se trouvait le marché aux bestiaux. Londres était ravitaillé en " eau potable ", par plusieurs réservoirs et châteaux d'eau, le plus important était le grand conduit à l'extrémité de Cheapside. Quand aux porteurs d'eau qui ravitaillaient les foyers des londoniens en " eau courante  ", ils s'approvisionnaient généralement à la Tamise, il va s'en dire que cette eau n'était pas buvable, toutes les déjections de la ville allant à la Tamise !!

Les bords de la Tamise à Londres étaient particulièrement dangereux à cause de la marée et d'un très fort courant, cependant sur les rives se multipliaient quais et débarcadères. Dongate Wharf réservé aux grosses Cogghes et navires de type Roundship des marchands sidérurgistes, puis Three Cranes Wharf pour le vin et Greenhithe pour le poisson !

La Tamise bien que dangereuse servait aussi aux laveurs et blanchisseurs pour lesquels une jetée spéciale avait été construite, Lavenders Bridge. Des passeurs avec leurs barques faisaient traverser les citadins, et il lui fallait avoir le coeur bien accroché, à notre citadin, pour qu'il ne ferme pas les yeux en passant entre les piles des arches du pont de Londres ! le courant y était si fort que cela faisait un bruit infernal sous le pont !










Londres
était le poumon d'Albion, on y trouvait le rassemblement de toutes les corporations ou Guildes. la plus ancienne étant celle des Tisserands dont la Charte remonte à 1164. A la fin du XIII siècle il en existait quatre vingt onze !!, possédant chacune ses privilèges et immunités établis en Chartes spéciales

Chacune avait un grand Maître, et aussi un saint patron, dont la fête annuelle servait ( comme en France ) de pretexte à de bruyantes réjouissances. Les Guildes possédaient une cour de justice pour régler les différents entre membres. Parmi les plus puissantes citons les Merciers, les Epiciers, les Drapiers, les Poissonniers et les Tanneurs. Pour les Orfèvres ils tenaient boutique dans le voisinage de Sheapside et deviendront au fil du temps les Banquiers des Citadins, mais sans commune mesure avec les Compagnies financières Italiennes ( lombards voir article 445 ),comme les Bardi, ou encore les Juifs !

Dans le domaine du commerce la repression était sévère pour tout fraudeur, tout cabaretier surpris à servir du vin frelaté ou de la bière coupée était condamné à la boire en place publique, le Boucher vendant de la viande avariée subissait le pilori et l'on brûlait sous son nez sa viande pourrie !








Il en allait de même pour le boulanger trafiquant le poids du pain ou le poissonnier qui rougissait avec du sang les ouies de ses poissons pour les faire paraîtres plus frais. En 1319 les corporations obtinrent une nouvelle charte, qui stipulait que " nul ne serait considéré  citoyen de Londres et ne pourrait y travailler, s'il n'avait la garantie de six honnêtes Bourgeois maîtres dans le métier qu'il désirait exercer "

Si Chaucer dans son oeuvre nous parle des Pèlerins c'est qu'ils étaient moult nombreux sur les chemins, partants ou se rendant à Londres ( voir article 66 ), on y croisait marchands itinérants, artisans, Troubadours et Menestrels et bien sûr bandits de grands chemins ( voir articles 58, 59, 60, 61, 62, puis 64 et 65 ). Il nous reste un cas particulier de personnage itinérant à considérer " l'Estudiant "








Il naviguait de cités en cités pour ses études, qu'il soit d'Albion, de France, des états d'Allemagne ou d'Italie ! les estudiants n'avaient pas de frontières !. Prenons comme exemple le domaine des gens de Loi et nos estudiants en Droit. A l'usage de ces derniers existaient deux sortes d'écoles à Londres " les Inns of Chancery " ou ils commençaient leurs études, pour les terminer dans " les Inns of Court ", pour ceux qui désiraient embrasser la profession de Juge ou d'Avocat

Seuls les gens de familles aisées pouvaient fréquenter ou intégrer " les Inns of Court ", car outre des droits d'inscription élevés les estudiants étaient tenus d'entretenir un domestique !

