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lundi 25 février 2019

Le Vieux de la Montagne

Selon les écrits de Marco Polo, célèbre au XIII siècle, ce Prince se nommait Alaodin, il aurait fait faire dans une vallée encaissée entre deux montagnes, un magnifique jardin, dont l'entrée se trouvait protégé par une formidable forteresse.

Il était rempli d'arbres et de fruits de toutes sortes, et autour de ces plantations, le vieux avait fait ériger Palais et pavillons, décorés avec magnificence de peintures, de meubles et de tentures de soies. L'ensemble était traversé par tout un réseau de canaux aux eaux limpides, et pour parfaire l'ensemble il y aurait logé des jeunes filles, belles et pleines de charmes

Ce Prince faisait croire, par ruse, à ses gens, que ce jardin était le paradis. Comme Mahomet avait dit que ceux qui obéiraient à ses volonté iraient au paradis, le vieux, lui, faisait croire à ses disciples qu'il était prophète et compagnon de Mahomet !! Il avait à sa cour des jeunes gens de dix à vingt ans, pris parmi ceux qui peuplaient la montagne et qui lui paraissaient les plus propres aux maniement des armes

Il faisait de temps à autre, ou selon ses besoins, donner à une dizaine d'entre eux, une boisson qui les endormait, puis les faisait transporter dans le jardin, lorsqu'ils se réveillaient et qu'ils découvraient les merveilles que nous avons décrites, ils ne doutaient plus qu'ils fussent au paradis. Au bout de deux ou trois jours ils étaient endormis à nouveau et ramenés à la cour du Prince 








Ces élus racontaient alors ce qu'ils avaient vécus devant la cour et le vieux leur disait qu'il ferait entrer au paradis quiconque combattrait et mourrait pour son seigneur. Donc celui à qui il était ordonné de se sacrifier s'estimait heureux. Tous les seigneurs ou les ennemis du vieux de la montagne étaient mis à mort par ses assassins, et si puissants qu'ils fussent ils ne pouvaient manqués d'être tués

De son récit traduit de l'original en vieux français, Marco Polo, attribue l'initiative ou l'invention de ce système de domination à Alaodin, alors que ce dernier ne faisait que continuer une tradition de sa race. Il n'est autre que le successeur du fameux Hassan, fils d'Ali, lequel vers le milieu du XI siècle, profita des troubles qui désolaient l'Asie, pour se créer un royaume aux dépens des peuples et des souverains

Hassan avait embrassé, s'il on peut dire, la doctrine de la foi Ismaélienne qui prétendait expliquer d'une manière simple tous les préceptes de la religion musulmane, et qui détruisant ainsi le culte public, donna naissance à une croyance toute philosophique. Ce nouveau courant allait faire gagner à Hassan, chef de file de la foi, beaucoup d'esprits simples et sincères

C'est alors que le Calife Sindjar se proposa d'anéantir ce mouvement, mais un beau soir il trouva sous son oreiller un poignard fraîchement aiguisé !! Puis lui parvint une lettre de Hassan, à la prose on ne peut plus explicite, je cite: On pouvait te plonger dans le coeur ce qui a été placé près de ta tête !








Que pensez vous que fit le Calife ???...Oui, il fit la paix avec Hassan, dont la dynastie devait régner pendant 170 ans. Dans le château d'Alamond, construit sur les frontières de la Perse, au sommet d'une montagne escarpée et boisée, avait vécu Hassan, sa résidence principale fut aussi celle de ses successeurs;

Or donc dans la langue de ces régions, le même mot signifie à la fois " Prince " et " Vieillard ", les croisés qui avaient entendu prononcer ce mot firent l'amalgame et donnèrent à ce Prince Ismaélien, le nom de Vieux de la Montagne

Les auteurs anciens nommaient les sujets de Hassan les Haschichini, Heississini, Assissini ou Assassini, formes diverses de la même expression et qui passera dans notre langue, avec une acception qui rappelle les sanglants exploits attribués aux Ismaéliens

Si l'on cherche l'étymologie de ce nom, on doit supposer qu'il est la transformation du mot arabe " Haschischin ", qui servait à désigner les sectaires dont nous parlons, parce qu'on leur procurait du Haschisch, cette préparation extraite du chanvre indien, qui provoquait chez eux les rêves les plus étranges

Lors des immenses préparatifs que faisait Louis IX pour sa croisade, le Vieux de la Montagne, lui envoya deux de ses assassins, chargés de tuer ce Roi au milieu de sa cour !!




PS: rassurez vous il n'avait pas été le premier .....documentation BNF ..M de V

dimanche 24 février 2019

Le conseil des Dix de Venise

Célèbre tribunal inspirant l'effroi, le Conseil des Dix de Venise, ne saurait être oublié quand il s'agit de parler d'exécutions arbitraires, de justice tyrannique et implacable, il fut créé à la suite d'une révolte, qui éclata dans la république en juillet 1310, et ne devait à l'origine siéger que deux mois, mais on dut le trouver pratique car de prorogations en prorogations, en 1311 il sera confirmé pour 5 ans, en 1316 pour la même durée, ensuite pour dix ans, puis fut établi à perpétuité !

L'autorité du conseil des dix va se trouver renforcé par la création des Inquisiteurs d'état. Ils étaient au nombre de trois, élus par le conseil des dix, ces trois citoyens de la république de Venise sur lesquels se portaient les suffrages ne pouvaient refuser les fonctions ainsi attribuées !!

