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jeudi 20 avril 2017

Poitiers vu par Chateaubriand 1/3


Pour Chateaubriand, deux nations ainsi descendues dans la lice ne pouvaient pas plus refuser le combat, qu'un homme de coeur ne peut se dispenser de tirer l'épée quand il a reçu un affront.

                Or donc il fut résolu au conseil du Roi de France de marcher droit à l'ennemi. Aussitôt les ordres sont donnés; les cors de chasse et les trompettes sonnent haut et clair; les ménéstriers jouent de leurs instruments, les soldats s'apprêtent, les seigneurs déploient leurs bannières; les chevaliers montent à cheval et viennent se ranger à l'endroit ou l'étendard des lis et l'oriflamme flottaient au vent.

On voyait courir les chevaucheurs, les poursuivants, les héraults d'armes, les pages, les varlets, avec la casaque, le blason et la devise de leurs maîtres. Partout brillaient belles cuirasses, riches armoiries, lances, écus, heaumes et pennons; là se trouvait toute la fleur de la France, car nul chevalier ni écuyer n'avait osé demeurer au manoir. On entendait au milieu des fanfares, de la voix des chefs, du hennissement de chevaux, retentir les cris d'armes des différents seigneurs. Tous ces cris étaient dominés par le cri de France " Montjoie Saint Denis ", par des complaintes en l'honneur de la Vierge, et par la chanson de Roland. Des vassaux, tête nue, sous la bannière de leur paroisse, et portant des colobes et des tabards (espèce de chemise sans manche et de manteau court); des barons en chaperons, en robes longues et fourrées, marchant sous les couleurs de leurs dames; une infanterie en peliçon ou jaquette armés d'arcs, d'arbalètes, de bâtons ferrés et de fauchards; une cavalerie couverte de fer, portant le bassinet et la lance; des évêques en cottes de mailles et en mitre; des aumôniers, des confesseurs; des croix, des images de saints; de nouvelles et d'anciennes machines de guerre; toute cette armée, enfin, présentait aux feux du soleil un spectacle aussi extraordinaire que brillant et varié.

Les troupes réunies formaient plus de soixante mille combattants: on y voyait le frère et les quatre fils du roi, la plupart des seigneurs des fleurs de lis, d'illustres commandants étrangers, trois mille chevaliers portant bannières. Tous ces guerriers avaient à leur tête le roi, qui, s'il n'était pas le plus grand capitaine de son royaume, en était du moins le plus brave soldat et le premier chevalier.

L'armée fut divisée en trois batailles, par l'avis du connétable Jean de Brienne et des deux maréchaux d'Audeneham ( Arnould d'Audrehem)et de Clermont. Le Duc d'Orléans, frère du roi, ayant sous lui trente six bannières  et deux cent pennons, commandait la première bataille; la seconde avait pour chef le Dauphin Charles, Duc de Normandie (futur Charles V le sage); ses deux frères Louis et Jean marchaient avec lui: les trois Princes étaient sous la garde des sires de Saint Venant, de Landas, de Vondenay et de Cervolles, dit l'Archiprêtre (célèbre aventurier). Le roi menait la troisième bataille avec Philippe le plus jeune de ses fils, tige de la seconde maison de Bourgogne.

Ces trois corps qui auraient pu envelopper l'ennemi en tournant la position du Prince de Galles, furent disposés sur une ligne oblique, un peu en arrière les uns des autres. L'aile gauche, la plus proche de l'ennemi, et sous les ordres du Duc d'Orléans, n'était séparée des Anglais que par un monticule, dont on négligera de s'emparer; le Dauphin commandait au centre et le roi à l'aile droite constituant la réserve. On jugera de la science militaire de ce temps, quand on saura que ces dispositions se faisaient avant d'avoir reconnu le terrain occupé par le Prince de Galles.

Tandis que l'armée Française se mettait en place, le roi envoya trois chevaliers examiner le camp d'Edouard de Woodstock Prince de Galles. Au retour ils rendirent compte au roi de ce qu'ils avaient observés. L'ennemi s'était retranché au milieu d'une vigne, sur une petite hauteur, auprès d'un village appelé Maupertuis; pour aller vers lui il n'y avait qu'un chemin creux, bordé de deux haies épaisses, et si étroit qu'à peine trois cavaliers y pouvaient passer de front. Le prince avait embusqué des archers derrière ces haies. Parvenu au bout de ce défilé on trouvait l'armée Anglaise, composée au tout de deux mille hommes d'armes, quatre mille archers et de quinze cent aventuriers. Il n'y avait guère sur ces sept à huit mille hommes que trois mille Anglais: le reste était Français et Gascons.

Le Prince avait fait mettre à pied à terre à toute sa cavalerie, qui ne pouvait agir sur le terrain ou elle se trouvait: le tout formait sur la pente de la colline, un corps d'infanterie pesamment armé, retranché parmi des buissons et des vignes, couvert sur son front par des archers rangés en forme de herse. Cette disposition était l'ouvrage de James d'Audeley, chevalier d'une grande expérience.

Le Prince Noir avait pour compagnon les plus vaillants guerriers d'Angleterre et de Guyenne, on remarquait, Jean Lord Chandos, les Comtes de Warwick et de Suffolk, Richard Stanfort, James d'Audeley et Pierre son frère, sir basset, pour la Guyenne on comptait le Captal de Buch, Jean Chaumont, les sires de Lesparre, de Rozem, de Montferrand, de landuras, de Prumes, de Bourguenze, d'Aubrecicourt, et de Ghistelles.

Ribaumont ayant peint au roi la position des ennemis, Jean II lui demanda comment on les devait attaquer. " tous à pied, excepté trois cent armures de fer parmi les plus habiles et les plus chevalereuses: elles entreront  dans le chemin creux pour rompre les archers, elles seront suivie du reste des hommes d'armes à pied, pour donner sur les hommes d'armes Anglais qui sont en bataille sur la hauteur au bout du défilé, et pour les combattre de la main à la main.

Jean II suivit cet avis qui lui plaisait par sa hardiesse: mieux conseillé, il aurait fait attaquer les archers à dos, et les eut chassés des deux haies avant de s'engager dans le défilé. Les maréchaux d'après le plan adopté, désignèrent les trois cents cavaliers qui devaient ouvrir le chemin. Le reste des hommes d'armes fut démonté; on leur ordonna d'ôter leurs éperons de tailler leurs piques, et de les réduire à cinq pieds de long, pour s'en servir plus facilement dans la mêlée.

Un corps d'Allemands commandé par les Comte de Nidau, de Nassau et de Saarbruck, demeura à cheval afin de soutenir en cas de besoin, les hommes d'armes à l'attaque dans le défilé. Le roi accompagné de vingt chevaliers se mit au milieu de ces Allemands pour voir de plus près le commencement de l'action. Tout étant ainsi  disposé on pouvait donner le signal du combat.











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