Il faut bien avouer, que comme en France, entre Bourgeois et estudiants les relations étaient déplorables !! car nos escoliers estoient turbulents, buveurs et ripailleurs, faisant tourner chèvre tout citadin par les coups pendables qu'ils faisaient lors de leurs sorties !!!. les rixes étaient fort nombreuses et le Lord Maire s'arrachait les cheveux !






PS: Les articles de mon Blog sont numérotés de 5 en 5 et d'année en année. pour vous orienter suivez la chronologie en bas du cartouche qui se trouve à droite de l'article ..Bonne lecture les gens M de V

mercredi 13 juillet 2022

N°445) Florence et la Famille Bardi

De toutes les cités Italiennes c'est sans doute Florence qui présente durant la période de civilisation commerciale du Moyen âge, le type le plus achevé de Place Commerciale !

Alors que Gênes et Venise restent fidèles au grand commerce maritime, qui a fait leur fortune dès le début de l'époque féodale, Florence, elle, est commerçante au sens le plus moderne du terme. Elle est la seule à fournir l'exemple de " Sociétés Commerciales " à proprement parler !

Car les contrats que lient divers associés dans les villes d'Europe comme Bruges, Gand en Flandres, Gênes ou Pise en Italie, ou des villes de la Hanse Teutonique, sont des contrats par lesquels, quelques associés, fort peu nombreux, mettent en commun un capital et un travail pour les faire fructifier dans une place commerciale !

Mais dans un cas comme dans l'autre, on s'engage, dans ces cités européennes, pour un nombre restreint d'opérations, et le nombre d'associés ne dépasse guère trois ou quatre commerçants et artisans





A Florence, au contraire, nous trouvons de véritables firmes commerciales agissant en leur nom personnel, comme " les Bardi " réalisant à elles seules des affaires de vaste envergure. On y voit de puissants groupes de famille. Chaque famille constitue une firme capable d'agir au loin et de se prolonger dans le temps. En 1318, la famille Bardi réalise un chiffre d'affaire évalué à 3 tonnes d'Or !!!

Entre 1250 et 1345, la famille Bardi de Florence a constitué une compagnie bancaire et commerciale avec des comptoirs dans toute l'europe ainsi qu'au Levant et en Afrique du Nord, ce sont eux qui financeront les Roys de France et d'Angleterre !

Les sociétés florentines sont à base familiale, leur raison sociale est donc la famille dont elles portent le nom, environ une vingtaine de compagnies à Florence, les Peruzzi, les Acciainoli, les Bonaccorsi, les Alberti, les Bardi etc.....!. Si bien que l'on a le spectacle d'un vaste réseau de gens presque toujours unis par le sang, dans l'industrie, le commerce de distribution et la banque !








L
es Bardi ont 16 succursales à l'étranger, à cette époque on avait l'habitude d'employer le terme de " Lombard " pour désigner tout commerçant ou personne venant d'Italie, le terme était bien souvent utilisé dans le sens péjoratif, bien que les puissants ne puissent se passer d'eux !!. Or donc les Bardi en dehors de leur ville étaient des Lombards...soulignons qu'à cette époque l'Italie n'existait pas !!!!

Les personnes qui dirigeaient leurs succursales étaient en général associés aux bénéfices et bien souvent membres de la famille Bardi, mais à côté d'eux s'agitait et travaillait tout un personnel de " Facteurs ", de courriers, qui étaient, eux, de simples employés. Ce sont des spécialistes en confection, teinture, drap, fourrures etc...puis des Notaires, des caissiers ou comptables !

La seule compagnie Bardi, entre 1318 et 1345, compte un personnel d'au moins trois cent soixante dix huit employés d'après les sources existantes. En dehors des cadres réguliers des maisons de commerce de la famille Bardi, il faut mentionner le rôle joué par " les Hôtes ", ce sont des personnages qui appartenaient, de préférence, à la même nationalité que la compagnie commerçante, et qui dans la ville ou se situe le comptoir ont la charge de recevoir " Facteurs " ou associés de passage !.