Le meilleur moyen de faire connaître ce redoutable tribunal est d'emprunter quelques extraits de ses règles de fonctionnement. Selon ce document du XV siècle, les inquisiteurs élus pouvaient procéder contre toute personne et aucune dignité n'avait le droit de décliner leur juridiction, ils s'en prendront même plusieurs fois à des Doges

Ils pouvaient prononcer toutes les peines même la mort, leurs sentences étaient rendues à l'unanimité du tribunal des dix et disposaient des prisons dites "les puits " et " les plombs ". Nos trois inquisiteurs d'état pouvaient puiser à volonté dans les caisses du conseil sans avoir à rendre compte de l'usage des fonds mis entre leurs mains








La procédure de ce tribunal était secrète et les membres ne portaient aucun signe distinctif. Le chef des sbires du tribunal avait ordre d'éviter de procéder aux arrestations aux domiciles des gens désignés, mais de ce saisir du coupable à l'improviste hors de chez lui, pour être conduits sous "les plombs " du Palais des Doges

Quand le tribunal aura jugé la mort de quelqu'un, l'exécution ne sera jamais publique, on noiera purement et simplement le condamné, la nuit, dans le canal Orfano, en même temps il faut dire que c'était pas ce qui manquait à Venise les canaux !!!

Le tribunal autorisera dans les divers territoires, étant possession de Venise, de faire disparaître quelque patricien ou personnage important qui serait gênant pour la république, le tout secrètement bien sur et en toute impunité, n'ayant à en répondre que devant Dieu

Si quelque ouvrier, possédant un art ou un métier, le transporte à l'étranger et ce jugé au détriment de la république par le tribunal des dix, on lui fera parvenir l'injonction de rentrer, si notre artiste ou artisan n'obéit pas, on met en prisons ses proches, afin de le déterminer à l'obéissance.

Mais s'il persiste bêtement dans son erreur, des mesures secrètes seront prises pour le faire tuer ou qu'il puisse se trouver. On peut imaginer la terreur que ce tribunal qui existait, sans exister, pouvait inspirer aux habitants de la république de Venise, cet espèce de pouvoir parallèle de l'état régnait dans l'ombre et personne n'était à l'abri









Si quelque noble de la république se permettait en plein Sénat, de discuter ou de critiquer le conseil des dix, ou s'efforçait de lui porter atteinte, on le laissait hypocritement s'exprimer, mais à la sortie du Sénat il était immédiatement arrêté. Ensuite on instruisait en sous main, son procès par un tribunal ordinaire de Venise et si on ne parvenait pas à le faire condamner, on le faisait mettre à mort secrètement !!

On comprend facilement, que pour la mise en pratique de ce règlement, dont je n'ai cité que quelques articles, des mesures avaient été prises afin d'organiser un réseau d'espionnage, ainsi que le recrutement d'exécuteurs des basses oeuvres !

Les nobles étaient sous surveillance, le secret des lettres et missives n'était pas respecté, les ambassadeurs étrangers étaient surveillés en permanence, et quiconque insultait ou gênait les sbires et les observateurs du conseil des dix, devait être mis à la torture, puis recevoir ensuite le châtiment que les inquisiteurs d'état jugeaient convenable. Des pages entières des statuts secrets attestent que le mensonge et la fourberie étaient la base de toutes les relations diplomatiques du gouvernement vénitien

Cependant le conseil des dix en tant que tribunal avait été institué uniquement dans le but de veiller à la sûreté de la république vénitienne, il ne pouvait donc pas s'immiscer dans les causes civiles, et il était de plus interdit à ses membres d'avoir des relations ou des échanges avec des étrangers à la république, ce qui ne le gênera pas pour mettre son nez partout !!!




PS: documentation de la BNF.....M de V

samedi 23 février 2019

Subir la Question au moyen âge

En abordant le sanglant domaine de la pénalité au Moyen âge, il nous faut parler en premier lieu de la " Question ", qui pouvait être selon les expressions consacrées soit " Préparatoire ", soit " Préalable " !!!

Préparatoire, lorsqu'elle avait pour but d'arracher à l'accusé l'aveu de son crime, ou celui de ses complices, et Préalable quand elle constituait une aggravation de peine, que le condamné devait subir préalablement à l'exécution capitale !!

On la qualifiait aussi d'ordinaire ou d'extraordinaire, suivant la durée ou la violence des tortures à infliger au condamné. Dans certains cas elle pouvait durer de 5 à 6 heures consécutives, d'autres fois elle ne dépassait pas une heure, mais même celle ci devait paraître fort longue pour celui qui subissait la dite question

Hippolyte de Marsilli, docte Jurisconsulte de Bologne, qui vivait au XV siècle, mentionne 14 manières de donner la Géhenne ou question. Je ne citerais que quelques exemples qui seront suffisant pour vous édifier, comme la compression des membres par des instruments, ou seulement à l'aide de cordes, puis  l'injection d'eau, de vinaigre, ou d'huile dans le corps de l'accusé, on avait aussi l'application de poix bouillante








Le procédé le plus simple restait la privation totale d'aliments et de boissons, tels étaient les procédés le plus fréquemment utilisés. D'autres moyens plus ou moins usités étaient employés, selon le caprice ou la créativité du Magistrat et du bourreau, ils se faisaient remarquer par leur atroce singularité

Comme de placer des oeufs brûlants sous les aisselles, introduire entre le cuir et la chair des dès à jouer, ils pouvaient attacher aux doigts des bougies allumées, qui se consumaient en même temps que la cire, ou faire tomber de l'eau goutte à goutte d'une grande hauteur sur le creux de l'estomac

Mais il semble que la torture la plus indicible fût, selon les vieux criminalistes d'arroser les pieds de la victime avec de l'eau salée pour les faire lécher par des chèvres. Même si l'on voit ce procédé utilisé dans un film comique avec Fernandel, je pense que l'accusé goûtait fort peu le côté hilarant de la chose !!! (bien que ce film concernait la Renaissance)

Dans chaque pays il existait bien sur des usages particuliers pour appliquer la question en fonction des moeurs de ses habitants. Pour la France, la mise à la question différait selon les provinces, ou plutôt selon les Parlements de ces régions, la encore je ne fournirais que quelques exemples car ils sont légion.

Je me propose de commencer par la Bretagne, ou l'on approchait graduellement d'un brasier ronflant, l'accusé, attaché sur une chaise de fer, je vous laisse imaginer la scène de ce barbecue de plein air !!

En Normandie, on lui serrait un pouce dans un étau, inventé pour l'occasion, pour la question ordinaire, mais on y mettait les deux pour la question extraordinaire....Heuu..ça vous gène pas si je vomi ?????

En Bourgogne, à Autun, après avoir avoir équipé l'accusé de hautes chausses de cuir bouillis, on le liait sur une table que l'on approchait d'un grand feu, puis l'on versait soigneusement sur le cuir une quantité variable d'eau bouillante, qui bien sur pénétrait le cuir, cuisant et décomposant les chairs, leur inventivité me bouleverse !!!








Dans la ville d'Orléans, l'accusé était mis à nu jusqu'à la ceinture, puis on lui liait les deux mains dans le dos au moyen d'une clef de fer à laquelle était fixée une corde. On suspendait ensuite lentement l'accusé jusqu'à une certaine hauteur au moyen d'un treuil, le misérable avait en plus un poids de 250 livres fixé aux chevilles. La manoeuvre consistait à le laisser retomber brusquement, plusieurs fois, et ce presque jusqu'au sol !!! Ce qui invariablement lui disloquait bras et jambes

Pour la capitale, Paris, on garda fort longtemps le procédé de la question par l'eau, c'était à la fois le procédé le plus intolérable, mais aussi la moins dangereuse pour l'accusé, ce qui permettait à l'occasion de recommencer la procédure plusieurs fois si nécessaire !!

On attachait la victime par les quatre membres, jusqu'à ce que le corps fut bien tendu, on lui plaçait ensuite un tréteau sous les reins, puis à l'aide d'une corne ou d'un ustensile en cuir formant un entonnoir, le bourreau lui versait dans la bouche, quatre coquemars d'eau (soit 9 litres). Pendant ce temps la un de ses aides pinçait fortement le nez de l'accusé afin de le contraindre à boire

Bon pour la question ordinaire c'était neuf litres, mais pour la question extraordinaire c'était le double. Voila juste un éventail de la pratique de la question, car la liste des moyens utilisés est fort longue, et je ne vous parle même pas des joyeusetés que subissait l'accusé à l'exécution de la sentence de son jugement !!!




PS: Il est évident que bien souvent, vaincu par la douleur, l'accusé s'avouera coupable, bien qu'il ne le fut pas. La documentation provient de la BNF comme d'habitude M de V


jeudi 21 février 2019

N°285) Fragment d'histoire médiévale

La lettre dont le texte suit, provient des archives de la ville de Millau, je la restitue donc tel que l'auteur nous la transmet. Dans cette missive John Chandos ( voir article) et Thomas de Felton, après un préambule dans lequel ils louent grandement la fidélité des habitants de la dite cité, envers Edouard de Woodstock, Prince de Galles (le prince noir)

Font savoir, que le samedi après la chandeleur, ils partiront de Villeneuve d'Agen à la tête d'une forte compagnie afin de porter secours aux Millavois et les défendre contre leurs ennemis

Ou le Connétable explique la raison pour laquelle ils ont tant lanterné avec leurs gens d'armes avant d'aller aider les Habitants de la cité de Millau. Des informations le laissait dans l'expectative








Il avait appris par des informateurs, que Perrin de Savoie et sa bande de routiers, étaient revenus de la campagne d'Espagne (celle que Charles V avait lancé pour se débarrasser des grandes compagnies), voir article !. Selon ses sources il devait passer, avec sa bande, par Auvillars pour entrer en Agenais, et Chandos se disposait à profiter de l'occasion pour lui courir sus !!

Cette missive est datée du premier février, mais ne comporte pas de mention quand à l'année d'émission ? Mais il est possible de suppléer à cette lacune, car c'est en 1367, que la bande de Perrin de Savoie dévasta certaines parties du Languedoc. Cette année la il avait assiégé sans succès, Nant, chef lieu de canton de l'arrondissement de Millau, puis aussitôt après c'était rendu à Millau, qu'il ne va pas attaquer (est ce parce que Chandos l'aurait fait fuir ??)

On sait que plus tard en septembre de la même année on le retrouve campé avec sa bande aux environs de Montpellier, qu'il va d'ailleurs ravager. Ce n'est qu'en 1368, que la province sera débarrassée de cette engeance, quand Du Guesclin les prend à sa solde pour mener le siège de Tarascon










La ville de Millau occupée par les Anglais depuis 1362, ne fit sa soumission au roi Charles V le Sage, qu'en décembre 1370

Souvenons nous que depuis ce détestable Traité de Brétigny, tout le sud ouest appartenait à l'Anglois, et ce à cause de ce détestable Jean II le Bon (que ce terme de le bon ne saurait réhabiliter !!)

Je vais essayer de transcrire ce courrier en langage courant de manière à ce qu'il soit compréhensible par tout le monde, ce qui n'est pas simple !!!

Je ne suis ni Médiéviste de formation, ni Philologue, or donc je demande l'indulgence des lecteurs, mais aussi celle d'historiens qui pourraient voir dans ces lignes comme une atteinte à leur domaine de compétence. Qu'ils se rassurent, et ne voient ici que le souci du partage entre passionnés d'histoire médiévale

Je me considère comme un nain juché sur les épaules d'un géant, car nous ne faisons que commenter ou critiquer des faits et surtout des personnages historiques qui eux ont fait l'histoire











A nos très chers et bons amis , les Consuls et habitants de Millau

Très chers et bons amis, nous avons su et entendu la bonne foi et loyauté , en quoi vous êtes tous tenus envers le Roi d'Angleterre, notre Seigneur et son fils Monseigneur le Prince, de quoi, très chers amis nous vous remercions ainsi que nostre dit Seigneur