Ils étaient également appelés à surveiller les transports de marchandises passant par leur ville, ainsi que louer chariots et bâteaux de transport si nécessaire 

On trouve à la fin du XIV siècle dans ces compagnies commerciales florentines, un type d'homme d'affaires qui dépasse de la tête et des épaules les autres commerçants, les reléguant à l'état de boutiquier !. Prenons en exemple un certain Balduccio Pegolotti, lui même facteur de la compagnie Bardi, qui écrira un ouvrage entre 1335 et 1340 " patrica della mercatura ", destiné à l'usage des facteurs d'autres compagnies

PS: Les Bardi touchaient à tous les domaines du commerce, en plus de la Banque, ils commerçaient les Soieries de Perse et de Chine, les Perles, l'Or, le Drap, les Epices, l'Huile et le Vin, puis ils pratiquaient le commerce des métaux, Cuivre de Pologne, Etain de Cornouailles, sans oublier bien sûr le commerce des Armes et Armures !. Mais surtout ils achetaient du drap grossier de Flandres et d'Albion, et après diverses opérations de foulage et teinture en faisaient un nouveau produit très apprécié en Orient et en Occident. Les florentins possédaient surtout le secret des teintures fines, le Rouge en particulier !!! ...Article écrit après lecture du livre de Régine Pernoud " les villes Marchandes "....M de V

lundi 11 juillet 2022

Travailleurs Immigrés en Italie XIV et XV siècles

La population dans la péninsule Balkanique et ses comptoirs est en évidente décroissance démographique à cause des crises et épidémies du XIV siècle ( guerres, pestes, famines etc..)

Les états Italiens, la République de Venise, la Principauté des Malatesta (famille noble régnant sur Rimini et une partie de la Romagne), ainsi que les Communes indépendantes comme Ancône, ont su utiliser l'afflux potentiel de travailleurs peu exigeants pour reconstruire une société et une économie perturbées au bas Moyen âge

Peut on dire pour autant que l'arrivée de ces travailleurs immigrés fut favorisée par ces états d'Italie du Nord Est, afin de tempérer les prétentions d'une main d'oeuvre locale, devenue plus rare, et par conséquent moins docile ???..je ne pense pas !

Il faut s'appuyer sur des sources citadines, car on est rarement en mesure d'apprécier les changements dans les campagnes des XIV et XV siècles. Penchons nous sur Venise ou le dépouillement des archives notariales dites " de terre ferme " a été entrepris, alors que les " Minutiers " de Romagne et des Marches viennent de régions sans aucune grande Métropole !









O
n trouve cependant un fait commun à Venise et aux Provinces de ce secteur géographique, une crise démographique en constante aggravation au XIV siècle. Pour la Sérénissime les manifestations en sont bien connues, dès l'aube de ce siècle il devient difficile pour eux de rassembler des équipages suffisants pour leurs navires...et sans bâtiments à la mer...plus de commerce !!!

D'autant que les progrès en matière de technique navale font diminuer la demande en marins spécialisés, tout en exigeant des " Chiourmes " de rameurs de plus en plus nombreuses !. Nous ne parlerons pas d'esclaves dans ce domaine, car la quantité est dérisoire par rapport aux travailleurs immigrés  !

Leurs Galères, selon l'époque et leur emploi, faisaient de 20 à 40 mètres de long, de 4 à 6 mètres de large et possédaient de 10 à 25 rangs de nage sur chaque bord, avec de 2 à 6 rameurs par banc de nage, selon la taille du vaisseau...ce qui faisait pour les plus grosses 300 rameurs au bas mot mordious !!!!!

C'est pas pour dire, ni pour faire ma mijaurée, mais cela devait pas sentir la rose sous le pont principal de la galère vénitienne hein !!!!!








L
a désafection des " Vénitiens naturels " pour les métiers de la mer va de pair avec la rigueur de la politique du Patriciat, qui, après avoir réduit la ration alimentaire des gens de mer, n'hésite pas en 1312, à restreindre le privilège permettant à des débiteurs d'échapper à leurs créanciers en s'engageant dans la marine !. Ce qui donne une triste image du niveau de vie des rameurs Vénitiens !

Soulignons que si le Patriciat se permet une politique aussi rigoureuse c'est que la domination de Venise sur l'Adriatique et la Dalmatie attire vers leurs lagunes un nombre croissant d'étrangers peu qualifiés, qui viennent completer les Chiourmes de leurs navires, surtout après la grande peste ou les rangs de nage de la marine sont fort éclaircis !!