Nous vous prions très affectueusement de continuer à servir parfaitement nos dis Seigneurs, et avons en vous entière fiance, car très chers et bons amis, pour le temps à venir, la bonne foi et loyauté, en quoi vous tenez, vous sera à très grand profit et honneur ! Ce malgré et en dépit de toutes les mauvaises et fausses paroles de gens qui se mirent en essai de vous mal conseiller, afin que vous et les vôtres soyez détruits et déshonorés

Très chers et bons amis, pour venir à votre secours et vous visiter comme bons et loyaux sujets de notre dit Seigneur, nous allons devers vous le plus tôt que nous pouvons. Pour ce faire nous partirons ce samedi après la chandeleur de Villeneuve d'Agen et viendrons en telle compagnie, que si Dieu le veult et plait, nous vous garderons et défendrons de vos ennemis, en telle manière que pour vostre bonne loyauté vous serez toujours honorés







En outre nous fussions venus par devers vous plus tôt, mais si nous avons attendu c'est que nous cuidions que Perrin de Savoye et sa bande, qui sont revenus d'Espaigne devoient passer par Villars, pour entrer en pays d'Agenoys et nous contions lui courir sus pour les combattre, s'il y fussent entrés. Ainsi ferons nous si quelque part nous sachions qu'ils veulent porter ou faire mal et dommage.De telle manière, s'il plait à Dieu, vous connaîtrez que pour vostre foi et loyauté, avec vous nous voulons vivre et mourir. Que nostre Seigneur vous ait en sa sainte garde

Escript ce jour au dit lieu de Villeneuve d'Agen, le premier jour de février
John Chandos Connétable et Thomas Felton Sénéchal d'Aquitaine, de notre seigneur le Prince





PS: documentation BNF comme il se doit M de

lundi 18 février 2019

La longue gestation du pont Médiéval

Nous approchions de l'an Mil sous les plus tristes auspices, car il était une croyance très répandue parmi les peuples, celle que la fin du monde était proche !!!, et la sombre prophétie amollissait toutes les énergies, paralysait tous les courages.

Pourquoi s'occuper du lendemain puisque les temps allaient finir. Ces pronostics sombres étaient jetés en pâture, à la moutonnière multitude, ignorante, du haut des chaires chrétiennes, par des prédicateurs, eux mêmes fort peu savants, qui annonçaient l'avènement de l'antéchrist

Mais à l'aube du XI siècle, les peuples voyant le soleil toujours luire au dessus de leurs têtes, se prirent à croire en des jours meilleurs, la confiance commença de renaître, l'énergie prit la place de l'abattement et de la prostration.

Dès l'ouverture de ce siècle une véritable révolution se produisit dans l'art de bâtir, l'on peut même avancer que ce fût à partir de cette époque que l'on trouve les vraies origines de notre civilisation. Cathédrales, églises, monastères, donjons féodaux, vont jaillir du sol, vivante expression de l'autorité religieuse mais aussi de la force et de la puissance militaire, cependant un élément de construction, enjambant fleuves et rivières faisait défaut !!!








Les ponts sur les voies fluviales vont apparaître comme le complément nécessaire de toutes ces constructions, mais durant le premiers tiers du XI siècle, ils demeureront tels qu'ils avaient été construits dans les siècles antérieurs, c'est à dire simplement en bois, sauf les constructions romaines, sur tous les fleuves et rivières de France

Car ceux ci exigeaient un large débouché pour faciliter l'écoulement des eaux, des crues et le passage des glaces. De ce fait ils étaient composés de travées à palées de bois, ou de piliers de maçonnerie, sur lesquels s'étendaient un réseau de poutres couvertes d'un plancher. Mais les dégradations rapides des palées et des planchers, causées par leur exposition constante aux intempéries posaient problèmes !!!








Cela incitait les bâtisseurs à rechercher le moyen de substituer à ces ouvrages périssables des oeuvres totalement en pierres, donc plus durable.  Bien sur, il y avait bien les bacs, qui s'étaient établis pour assurer le passage de l'eau, des corporations de bateliers s'étaient même organisés dans ce but, mais au dire de certains auteurs contemporains, elles s'étaient souvent transformées en véritables associations de malfaiteurs, rançonnant, dévalisant et assassinant même parfois le voyageur isolé !!

Ce n'est que vers la fin du XII siècle que la construction de ponts, par des corporations de métiers parvinrent à leur but, soit presque 7 siècles après la période romaine et sans que rien ne fut ajouté à ce qu'il restait des ouvrages exécutés par les Romains eux mêmes








D'après Viollet le Duc, une légende existait au moyen âge, racontant qu'un jeune berger du nom de Petit Benoit, né en 1165, dans le Vivarais, vint en Avignon ou il fût l'instigateur et l'architecte de ce pont qui traverse le Rhône.

Mais élever des maçonneries, placer des cintres, exécuter des voûtes, sur un tel endroit paraissait insurmontable pour l'époque. On s'explique donc facilement qu'une telle entreprise ait frappé l'imagination des populations méridionales qui en furent témoins

Porté par le goût du miraculeux de l'époque, ce Petit Benoit, fut canonisé plus tard, sous le nom de Saint Bénézet. Les travaux commencés en 1178, furent menés à bien, et ce malgré tous les obstacles, au bout de 10 ans








Notre homme mourut en 1183, cinq ans avant la fin des travaux, qui fut terminé avec le plus grand soin malgré la disparition du futur canonisé. Nous savons que ce pont était encore intact en 1385 soit deux siècles plus tard !



PS: documentation de la BNF et de l'école des Chartes M de V











mercredi 13 février 2019

Les Milices Bourgeoises

La vraie et unique cause de la révolution communale au XII siècle a été le besoin de défense des citadins, contre l'oppression des seigneurs féodaux (voir article la révolution communale). Ce besoin s'est fait sentir dans toutes les villes ou presque, les bourgeois ont pris les armes par nécessité, pour conquérir ce premier élément politique, la sécurité

Ceci ne s'applique pas aux villes du midi de la France, car le régime municipal Romain y existait encore dans toute sa force, et les cités méridionales étaient parvenues à préserver leurs vieilles constitutions. Comme elles étaient fortes, elles ne furent point opprimées par les seigneurs et sans recourir aux armes elles se firent donner par les féodaux des Chartes et des privilèges. Les villes vont donc essayer de se procurer la paix et la sécurité, les habitants eurent recours à l'association pour se défendre contre ceux dont ils redoutaient les atteintes. C'est à dire les grands ecclésiastiques, comme les Evêques, ou les Abbés mitrés des monastères, détenteurs de droits féodaux et les Seigneurs, âpres aux gains tous autant qu'ils sont

On creusa donc autour des cités des fossés profonds et l'on érigea de puissantes murailles, les citadins s'armèrent moins pour l'attaque que pour la défense, mais vont former des milices qui n'étaient cependant pas uniquement destinée à défendre les murailles ou assurer le Guet, elles pouvaient au besoin se mettre en campagne pour protéger la ville et sa banlieue immédiate (voir article la cinquantaine)









Les hommes qui faisaient partie de ces milices étaient obligés de servir en armes et tous sans exception accouraient sur la place de la cité à la première convocation des magistrats de la ville, dès le XII siècle nous voyons dans toutes les cités des bourgeois armés et des milices organisées

En 1122 (XII siècle), lorsque la lutte s'engage entre l'évêque de Laon et les habitants de la ville, on voit les bourgeois attaquer le palais épiscopal avec épées, haches à deux tranchants, arcs, masses d'armes et piques ou lances

On lit par exemple dans un ancien document de Valenciennes, je cite: Que si l'on entend sonner en même temps le couvre feu et la cloche du Ban que tous les miliciens doivent courir aux armes et que celui qui ne se hâtera point à cette convocation sur la place du corps de la ville, payera une amende de cinq sous.

Cette directive municipale exceptait seulement les hommes, qui au moment de la convocation, tiraient le pain du four, ceux qui brassaient la bière et bien sur ceux qui étaient malades. Encore faillait il dans ces trois cas fournir deux témoins fiables pour certifier leurs dires

Nous sommes loin des idées reçues, de bourgeois désorganisés, n'ayant aucune connaissance de la discipline et du maniement des armes









Les milices n'étaient pas composées d'hommes mal armés, mal équipés, peu versés dans le maniement des armes et indisciplinés. Dans la plupart des villes les bourgeois de la milice, rassemblés pour défendre les intérêts communs étaient exercés à l'art du combat, en temps de paix nos bourgeois prenaient leurs armes et allaient au champ avec leurs congénères pour se livrer aux exercices militaires

Nos miliciens, convoqués pour défendre la ville, ou pour accompagner le Suzerain à la guerre, ne se rassemblaient pas en désordre et les préparatifs se faisaient avec le sérieux d'une discipline militaire.

Si départ, il y avait, hors les murs de la cité, les magistrats dressaient deux listes. la première contenait le nom de ceux partant en campagne, et sur l'autre la liste de ceux qui restaient pour assurer la garde et le Guet.

Ce n'était qu'après lecture publique de ces deux listes que les hommes de l'expédition franchissaient, au son des cloches, les portes de la ville. le déplacement à l'extérieur se faisait en groupes constitués et chaque groupe derrière sa bannière. Que ce soit le boulanger, le savetier, le boucher, le tavernier ou le tailleur, tout le monde suivait l'ordre de marche. la encore des amendes pouvaient être distribuées si la discipline n'était pas respectée








Les milices des villes des XII et XIII siècles se composaient exclusivement de fantassins, seuls les seigneurs possesseurs de fiefs pouvaient combattre à cheval, cependant comme nous l'avons vu plus haut lors de l'attaque du palais épiscopal, le bourgeois utilisait toutes les armes !!, épées, haches, masses, arcs, lances, arbalètes

Les habitants des cités formant la milice se mettaient en campagne dans trois circonstances bien précises. lorsqu'ils combattaient les propres ennemis de la ville que ce soit le Clergé, la noblesse ou une bande armée quelconque de ce côté la les exemples ne manquent pas








Deuxième circonstance, lorsqu'ils étaient requis aux termes du contrat féodal pour suivre leur suzerain à la guerre.

Troisième cas, lorsqu'il s'agissait pour la cité de se venger sur un individu ou un groupe d'individus, étranger à la ville, et habitant hors de son territoire, d'un attentat ou de voies de faits commis sur un bourgeois de la cité !!

Dans ce cas ou l'on ramenait le ou les coupables pour êtres jugés, mais si on ne trouvait personne on rasait et brûlait  l'endroit ou ils logeaient !!!! Expéditif et en général efficace









Les rois des XIII et XIV siècles, à mesure que grandissaient leurs territoires, encourageaient les efforts des habitants et des magistrats des municipalités.

Charles V le Sage, lors de la guerre de cent ans, pour contrer les raids des Anglais, favorisa grandement les municipalités afin qu'elles puissent clore et fortifier leurs villes pour en faire des îlots de défense (voir article les pots de vins)

PS: documentation BNF ...M de V

mardi 12 février 2019

Les Pots de Vin

Dans le courant du XV siècle, à la faveur des troubles de la guerre de cent ans, une ville comme Tours accède temporairement au statut de capitale du royaume, cette bonne cité accueille fort souvent le roi, ses familiers les plus proches, des officiers de la couronne, mais également des ambassadeurs de nos provinces ou de l'étranger

Cette population cosmopolite, riche en dignitaires de tous poils, réside dans cette ville, dont les dirigeants (ou corps de la ville), sont en recherche de faveurs et de protection

Ces faveurs que la municipalité recherchait auprès de ces gens influents s'achètent en " Pots de Vins ", distribués généreusement par le corps de la ville Tourangelle.

Les comptes de la cité, tenus par un receveur, enregistrent pour chaque année ces distributions de vin destinées à honorer le buveur, lui apporter plaisir et bien être, afin d'obtenir les dites faveurs !!! . Il est certain qu'un notable qui a la panse réjouie par un bon Clairet (qu'il n'a pas payé), est nettement plus enclin à prêter une oreille attentive aux échevins, et ce qu'elle que soit la ville considérée !!!