Le flux d'étrangers ne suffit d'ailleurs pas à combler les vides d'une marine qui manque de main d'oeuvre de manière endémique au tournant des XIV et XV siècles. En 1375 le Sénat va même préconiser la construction de navires plus petits (moins de cent tonnes), afin de s'adapter aux difficultés croissantes de rassembler des équipages de rameurs pour leur flotte, mais qui fournissait aussi un autre avantage, celui de posséder des embarcations ayant une plus grande maniabilité ! 








L
es problèmes de la marine Vénitienne rendent bien compte d'une situation sociale très paradoxale. C'est l'abstention préalable du " Prolétariat " Vénitien, qui explique le recours à l'immigration et non l'inverse !!. De sorte que l'utilisation accrue d'étrangers dans la marine, ne peut être interprétée comme la volonte du Patriciat qui viserait à  casser les salaires du prolétariat Vénitien !

Sans nul doute ce prolétariat vénitien préférait d'autres activités, artisanat et commerce par exemple, activités moins pénibles et contraignantes !. D'ailleurs sur mer ce sont les Galées de guerre que fuit le peuple, car il ne semble jamais y avoir défaut de rameurs sur les navires désarmés du commerce...pas fou le vénitien de base !!!!

A venise comme dans les Marches tous les immigrés ne deviennent pas rameurs sur des navires, ils sont aussi domestiques, paysans, mercenaires, marins spécialisés, ou accomplissent des tâches occasionnelles auxquelles les citoyens originels de Venise répugnent

Bin quoi !!!...ne leur jetons pas la pierre hein !!!...c'est encore comme ça chez nous...faut pas être hypocrite m'enfin !!!!





Nota: le Patron d'une Galère (ou Galée), son Armateur et ses Actionnaires passifs, qui pouvaient être d'autres patrons de galères partis en voyage, partagent les risques en prenant une participation aux coûts d'une expédition, sous forme de " Carats ", qui leur donnent droit à une partie de la cargaison au retour de la galère. Cette part est proportionnelle au nombre de Carats qu'ils ont payés, la durée de l'investissement est toujours limité à un seul voyage ( lucratif mais à hauts risques!)


PS: Si vivre de la mer pouvait aussi signifier un passage au service de l'état, ce ne devait guère être un privilège prisé par le peuple vénitien, quand on songe au peu d'enthousiasme des citoyens de Venise pour ce genre d'emploi ???....cet article est tiré d'une étude de Alain Ducellier...M de V

mardi 28 juin 2022

De l'Auteur au Copiste, à la Transmission des Textes

Petit condensé se référant à d'autres articles de ce Blog. Pratiquement tous les textes du Moyen âge qui sont arrivés jusqu'à nous ont été transmis par des manuscrits, c'est à dire des documents écrits par des copistes ( voir article ). Pour ce qui est de l'Imprimerie ( voir article ), elle n'apparaît vraiment en France qu'au milieu du XV siècle. Cependant longtemps après l'utilisation de cette technologie, des copistes continueront à copier à la main pour reproduire et diffuser des textes 

Par sa nature même, chaque manuscrit (en abrégé ms) est unique. Même si nous possédons plusieurs copies d'une même oeuvre, chacune d'elles sera différente des autres. Deux copies exécutées de la main d'un copiste seront toujours dissemblables, oubli d'un mot, confusion de lettres, variation de l'écriture entre l'hiver et l'été ( voir article ),( il n'y avait pas de chauffage dans les scriptoria ) etc...!!!

De plus le respect du texte n'existe pas au M-A ( voir article ), le copiste pouvait, devait même !, corriger et améliorer un texte si celui ci lui semblait incompréhensible ou illisible. Il pouvait en moderniser la langue, imprimer à sa copie ses propres traits de dialecte, voîr même ses idées sur le sujet. Bref chaque copiste était partiellement responsable du texte qu'il devait livrer au final !

Cela posait quelques problèmes selon les types de documents recopiés !!!





Sous son règne déjà !, Charlemagne ( voir article ), fut obligé d'envoyer des " Missi dominici " dans les Abbayes afin de corriger dans les scriptoria les errances des copistes travaillant sur la Bible. Ces derniers se laissant aller à des digressions, emportés par leur foi chrétienne et leur vision de cette religion ( voir article) !

Ce ne sera que sous Charles V le Sage ( voir article ), monarque à l'origine de la bibliothèque Nationale ( voir article ), fin XIVsiècle, que ne sera recopié qu'une seule et même bible !