C'est au milieu du XIV siècle que l'on voit émerger en France cette documentation comptable des Pots de vins, particulièrement utile pour l'étude des sociétés urbaines. La question que tout le monde se pose, c'est pourquoi ???

En fait, une grave crise touche le royaume depuis la défaite de Poitiers et la capture de ce benêt de Jean II le bon, et elle va bouleverser tout le dispositif de défense du territoire. Pour faire face à la menace des chevauchées Anglaises, le Dauphin Charles, Régent du royaume, décide de vider les campagnes et de tout enfermer dans les cités.

Il confie donc à ses bonnes villes, devenues îlots de défense, le droit d'organiser leur protection ainsi que celle du plat pays environnant. Pour ce faire il les autorisent à lever l'impôt, afin d'entretenir fortifications et troupes. Ce financement passe par l'instauration d'une taxe sur la vente du vin au détail

De ce fait on peut dire que la défense des villes est massivement assise au XIV et XV siècles sur l'économie viticole, car le vin et un élément clé du quotidien, et si l'homme médiéval mange au moins un kilo de pain par jour, il faut compter une consommation de 3 litres de vin par jour et par personne en moyenne !!. Il est nécessaire de préciser que rivières et sources étaient polluées par les rejets humains et les nappes phréatiques par les cimetières !!! (voir articles)









L'expression " Pot de Vin ", désigne de nos jours un élément de corruption, d'un fonctionnaire, afin d'obtenir un passe droit, une faveur ou un avantage !!! Que ce soit sous forme de sonnante et trébuchante ou d'avantages en nature, afin de le soudoyer. Cette pratique est toujours clandestine, et par le fait très difficile à détecter dans les livres de comptes des recettes et dépenses publiques, nous avons moult exemples de cette corruption à notre époque moderne !!!

Au XIV et XV siècle, l'expression " Pot de Vin ", désigne une réalité totalement différente !! Ce ne sont pas des dessous de tables, puisqu'ils sont mentionnés dans les comptabilités urbaines et contrôlés par une autorité compétente

La définition première de Pot de Vin est matérielle, car il s'agit d'un versement de vin, dans un récipient appelé " Pot ". La capacité courante du pot oscille entre 3 et 6 pintes ( 3 à 7 litres environ), ou très supérieures de 9 à 12 pintes, le terme de " Grand Pot ", sera alors souvent utilisé

Ces pots sont en étain, propriété de la ville, qui les fait spécialement fabriquer et entretenir à ses frais. Ceux ci devaient êtres volumineux puisqu'ils pouvaient contenir jusqu'à 13 litres de vin par récipient ??

Ces pots de vin était transporté par deux, à dos d'homme, au bout d'une perche installée sur les épaules, afin d'être livrés pour moult libations à leurs éminents destinataires









Ces dons étaient livrés par un service de Clercs, gagés par la ville, ce transport avait bien sur une tarification, équivalente à 10 deniers par portage. Dans les comptes de la municipalité le coût de ce transport était précisé le plus souvent à part, du coût du vin offert !!

Il s'agissait donc plutôt d'une largesse institutionnalisée de la cité, en vue d'instaurer une relation durable, envers des personnes influentes de passage dans la cité, et considérés comme digne d'êtres honorés pour leurs bienfaits potentiels ou avérés

PS: sur un Texte de Samuel Leturcq, Maître de conférence en histoire médiévale...M de V

dimanche 3 février 2019

La "Cinquantaine", milice Bourgeoise de Rouen

L' auteur C H de Beaurepaire, nous parle d'une compagnie qui fut autrefois bien connue de cette ville de Rouen et qui pouvait légitimement prétendre à notre estime, ainsi qu'à notre attention bienveillante. Il parle de cette milice Bourgeoise "la cinquantaine", les Arbalétriers de la cité.

Un mot de l'arme à laquelle cette milice dut son nom. Si l'arc fut longtemps en France, comme partout, la principale arme offensive que l'on employait à la guerre, l'arbalète arrivait en seconde position, ce n'était d'ailleurs qu'un arc perfectionné!, pourvu par sa portée et sa précision d'une plus grande force de pénétration, mais qui nécessitait beaucoup moins d'entrainement que pour le tir à l'arc

L'arbalète, l'arme du Diable (voir article), dont l'usage avait été condamné au concile de Latran en 1139, pour les guerres entre chrétiens, car considérées comme des guerres fratricides, était autorisée contre les infidèles ! Mais Richard Coeur de Lion, qui se trouvait engagé dans un conflit menaçant de ne pas tourner à son avantage n'eut point d'égard pour cette directive ecclésiastique.

Il va s'en servir contre les Français avec aussi peu de scrupules que s'il eût affaire aux Sarrasins ! Aussi beaucoup virent ils comme un châtiment providentiel, quand il reçu lui même un trait mortel d'arbalète au siège de Chalus en 1199. Selon les chroniqueurs, Richard, était parait il un tireur exceptionnel à l'arbalète ?









Quoi qu'il en soit, une fois rétabli l'usage de cette arme il ne fut plus interrompu. La création de notre compagnie de la " cinquantaine ", remontait aux premières années du XIII siècle. C'était une sorte de garde Bourgeoise armée suivant la mode du temps, organisée pour prêter main forte aux représentants de l'autorité de cette cité, mais qui n'entrait pas dans le service du Guet de celle ci !

Dès son origine la compagnie avait été limitée dans son statut au nombre de cinquante arbalétriers, d'où son nom !!, avec un chef que l'on nommait Maître, auquel sera substitué plus tard le titre de Capitaine. Elle était soumise à l'autorité du Maire, qui représentait pour le citadin la principale autorité de cette ville

Ce Magistrat avait le droit d'utiliser la compagnie pour les besoins de la communauté, pourvu que ce fut dans la cité pu ses faubourgs, nos "cinquanteniers", suivant le serment professionnel qu'ils prêtaient étaient tenus de se présenter à l'appel du maire, équipés et apprêtés pour accomplir le commandement du magistrat

Notre milice bourgeoise était protégée par les institutions de cette ville, se chargeant même de les indemniser pour les dommages corporels ou les détériorations de leurs biens pendant l'exécution de leurs missions, car ils n'étaient pas rémunérés par la ville pour ce travail !








Dans un acte de 1322 il fut décidé, que si un cinquantenier mourrait, nul autre que le maire pouvait élire un remplaçant, la compagnie présentait alors ses candidats au choix du magistrat de la ville. Il y est précisé également qu'un arbalètrier ne pouvait quitter la compagnie pour aller s'engager dans l'armée, fut elle l'Arrière Ban du Roi, sans avoir reçu congé du Maire

Les cinquanteniers étaient également exempt de Guet et ne payaient pas les tailles de la ville, ils n'étaient imposés que suivant l'importance et le genre de commerce auxquels ils se livraient en dehors de la compagnie. Cet acte de 1322 avait été rédigé par le Maire, Guillaume des Essarts et revêtu du sceau communal

On y précisait également, qu'une fois entré dans la milice le bourgeois devait en tout temps répondre à l'appel, tout armé et prêt à défendre le corps de la ville. On y trouve ajouté que les armures et armes du bourgeois sont les siennes propres et qu'il ne doit ni les vendre, donner, prêter ou échanger !!

Cette cinquantaine était solidement enracinée dans les habitudes de la ville, bénéficiant de l'opinion publique qui lui fut toujours favorable, et même de l'appui des Officiers royaux de cette cité, qui voyait en elle une milice bourgeoise sure et indispensable









Si pour le service intérieur de la ville nos arbalétriers n'avaient droit à aucune solde, il n'en était pas de même lorsque le maire les envoyait dans les banlieues !!! C'étaient des marchands, des Artisans tenant échoppes en ville, et non des chevaliers et leurs vassaux

Nos Cinquanteniers touchaient alors 3 sous de gages par jour et le maître en touchait 5. On sait que la compagnie fut comprise dans le contingent que Rouen devait fournir contre l'armée d'Edouard III, heureusement pour elle, arrivée trop tard elle échappa au Massacre de Crécy

Mais nos cinquanteniers s'étaient montrés hommes de guerre et hommage fut rendu à leur valeur et aux efforts déployés sous les ordres de Du Guesclin, lors de la prise du château de Rolleboise et de la ville de Mantes, quand il avait fallu déloger les grandes compagnies et les partisans du roi de Navarre

Les privilèges énoncés dans les documents et la carte de la compagnie furent attestés par le Dauphin Charles, Régent du royaume en avril 1357, puis confirmé en octobre 1359

PS: la documentation provient de la BNF ...M de V




jeudi 24 janvier 2019

N°280) Les Couvreurs au moyen âge

Ce corps de métier fut au début compris dans la corporation et la réglementation des Charpentiers, parce qu'il ne s'agissait au début que de "Couvreurs en Merrain", ces petites planchettes de bois que l'on nommait " Bardeaux" et qui servaient à couvrir à l'époque les bâtiment de moindre importance

Il semble probable qu'à cette époque la couverture en tuiles, en ardoises ou en pierres était exécutée par les maçons qui avaient des ouvriers couvreurs attachés à leurs ateliers. Au XIII siècle le livre des métiers (voir article), ne s'occupe que des couvreurs en Bardeaux, car c'est au chapitre XLVII, concernant les Charpentiers que l'on parle de ces autres ouvriers " qui oeuvrent en tranchant en merrain ", on voit donc apparaître pour la première fois " les couvreurs et recouvreurs de maisons "







Nos couvreurs suivent donc les statuts de la corporation des charpentiers, ils se servaient de temps immémorial et d'après la tradition romaine du bardeau, aussi nommé, Bauche, Essente ou Essau. C'était une tuile de bois dont on couvrait les combles et les pans de bois des maisons, elles étaient souvent peintes de diverses couleurs

On les clouaient sur les voliges et pouvaient être découpées de diverses façons afin de former une décoration plus ou moins originale selon l'artisan, ce bardeau était fendu et non scié, afin que le bois de la planchette suive le fil et par conséquent avait une plus grande longévité. Viollet le Duc, recommande ce type de couverture pour les constructions isolées exposées au vent de pluie, car il ne s'éclate ni ne gerce, résistant fort bien à l'introduction de l'eau







Au XV siècle le bardeau se vendait rue de la Mortellerie, ou demeuraient les marchands de merrain. Bien plus tard, Duviler, le célèbre Architecte du XVIII siècle, dans son " cours d'architecture " disait que de son temps on se servait encore des bardeaux pour la formation des apprentis à cause de leurs légèreté.

Le registre de la taille de 1292, divise les couvreurs parisiens en deux catégories, celle des Couvreurs dont les maîtres sont au nombre de sept, et celle des Recouvreurs, lesquels sont au nombre de vingt et un. On suppose que les premiers faisaient les travaux neufs et que les seconds ne pratiquaient que les réparations des toitures ???, en histoire cela reste une hypothèse plausible, car il est bien évident que les écrits de l'époque sur ce métier sont fort rares voir inexistants








 Au XIV siècle il du y avoir une nouvelle organisation du métier, que nous ne pouvons encore une fois que supposer, car l'histoire des corporations n'en laisse aucune trace !! Mais on sait que les Couvreurs vont se séparer de la corporations des Charpentiers, vu qu'ils furent érigés en communauté distincte par le Prévôt de Paris, Gilles Haquin, qui promulguera leurs statuts le 26 février 1328