Le support de l'écriture au M-A c'est le parchemin ( mouton, chèvre, veau, brebis ), peaux gratées et traitées spécialement. Le plus beau parchemin et le plus onéreux reste le Velin ( peau de jeune veau ), très fin, souple et presque translucide !

Le papier inventé en Chine ( voir article ), introduit au Moyen Orient et en Afrique du Nord n'apparaît en Europe qu'au XII siècle et en France au XIII siècle, il ne sera utilisé couramment chez nous qu'à partir du XV siècle !

Ce qui semble anachronique vu que les Romains connaissaient le papier ( traitement du Papyrus )  grâce aux Egyptiens ???





Le support parchemin se présente sous deux formes le " Volumen " ou rouleau, et le " Codex ", assemblage de plusieurs feuilles pliées et assemblées en cahiers, puis reliés et cousus ensemble ( voir article ), au M-A le Volumen tendra à disparaître, au fur et à mesure au profit du Codex

On écrit avec un " Calame " ( roseau taillé ) ou une " Plume " de volatile ( d'Oie ), ou de tout autre oiseau en fonction de la finesse du trait que l'on désire ( voir article ), ce qui donne un tracé plus ou moins anguleux de pleins et de déliés plus ou moins accentués

L'écriture a beaucoup évoluée au cours des siècles, nos Paléographes interprétant les manuscrits du M-A, voient l'apparition d'une graphie bien adaptée aux parchemins, on la nomme " minuscule Caroline ", elle sera utilisée jusqu'aux XII et XIII siècles

Dès le XII siècle apparaît une graphie nouvelle, plus anguleuse, dans l'Ouest de l'Europe, l'écriture " Gothique ", puis se répandra au XV siècle, par le phénomène de l'évolution, une écriture simplifiée et plus rapide " la Bâtarde ", n'y voyez la aucun terme péjoratif !, le terme " bâtard " n'avait rien de péjoratif ou d'insultant a cette époque !





Au M-A les plus grands producteurs de manuscrits furent les ateliers des monastères et Abbayes, les " Scriptoria ". Cependant dès le XIII siècle vont se créer des Ateliers Séculiers Laïcs de copistes, qui vont répondre à la demande croissante d'un nouveau public Urbain !

L'essor des Universités, de leurs Facultés et Collèges, ainsi qu'un nombre toujours croissant " d'estudiants ", ( voir article ), va faire exploser la demande dans les grandes cités Universitaires d'Europe

Les libraires de ces grandes villes, comme Paris et Montpellier, vont même mettre au point un système de location de manuscrits " cahier par cahier " ce qui permettait qu'un même manuscrit puisse être copié similtanément par plusieurs Estudiants d'une cité Universitaire !

En ce qui concerne les textes littéraires en langue Vernaculaire, ou ( vulgaire ) !, on ne sait à peu près rien de leur mode de production et de leur diffusion avant le XIV siècle. La langue des Doctes restant le Latin ( voir article ), l'écriture en Langue courante par des Lettrés n'est pas courante, même au Bas Moyen Age, comme une sorte de snobisme, d'une classe instruite, envers la moutonnière masse populaire des manants !






Bien des manuscrits ont dû disparaître, et de nos jours quelques incomplets, bien abimés, sont retrouvés. Quelques manuscrits de Menestrels ( voir article ), écrits sans grand soins, reliés dans des volumes de petit format et usés, qui appartenaient sans doute à ces acteurs, réciteurs, chanteurs et jongleurs itinérants ( à ne pas confondre avec Troubadours et Trouvères, voir article )

Pour les XIV et XV siècles des " mécènes ", Grands Seigneurs et Hauts Barons, voîr même de riches Bourgeois, se font copier pour eux de luxueux Codex. On connait alors le nom de plusieurs copistes et enlumineurs célèbres pour la qualité et la précision de leur travail !!

Nota: le nain précise qu'à ce jour il y a 443 articles sur le Blog, répartis sur 4 ans de travail d'écriture de vôtre copiste !


PS: Je conseille, pour plus d'infos, les écrits de Geneviève Hasenohr, ainsi que le livre " Paléographie du Moyen âge " par A Colin, Paris 1973, bonnes vacances d'été à vous les gens !!!...M de V