Le couvreur était payé, au XIV siècle, trente deux deniers en été et vingt six en hiver et oui !!! les journées sont moins longues en hiver donc il y a moins d'heures de travail par jour. A partir de cette époque les couvreurs utiliseront tous les matériaux, le bardeau, la Tuile, l'Ardoise, la pierre (Lauze) ou la chaume

On suppose que ceux qui travaillaient pour les maçons se sont joint à la corporations des couvreurs








Les maîtres devaient fournir aux apprentis, le boire, le manger, les vêtements et les chaussures. Il y avait une particularité dans la corporation des couvreurs, qui ne se retrouve dans aucun autre métier du bâtiment, lorsque l'apprenti devenait un ouvrier on le mettait en possession de ses outils à titre gracieux et gratuit

Les amendes perçues dans le métier par la corporations comme sanction à l'encontre d'ouvriers ou de maîtres allaient aux ouvriers blessés (le métier était dangereux), aux vieux ouvriers, aux pauvres et malades de la corporation. Il faut avouer que l'entraide était énorme par rapport à l'époque ou nous vivons, la corporation payait aussi pour l'enterrement de ses morts


PS: la documentation provient de la BNF comme il se doit M de V
























mercredi 23 janvier 2019

Montmartre et son Plâtre au moyen âge

Pour ceux qui ont la curiosité de chercher l'origine de quelques anciennes rues du vieux Paris, on peut y trouver la rue Plâtrière, celle du Plâtre au Marais, ou encore la rue du Plâtre Saint jacques !! Ces noms rappellent simplement que des Plâtriers y ont habités en nombre, ou qu'ils y ont fondé une corporation de métier, voir même qu'ils y avaient établis des Plâtrières (dépôts ou magasins), lieux ou l'on préparait le plâtre sur des tamis en fils de laiton, ce genre d'industrie est cité dès le XIII siècle dans le " dict des rues ", du Poète Guillot !

On peut affirmer que Montmartre, bien avant tout autre lieu, fourni son plâtre en Paris, d'abord parce qu'il en était proche, que sa réserve de Gypse était considérable, plus du double de celle des buttes Chaumont et d'une qualité remarquable !!








On a tiré de la butte Montmartre tant de plâtre pour construire les maisons de la capitale, que comme dit Sauval, on lui donna le nom de ville blanche et ce dernier n'a pas infirmé la gaillarde explication donnée, par le docte et joyeux prédécesseur que fut Rabelais, au chapitre XVII de son Gargantua

Ce plâtre était le meilleur qu'il fut possible de trouver, pour le modelage et la construction, l'excellence de sa qualité lui avait jadis acquis une telle réputation  que l'on en expédia longtemps vers l'Angleterre et bien plus tard vers le nouveau monde. C'était une variété de gypse qui résistait aux intempéries de saison, que le plâtre ordinaire ne pouvait supporter !! On peut aussi affirmer sans crainte que ce plâtre de Montmartre était exploité depuis fort longtemps, puisqu'au III siècle de notre ère c'est dans l'excavation d'une de ces carrières que se trouvait l'oratoire de Saint Denis et de ses compagnons persécutés, plus tard les fidèles en marquèrent l'emplacement en érigeant au dessus la fameuse chapelle des Martyrs

Les quantités livrées devait être importante, car dans les registres de compte, il est fait état de paiement, par tranche de cent charrettes de matière première !!







Montmartre fournissait Paris, l'usage en était même universel au XIV siècle. Un savant contemporain, Barthélémy l'Anglais, dans son " de propietatibus rerum ", sorte d'encyclopédie latine, en parle. En 1372, Charles V le sage (qui est à l'origine de la bibliothèque nationale), ordonna la traduction de son livre (voir article)

Je cite: La France a moult belles quarrières ou l'on prend les pierres pour faire de nobles édifices, et en particulier en Paris, ou est le plâtre à grande foison. Lequel est comme verre et dur comme pierre quand il est cru, et quand il est cuit et détrempé d'eau il se convertit en ciment dont on fait les parois de beaux édifices et les parements des maisons ..!!

L' histoire ne dit pas si dès le moyen âge les mouleurs Italiens venaient dans notre capitale, afin de modeler cette matière en de pieuse statues ??. Dante ayant étudié en Paris, parle des banquiers lombards établis chez nous, mais ne mentionne pas de plâtriers de la péninsule (voir article). C'est une hypothèse car quand on se trouve à l'étranger on a tendance à se rapprocher de ses compatriotes non !!!!








Les Carriers de Montmartre, comme nous l'avons dit plus haut, avaient établi dans Paris, des dépôts de plâtre qu'ils entreposaient après cuisson, ceci afin de lui faire subir les dernières préparations, comme le battage, le corroyage et le tamisage, que l'on nommait "Plâtrières", il sont indiqués depuis le XIII siècle dans la dénomination des rues.

Sous le règne de Louis IX (saint Louis), on trouve les Plâtriers à côté des Maçons dans les règlements du livre des métiers d'Etienne Boileau (voir article), nos plâtriers faisaient procession sous la bannière de Saint Blaise, leur Saint patron. Ce plâtre voyageant fort loin on le faisait acheminer par voie d'eau, c'est la corporation des Bateliers qui s'en chargeait, on la nommait aussi corporation des marchandises de l'eau (voir article), c'était le moyen de transport le plus commode et le moins coûteux.








Il était transporté en moellons crus, parce que s'il était livré cuit il risquait de s'éventer et de perdre ses propriétés lors du transport.

Sur Paris il y avait deux ports de chargement pour le plâtre dans lesquels on trouvait  un Jaugeur Toiseur, chargé de la réception des pierres avant l'embarquement. Un arrêt du Parlement nous montre que la fonction de jaugeur Toiseur existait déjà en l'an 1317

Nos deux ports étaient de taille considérables et rapport avec les quantités expédiées, l'un se trouvait à Argenteuil pour desservir la basse Seine jusqu'à Rouen et l'autre à Bercy, celui ci portait le nom de port au plâtre (quai de la Râpée)




PS: documentation BNF, comme il se doit M de V